« Certaines personnes souhaitent devenir habilleuses parce qu’elles aiment bien la mode, ce qui a tendance à m’agacer. C’est un vrai métier », précise d’emblée Stéphanie Boissard lorsqu’on l’interroge sur les raisons qui l’ont poussée à devenir habilleuse puis, suite logique, costumière, chef costumière et également créatrice de costumes. « Ce n’est pas un métier où il faut seulement aimer la mode. J’aime vraiment le costume, l’idée de créer un personnage et une histoire à travers un vêtement », confie celle qui a suivi une formation de styliste modéliste (ainsi qu’une formation complémentaire d’initiative locale en entretien et rénovation des costumes de théâtre) en évoquant ce métier-passion, aux multiples facettes. La première est sans surprise le rôle essentiel qu’elle joue lors de la préparation d’un comédien sur le tournage. C’est en effet à elle de préparer chaque matin les costumes dont auront besoin les acteurs, selon les scènes tournées.
Si certains habilleurs laissent les vêtements en loge et ne reviennent que lorsque le comédien est préparé tout en restant à proximité, Stéphanie Boissard préfère de son côté l’accompagner au-delà du simple habillage.
« Il s’habille ensuite seul, sauf lorsqu’il s’agit d’un vêtement d’époque qui peut nécessiter une aide extérieure pour l’enfiler », explique-t-elle en ajoutant qu’elle apprécie particulièrement ce contact qui se crée avec le casting. « Nous ne sommes pas là que pour repasser et faire en sorte qu’un col soit bien mis. L’aspect relationnel est important même si c’est en fonction des caractères de chacun », tempère-t-elle en précisant que tous les habilleurs n’ont pas ce contact avec les comédiens dont ils s’occupent.
Au-delà de l’habillage
Mais le travail d’un(e) habilleur(se) ne se limite pas au moment où le comédien enfile son costume, loin de là. Sur le tournage, ces professionnels sont aussi présents pour entretenir quotidiennement les costumes, les repasser, les laver, mais surtout pour faire attention aux raccords et régler les éventuels changements de dernière minute. « Le chef costumier peut, par exemple, avoir choisi un costume rouge pour un comédien. Mais finalement, il y a un canapé de la même couleur dans le décor. C’est à nous d’improviser pour changer le costume tout en respectant le travail du chef costumier », détaille Stéphanie Boissard.
Autre changement possible : adapter, dans certains cas, le costume aux conditions climatiques. « Si la journée est caniculaire et les comédiens en pull, nous pouvons intervenir sur le look en faisant attention à ce que le changement soit raccord avec ce qui a déjà été tourné. Il arrive parfois également que le producteur ou le réalisateur, en découvrant le costume porté, ne l’apprécient plus. Il faudra faire des propositions. Mais la personne à la tête du département costumes prévoit généralement un stock pour parer à ce genre de situations ». Chargé aussi de prendre soin des comédiens pour les couvrir par exemple s’ils ont trop froid ou faire en sorte qu’ils n’aient pas trop chaud, l’habilleur réalise également « la partie de patine sur les séries policières ». Il s’agit ainsi d’adapter le costume aux contextes de certaines scènes : mettre du sang, imaginer le rendu d’un habit dans une scène post-bagarre alors que cette dernière n’a pas encore été tournée, faire de la fausse boue ou de fausses usures pour assurer une crédibilité à l’ensemble, etc...
Engagés par la chef costumière qui réalise le dépouillement et choisit les tenues pour chaque rôle, les habilleurs ont en général une semaine de préparation avant le premier jour de tournage. Une étape qui leur permet notamment de mettre en place leur « installation d’habilleur » dans le camion, de prévoir les fournitures dont ils auront besoin pour l’entretien des costumes ainsi que les peignoirs et doudounes couvrant les comédiens entre deux séquences ou encore d’aider la chef costumière et la costumière à acheter des doubles de vêtements. « Il m’est arrivé de faire trois semaines de préparation pour répondre à une demande de la chef costumière qui s’organisait avec son budget pour nous faire commencer plus tôt afin que l’on s’occupe de contacter les figurants pour avoir leur taille puis de s’organiser avec les loueurs d’uniformes (policiers, gendarmes, infirmiers) » . Une mission confiée la plupart du temps à des habilleurs confirmés. Mais tous les tournages ne demandent pas une telle palette de tâches. Ceux des séries quotidiennes ont en effet une organisation plus « hiérarchisée ». « Sur Un si grand soleil, je suis costumière et ne m’occupe que du shopping. Certains habilleurs ne s’occupent que des uniformes, d’autres de l’habillage ».
L’impact des baisses de budgets
« Avoir un bon contact relationnel et être très organisé » : telles sont, pour Stéphanie Boissard, les deux qualités essentielles pour faire ce métier. Pour être la mieux préparée possible à une semaine de tournage, elle regarde de son côté chaque week-end le plan de travail afin d’avoir en tête les costumes nécessaires jour après jour et les éventuels raccords à réaliser. « Nous avons une responsabilité importante, c’est le seul métier où le chef n’est plus présent lorsque démarre le tournage, sauf s’il s’agit d’un film d’époque », souligne-t-elle en regrettant malgré tout que les salaires ne soient pas à la hauteur des missions qui leur sont confiées et dont l’importance a augmenté au fil des années. « Avant, les chefs costumières étaient présentes à certains moments du tournage. Mais par soucis d’économie, elles ont de moins en moins de jours de travail et ont donc des temps de préparation plus courts. Une situation qui se vérifie surtout sur les projets télévisés mais moins pour les longs métrages. Les budgets ont baissé en télévision, et on tourne beaucoup plus de minutes utiles par jour. Nous sommes donc davantage dans la logistique, pour préparer les tenues, qu’au cinéma », explique cette habilleuse qui a de nombreux tournages de séries à son actif (Alexandra Ehle, Un si grand soleil, Tandem, Chefs). « Au départ je faisais davantage de longs métrages puis j’ai officié pour de nombreuses séries policières. Le tournant s’est vraiment fait au fil des rencontres », conclut-elle.