Moelle épinière d'une série, la bible est le document de référence à ne pas négliger lorsqu'on développe son idée. Incontournable pour les fictions en prises de vue réelles, elle est également essentielle du côté des séries d'animation. Point de départ de la réalisation, la bible rassemble tous les éléments permettant aux scénaristes d'écrire les différents épisodes. Elle peut d'ailleurs évoluer au gré des saisons.
On distingue deux types de bibles : la « littéraire » mettant en lumière les éléments du scénario ainsi que les descriptions des personnages, et la graphique qui «décline visuellement les décors, les personnages », expliquait Christel Gonnard lors de la rencontre CNC-SACD sur le thème Ecrire pour une série d'animation pour la télévision. Un seul objectif en rédigeant ces bibles : être le plus complet et précis possible pour s'assurer d'une uniformisation lors de la réalisation du projet sur lequel peuvent travailler plusieurs auteurs, dessinateurs ou réalisateurs différents.
Dévoilée sur un site créé par des fans, la bible (graphique et littéraire) de la série d'animation française Code Lyoko, donne un bel aperçu des informations attendues dans ce document. La bible littéraire met ainsi en lumière l'intrigue générale de la série diffusée en France dans les années 2000 sur France 3 puis Canal J et France 4. Le document, rédigé par Carlo de Boutiny, Tania Palumbo et Thomas Romain, détaille ainsi les éléments importants de la série, le traitement prévu - notamment la structure des épisodes de 26 minutes en 2D et 3D - ainsi que la personnalité et l'histoire personnelle des personnages principaux. La bible graphique regroupe de son côté des visuels des décors et principaux lieux de la série ainsi que des dessins des héros dans différentes positions.
Un document essentiel pour les diffuseurs
Invitée en janvier 2018 d'une rencontre CNC-SACD sur le thème « Les pré-bibles et bibles des séries d'animation : Quelle utilité et quel impact sur le développement et la recherche de financement d'un projet ? », Coralie Boitrelle-Laigle, conseillère des programmes jeunesse au sein de Lagardère Active, a souligné l'importance de la bible pour les diffuseurs très sollicités. « Chez TF1, nous recevions jusqu'à 600 projets par an et nous n'en choisissions que cinq. Chez Lagardère, nous lisons énormément et dans un premier temps plutôt des pré-bibles : elles proposent un résumé du concept, une présentation des personnages principaux, quelques intentions de décors, ce que nous appelons l'arène. (…) Les diffuseurs qui s'engagent sur des séries se positionnent souvent sur le long terme, sur deux à quatre saisons. C'est intéressant pour tous que l'univers d'une série soit pérenne, pour la chaîne, les auteurs, les producteurs et les téléspectateurs… », a-t-elle ainsi confié.
Précisant que la « bible ne suffit pas pour faire un choix », elle a malgré tout ajouté que ce document permettait de « susciter l'intérêt ». «Nous demandons à ce que la bible contienne des détails sur le concept, la caractérisation des personnages, les décors récurrents, la mécanique des épisodes, une dizaine de "pitchs", deux ou trois "scripts" et un "animatic" d'un épisode entier. Et de plus en plus souvent nous demandons un test d'animation. Grâce à tous ces éléments, nous avons une vision claire du projet et de sa force », a-t-elle précisé. «Une bible se construit avec des auteurs littéraires et graphiques, un réalisateur, un directeur d'écriture, un producteur et un diffuseur. Ce grand nombre d'intervenants n'est pas qu'une contrainte mais avant tout une force et un atout : c'est une grande richesse », a également souligné l'auteur, producteur et membre du conseil d'administration de l'AFCA (Association française du cinéma d'animation), Grégory Baranès, qui officiait en tant que modérateur de cette rencontre CNC-SACD. Définition et rémunération d'une bible
Définition et rémunération d’une bible
Réalisée par les créateurs de la série, des auteurs ou producteurs, la bible est définie légalement depuis 1998 par la SACD (Société des auteurs et compositeurs dramatiques). «La bible (…) est le document écrit décrivant de façon détaillée le cadre général dans lequel évolueront les personnages principaux de la série : les éléments dramatiques communs, les lieux, les thèmes, la progression dramatique, la description détaillée des personnages principaux et de leurs relations. La bible doit également contenir des exemples de sujets à développer, ainsi que les synopsis de quelques épisodes », précise ainsi la SACD.
Pour pouvoir être appelé « bible », le document doit « être validé par un épisode complet et dialogué qui exploite l'ensemble des éléments définis et apporte le rythme et le ton, auquel tout auteur appelé ultérieurement à collaborer à la série pourra se référer. Cet épisode sera le premier épisode écrit, et non obligatoirement produit », écrit ainsi la SACD qui profite de ce texte de 1998 – mis à jour en 2003 - pour définir les conditions de rémunération des auteurs de « bibles ». «Les auteurs de la bible et du premier épisode (…) peuvent prétendre, dans la limite de 10 %, à une part de droits sur tous les épisodes de la série », précise ainsi la SACD. Si le « document de référence de la série est un épisode 'pilote' », les scénaristes ayant travaillé sur ce pilote toucheront la même chose que les auteurs d'une bible. « Dans le cas où le "pilote" serait lui-même suivi de l'écriture d'une bible, les scénaristes du pilote et de la bible pourront prétendre à une part de droits sur tous les épisodes de la série dans la limite de 10% », détaille également l'organisme.