Vous êtes britannique mais installée en France depuis de longues années. Comment vous êtes-vous tournée vers le métier de costumière ?
J’ai toujours été intéressée, depuis mon plus jeune âge, par la création. J’aimais peindre, coudre… Mais je ne savais pas que le métier de costumière existait. À l’âge de 17 ans, je suis arrivée en France et j’ai rencontré un comédien. J’ai commencé alors à faire des costumes pour le théâtre. Dans la foulée, je suis entrée dans un atelier de couture à Paris. Un an plus tard, je suis repartie à Londres pour faire une école de design. À mon retour en France, j’ai travaillé au théâtre et peu après dans le cinéma, et je suis tombée amoureuse de l’ambiance des planches et des plateaux de tournage. Ayant toujours aimé travailler les matières – que ce soit le tissu ou la peinture –, je me suis rendu compte que le métier de costumière permettait de toucher à davantage de disciplines que le design de mode.
The New Look parle essentiellement de mode. Que représente ce type de collaboration pour vous ?
Quand on m’a proposé ce projet, j’ai trouvé que c’était absolument génial. Ensuite, j’ai eu un petit coup de stress ! (Rires.) Mais ce fut surtout excitant, parce que cette série ne parle pas seulement de la mode parisienne. Il y a l’Occupation en toile de fond, on montre les camps de concentration. Ce sont beaucoup de choses qui s’opposent visuellement avec les défilés de mode ! Et même dans ce monde de la mode, on raconte la rivalité entre Christian Dior et Coco Chanel, avec cette idée que chacun trouve un moyen de survivre à la guerre, tout en continuant à créer.
Comment avez-vous travaillé pour recréer des costumes des années 1940 et 1950 ?
Je me suis d’abord appuyée sur les scénarios que je recevais. J’ai documenté chaque scène, avec ce que j’ai trouvé sur l’époque, afin de me donner une idée de l’ambiance. Puis j’ai travaillé sur chaque personnage. J’ai choisi des couleurs, des lignes. Ensuite, il a fallu s’atteler aux défilés et donc recopier minutieusement les robes Dior de l’époque. Heureusement, la maison Dior nous a donné accès à ses archives. On a pu travailler à partir de petits bouts de tissus et de dessins des véritables défilés de l’époque qui ont été conservés.
Comment s’est déroulée votre collaboration avec Dior ?
Hélène Starkman [responsable des projets culturels et commissaire des expositions de Christian Dior Couture, ndlr] a été à nos côtés durant toute la production. Cette collaboration avec la maison Dior était essentielle pour réussir à reproduire les robes de ces défilés légendaires. Par exemple, nous avons pu consulter de nombreuses photos d’époque de Christian Dior et de Catherine, sa sœur. En revanche, je ne suis pas allée voir la maison Chanel parce qu’elle était fermée pendant la guerre. D’ailleurs, il y a très peu de photos de Coco Chanel datant de cette époque. Je me suis plutôt inspiré des images qu’on a d’elle avant et après-guerre. J’ai imaginé Coco en opposition à Dior, elle qui cherchait le chic confortable. J’ai aussi voulu amener une touche plus masculine. Ce fut davantage un travail d’inspiration.
Ressentiez-vous une certaine pression à représenter ainsi le luxe à la française ?
C’était plutôt un rêve ! C’était génial de pouvoir comprendre la structure de ces robes, qui sculptent le corps des femmes. Il faut bien comprendre qu’il y a tout un travail à l’intérieur de la création pour arriver à ce résultat. Christian Dior pensait ses robes comme de l’architecture. Les jours de tournage des défilés, nous avions tous les larmes aux yeux. C’était tellement magique de revivre ces moments, l’émotion était très forte…
Comment avez-vous travaillé avec le réalisateur et showrunner, Todd Kessler ?
Nous avons beaucoup échangé, à commencer par le nombre de robes dont on avait réellement besoin. Il y a 92 robes dans les défilés originaux et on ne pouvait pas toutes les refaire, pour des questions de temps et de budget. Nous avons retenu 12 robes par défilé, ce qui représente déjà un travail conséquent.
En effet, vous aviez énormément de costumes à gérer. Comment vous êtes-vous organisée ?
En suivant un rythme presque militaire ! (Rires.) Tout était parfaitement orchestré. On a commencé par faire le tour des loueurs de costumes d’époque. Puis on a très vite démarré des ateliers de fabrication. Parce qu’il y avait des robes, mais pas seulement ! Même pour la figuration, il y avait des costumes qu’on ne trouvait pas et qu’il a fallu refaire, notamment les smokings de soirée. J’avais un gros atelier volant pour centraliser les principaux costumes. Ensuite, j’ai fait appel à des ateliers plus petits pour les autres costumes. Quant aux robes de défilé, on en a réalisé deux, et on a fait faire les autres par l’Atelier Caraco à Paris [un studio de création sur mesure qui travaille pour les arts du spectacle et la haute couture, ndlr]. Il y avait deux ateliers de coutures : un pour les costumes des rôles et un pour la recréation des tenues haute couture Dior et Chanel. D’ailleurs, les robes Dior que nous avons reproduites pour la série vont être exposées au sein de la maison Dior très prochainement.
The New Look
The New Look, en 8 épisodes, à partir du 14 février 2024 sur Apple TV+
Créée par Todd A. Kessler
Écrite par Todd A. Kessler, Matthew Fantaci, Ashlin Halfnight, Dani Vetere, Ning Zhou
Réalisée par Julia Ducournau, Todd A. Kessler, Helen Shaver et Jeremy Podeswa
Avec Ben Mendelsohn, Juliette Binoche, Maisie Williams, Sophia Vesna…
Produite par Apple studios et Bloom Production (Peninsula)
Bénéficiaire du crédit d’impôt international (C2i) du CNC