Vous saviez, dès le départ, que vous alliez réaliser une saison 2 de Jeune et Golri ?
J’avais cette suite en tête dès le début de la saison 1. Dès le départ, j’ai parlé avec OCS d’une histoire sur trois saisons. Je savais très précisément ce que je voulais raconter, et puis en faisant le montage de la saison 1, je me suis rendu compte qu’il valait mieux « zapper » ce que j’avais imaginé pour la saison 2 et passer directement à la saison 3. L’histoire devait parler du parcours PMA de Francis (Jonathan Lambert) et Prune (Agnès Hurstel), qui finissaient par avoir des jumeaux puis par se séparer. La saison 3 aurait raconté cette parentalité au sein d’un couple séparé et c’est finalement ce que je raconte avec cette saison 2.
Pour écrire une saison 2, faut-il casser la saison 1 ?
Je savais que je ne ferais pas de saison 3. Je savais que ce serait un final et qu’on pouvait boucler la boucle. Donc j’étais assez libre et je me suis dit que ça ne servait à rien d’aborder cette saison 2 comme une suite directe. J’ai fait un mini-objet avec la saison 1. J’ai eu envie d’en faire un deuxième différent. Je ne voyais plus l’intérêt de parler stand-up. Moi-même, je n’en fais plus en ce moment. Drôle [la série Netflix] est passée par là. À moins de faire un documentaire, j’ai fait le tour de la question… En saison 1, ce qui m’intéressait, c’était de questionner le fait d’être obligé de créer un lien maternel avec un enfant, quand on ne veut pas d’enfant ! Alors j’ai eu ensuite envie de raconter l’inverse, de raconter une filiation sublime après une rupture amoureuse. Qu’est-ce qui se passe pour Prune dans cette relation belle-mère/belle-fille, avec cette enfant qui n’est pas à elle ?
Il y a un saut dans le temps de huit ans pour lancer la saison 2, puis un autre à la fin. Le personnage de Prune évolue beaucoup. Pourquoi ?
J’avais cette image de fin en tête, où Prune est à sa place d’adulte. Elle est mère et Alma, sa belle-fille, est à sa place d’adolescente. Certes, au départ, on a écrit une série sur une femme qui ne veut pas devenir mère. Mais dans la vie, entre 25 ans et 38 ans – parce qu’il se passe treize ans entre le premier et le dernier épisode de la série – les gens changent ! Une femme peut ne pas vouloir d’enfant à 25 ans et puis rencontrer quelqu’un à un autre moment de sa vie où être mère devient une évidence ! Et puis il y a aussi cette ambivalence chez de nombreuses femmes qui ont des enfants sans être obsédées par cette question de la maternité. Il a fallu que je réussisse à convaincre mes coauteurs que cette ambivalence était ce dont je voulais parler au fond. Que la vie est longue, qu’il faut du temps pour se remettre d’une rupture et c’est pourquoi on a fait des sauts dans le temps.
Il s’agit presque d’une autre série finalement ?
Complètement ! Déjà parce qu’Alma est adolescente désormais. Mais on retrouve les mêmes personnages, qui questionnent un nouvel endroit de leur relation : dans la saison 1, Prune et Alma sont obligées de cohabiter. Dans la saison 2, on les oblige à se séparer. Elles développent une sorte de relation toxique peu décrite à la télévision.
Comment avez-vous envisagé l’écriture de cette nouvelle saison ?
J’aime quand l’écriture est orale, quand les dialogues sont naturels. Qu’ils sonnent vrai. J’aime quand c’est rugueux et qu’on parle à l’écran comme dans la vie. J’adore Audiard, les films de Michel Blanc et j’aime quand ça fuse, quand ça se répond vite. On est toujours à la frontière, quelque part entre la trivialité, le rire, les larmes, l’intense et l’anecdotique. Comme dans la vie en fait. Mais la saison 2 est plus dure à mon sens. Je me suis laissée aller à écrire des choses plus mélancoliques. Je crois que mon rêve, depuis que je suis petite, c’est de faire rire et pleurer dans la même minute. J’ai cette envie de faire des choses plus épaisses. Des films qui vous parlent en plein cœur et font écho à votre vie quotidienne. Mais il y a une différence entre l’autrice et la comédienne. En tant qu’autrice, je crois que je me suis un peu protégée en écrivant du stand-up et des blagues. En tant qu’actrice, j’aspire à des personnages complexes, mais ça ne veut pas forcément dire plus dramatiques…
Vous avez coréalisé cette saison 2, alors que ce n’était pas le cas précédemment. Qu’est-ce que cela change ?
Tout. Parce qu’on visualise, pendant l’écriture, des choses plausibles qu’on va mettre en images par la suite. Pour moi, cela a débloqué quelque chose. Et puis être présente à chaque étape du projet, du début à la fin en passant par les repérages, j’ai trouvé ça passionnant. D’habitude, les auteurs disparaissent à la fin de l’écriture. Là, j’ai eu la main du début à la fin et j’ai pu réécrire au fur et à mesure, m’adapter au tournage et aux contraintes. On gagne en humilité en tant qu’auteur et c’est bien de savoir combien coûte de filmer telle scène, à quel point c’est compliqué à tourner concrètement. Être dans la réalité de la fabrication assouplit la manière dont on écrit finalement.
Jeune et Golri, saison 2 en 8 épisodes, sur OCS à partir du 8 juin 2023
Créée par Agnès Hurstel
Réalisée par Agnès Hurstel et Cloé Bailly
Écrite par Agnès Hurstel, Paul Madillo, Léa Domenach, et Cloé Bailly
Produite par The Film TV et OCS
Avec Agnès Hurstel, Saül Benchetrit, Abraham Wapler, Marie Papillon…
Soutien du CNC : aide à la production (automatique)