Sa société s'appelle Douze Doigts Productions, parce qu'il est né avec 12 doigts. Comme s'il était destiné à devenir un touche-à-tout. Car c'est bien comme cela qu'on peut définir Jean-Pascal Zadi, tantôt acteur, rappeur, homme de radio, de télévision ou écrivain. Tandis que son troisième long métrage, Tout simplement noir, sera l'un des événements de l'été au cinéma, Jean-Pascal Zadi prépare déjà la suite, en l’occurrence celle de Craignos, sa websérie à succès qui prendra place désormais sur la plateforme France.tv.
La saison 2 filmée au mois d'août
Craignos, c'est 7 épisodes de 13 minutes mis en ligne en 2019 sur la chaîne YouTube de la radio Le Mouv’, sur laquelle officiait l'artiste à l'époque. Une fiction tournée en 17 jours avec une poignée de copains qui est devenue un phénomène de la toile, dépassant le million de vues. L'histoire d'un antihéros nommé Ernesto, sorte de condensé de ces gens que Jean-Pascal Zadi a rencontrés au cours de sa vie et à qui il n'arrive que des galères. Websérie à succès dont le but initial était de faire rire avec des sujets tabous, Craignos a été repéré l'an dernier par France Télévisions : « Ils sont arrivés avec leur plateforme France.tv et ils ont décidé de produire la saison 2. On aura donc plus de moyens, parce qu'il faut savoir que la saison 1 a été produite avec - vraiment - rien du tout... », nous confie Jean-Pascal Zadi. La suite s'intitulera Carrément Craignos. Tous les épisodes sont déjà écrits, mais « elle n'a pas encore été tournée. On ne la tournera qu'au mois d'août », poursuit le créateur, qui ajoute : « Craignos, la saison 1 en tout cas, est un peu ma personnalité. J'avais envie de raconter cette histoire-là, mais je n’avais pas les moyens de le faire. Tout le monde se moquait de moi. Alors j'ai pris deux ou trois potes, on a tourné la première saison et on l'a mise sur Internet. Au bout du compte, ça a super bien marché.»
Pourtant, avant de devenir metteur en scène, Jean-Pascal Zadi est passé par différents stades et a connu des années difficiles. Cet autodidacte (qui aime surtout le cinéma découvert à la télé dans les années 80) a eu un parcours chaotique. Né à Bondy, grandi en Normandie, sa mère est femme de ménage, très militante ; son père monte des affaires sans grand succès avant de repartir en Côte d’Ivoire. Pour Jean-Pascal, ce sera d’abord la vente : un BTS en commerce et un poste chez Benetton pendant un an après le lycée. Ensuite ? La galère à Paris avant d’opter pour la musique. Il plonge dans l’univers du rap indépendant avec La Cellule, un groupe originaire de Caen, où déjà pointent son humour, sa débrouille, ses colères et ses revendications (la violence, l’insécurité et l’identité). Mais au milieu des années 2000, il opte définitivement pour le cinéma. Après un documentaire sur le rap indépendant, il signe son premier film, Cramé (en 2008), un moyen métrage qui fera place ensuite à deux longs métrages autoproduits : African Gangster (en 2010) et Sans pudeur ni morale (en 2011). Embauché dans la foulée par Canal +, il est présent chaque jour dans l'émission Le Before de Thomas Thouroude, où il imagine différentes pastilles. Il est aussi chaque soir à la radio sur Mouv' dans son émission Débattle. Dans le même temps, le comédien (il est passé par le cours Simon) apparaît dans Taxi 5 de Franck Gastambide, Nicky Larson de Philippe Lacheau ou CoeXister de Fabrice Eboué.
« Je ne vois pas assez de personnages noirs dans des séries ou dans des films »
Et puis en 2019, alors qu'il n'avait « plus rien à faire », Jean-Pascal Zadi a tout simplement « eu envie de travailler avec (ses) potes. On s'est dit : "on y va !" ». Ils ont alors réalisé Craignos, une fiction engagée et hors des sentiers battus : « Elle est à l'image du film Tout simplement noir. C'est à dire basée sur l'envie d'exprimer et de décrire quelque chose que j'avais en moi. Craignos et Tout simplement noir, c'est la même envie, le même point de départ, qui est de se raconter. Parce je ne vois pas assez de personnages noirs dans des séries ou dans des films. Au lieu d'aller demander des rôles, je me les crée moi-même !» Police, chômage, violence, voile, homosexualité.... dans cette série au format et à la production atypiques, il ne s’interdit aucun sujet - surtout s’ils sont brûlants ! Son alter-ego, Ernesto, un as de la débrouille, se retrouve dans des histoires impossibles qu’il résout à chaque fois à force de tchatche et d’esquive. Comme il le reconnaît, on peut voir dans cette série le prototype de Tout simplement noir : l’autofiction, la farce engagée, la mélancolie aussi se mélangent pour former une critique hilarante de la société du spectacle et appuyer là où ça fait mal.
L’initiative se révèle payante puisque « France.tv a vu la série. Ils ont aimé. Et maintenant ils s'engagent sur la saison 2 ». Et dès mercredi, Tout simplement noir sera à voir partout en France en salle.
Carrément Craignos est soutenu par le CNC.