« Marie-Antoinette » : Comment recréer le Versailles du XVIIIe ?

« Marie-Antoinette » : Comment recréer le Versailles du XVIIIe ?

13 octobre 2022
Séries et TV
« Marie-Antoinette » de Deborah Davis.
« Marie-Antoinette » de Deborah Davis. Canal +

Chef décorateur césarisé pour Au revoir là-haut, Pierre Quefféléan a eu la délicate mission de reconstituer les décors de la nouvelle série historique de Canal+ consacrée à Marie-Antoinette. Ou comment reproduire le Versailles de Louis XV et Louis XVI, en filmant à la fois en studio et dans des décors réels ?


Où avez-vous tourné la série exactement ?

On a tourné dans cinq ou six châteaux différents, au moins ! Dont le château de Versailles, évidemment. En sachant que tourner à Versailles, c’est très compliqué, très contraignant. On ne peut y travailler qu’un jour par semaine, le lundi, avec un accès limité. On ne peut rien déplacer, rien toucher. C’est assez délicat. C’est pour cette raison qu’on a dû refaire en studio, sur deux plateaux, une partie des salons privés de Marie-Antoinette et des grands salons du roi.

Comment avez-vous pensé à ces reconstitutions ? Vous avez essayé de reproduire à l’identique ?

On a essayé de garder l’essence de Versailles, son esprit. Bien sûr, on a respecté les bases, mais ce qui est vraiment intéressant à travailler dans ces salons privés, c’est qu’ils sont composés de petits couloirs secrets, qui emmènent vers des chambres secrètes. C’est assez surprenant, quand on n’a en tête que l’image des salons d’apparat ! Derrière, il y a de petits appartements, de petites pièces de 15 mètres carrés, avec de petits couloirs étroits et tortueux. On a essayé de traduire ça à l’écran, de retrouver cette âme un peu secrète... Cette ambiance très privée.

On imagine qu’il y a, au départ, un gros travail de documentation en amont...

Il y a tout un travail iconographique, de recherches. On lit beaucoup d’ouvrages, on fouille les bibliothèques pour trouver des images et avoir une base. Puis ces images qui expriment chaque lieu, décor par décor, sont regroupées pour ensuite passer au travail du dessin et du plan.

Les moulures sont faites en trompe-l’œil

Toutes ces pièces sont composées d’une multitude de détails. C’est ce qu’il y a de plus délicat à reproduire ?

Oui... Quand on voit tout ce travail de moulures, de dorures...il ne faut pas chercher à simplifier, parce que c’est aussi ce qui représente Versailles. Nous avons travaillé sur deux dimensions. Pour recréer ces détails, nous avons créé les moulures en trompe-l’œil avec des ombres peintes plutôt que de fabriquer de vrais reliefs. Cela permet de retrouver la richesse très chargée de Versailles, tout en allant plus vite dans la fabrication des décors.

 

Est-il possible de relater à l’image une forme de vérité historique ?

Le château de Versailles est ripoliné aujourd’hui. C’est un bâtiment très bien entretenu. Les murs sont repeints régulièrement. C’est très propre. Alors qu’au XVIIIe siècle, il abritait 2500 personnes à l’année ! Autant de gens qui se nourrissent, font leurs besoins... On se faisait servir à manger n’importe où. Les convives avaient les mains grasses, les posaient sur les poignées de porte, sur les murs ! Et il fallait bien se chauffer et s’éclairer, avec des bougies et des feux de cheminée. Il faut alors imaginer la suie et la crasse qu’il devait y avoir en permanence. Cette patine n’existe plus du tout à Versailles aujourd’hui. On essaie doucement de la retrouver en studio afin de créer une forme de réalisme qui transforme le lieu en demeure habitée et s’éloigne de l’aspect musée. C’était très excitant d’essayer de dégrader le château de Versailles, de le faire ressembler à la manière dont je l’imaginais au XVIIIe siècle...

Tout en faisant très attention aux faux raccords...

Effectivement, c’est une autre contrainte puisque les décors en studio doivent être raccords avec les plans tournés dans le vrai château. Ainsi, je ne pouvais pas amener trop de patine et de suie noire dans le studio ; il y aurait eu une différence trop marquée entre le vrai et le faux.

Donner l’impression qu’on est toujours à Versailles, même si on filme dans un autre château

Et le mobilier ?

On chine : les antiquaires, les puces de Saint-Ouen... On passe aussi par les loueurs professionnels pour le cinéma et même par Leboncoin ! Mais il y a plus de souplesse avec le mobilier. Par exemple, on s’est permis de mettre du mobilier Louis XVI à Versailles, alors que le roi est encore tout jeune au début de la série. C’est un petit anachronisme qui ne se voit pas et qu’on s’autorise, parce que tout le mobilier Louis XV est évidemment assez coûteux.

Vous avez eu votre mot à dire sur les autres châteaux choisis, les autres lieux de tournage ?

C’est d’abord une question financière, certains châteaux étant trop chers à transformer. Sinon, j’ai effectivement mon mot à dire puisque je dois veiller à la cohérence, donner l’impression qu’on est toujours à Versailles, même si on filme dans un autre château. Une tâche délicate.

Emilia Schüle dans « Marie-Antoinette » de Deborah Davis. Canal +

Est-ce que ce n’est pas plus simple, finalement, de travailler sur des décors aussi riches et iconiques quand on est chef décorateur ?

Pas forcément. Dans un sens, on est prisonnier d’un lieu célèbre, en l’occurrence le château de Versailles, et d’une époque. Dans ce genre de production, le chef opérateur et ses équipes sont limités dans les choix artistiques. Donner l’illusion d’être au château de Versailles reste très excitant sur le moment. Mais après coup, on se dit qu’on n’en rempilera pas tout de suite. (Rires.)

 

Vous aviez travaillé sur les décors d’une autre série historique pour Canal+, Paris Police 1900. Est-ce que cela vous a inspiré pour Marie-Antoinette ?

Non, aucune similitude entre les deux projets. Justement, c’était l’opposé car il fallait tout créer ex nihilo avec Paris Police 1900, qui se déroule au début du XXe siècle. L’éventail artistique est bien plus grand. On peut se permettre beaucoup plus de créativité. C’est une matière bien plus riche et intéressante à travailler.

Marie-Antoinette, 8 épisodes de 52 minutes - sur Canal+ dès le 31 octobre

Une série créée par Deborah DAVIS
Auteurs des épisodes : Deborah DAVIS, Louise IRONSIDE, Chloe MOSS, Avril E. RUSSELL
Réalisée par : Pete TRAVIS, Geoffrey ENTHOVEN
Interprétation : Emilia SCHÜLE, Louis CUNNINGHAM, James PUREFOY, Jack ARCHER, Jasmine BLACKBOROW, Gaia WEISS, Crystal SHEPHERD-CROSS, Caroline PIETTE, Oscar LESAGE, Roxane DURAN, Liah O'PREY, Jonas BLOQUET,Marthe KELLER, Nathan WILLCOCKS, Laura BENSON, Yoli FULLER, Martijn LAKEMEIER, …
Musique originale composée par Guillaume ROUSSEL
Musique originale additionnelle composée par Guillaume ROUSSEL, Clémentine CHARUEL et Michael LOFASO
Producteurs : Claude CHELLI, Stéphanie CHARTREUX, Margaux BALSAN
Productrice : Deborah DAVIS

Une Création Originale CANAL+ 
Produite par Capa Drama, Banijay Studios France, Les Gens
Avec le soutien du Centre National de la Cinématographie
Avec le soutien de la région Ile-de-France
Avec la participation de CINE+ et de CANAL+ Pologne
Avec la participation de La Région de Bruxelles-Capitale
Avec le soutien du Tax Shelter du Gouvernement Fédéral de Belgique