On dit d’Engrenages que c’est “la série préférée des policiers” qui voient en elle un hommage à leur travail de l’ombre et aux dilemmes moraux qui peuvent parfois les agiter. En six saisons, les scénaristes, aidés de leurs consultants spécialisés, ont fait de la commandant Laure Berthaud et des commandants Gilles Escoffier (dit “Gilou”) et Luc Fromentin (dit “Tintin”) des modèles de courage, qui font passer l’intérêt général avant tout. Avant l’éthique et leur bien-être. Des superhéros du quotidien, pétris d’humanité, dont la part d’ombre est de moins en moins ignorée des scénaristes qui, à travers eux, montrent une institution judiciaire en panne, victime des mouvements de balancier socio-politiques.
C’est dans ce contexte que Marine Francou a pris les rênes de la série après le départ d’Anne Landois, la “showrunneuse” historique ; au moment précis où Laure et Gilou entamaient enfin une histoire d’amour que le dénouement bouleversant de la saison 6 mettait en suspens. « “Dans quel état récupère-t-on les personnages et où veut-on les amener ?”, telle était la question qui m’agitait avant tout », nous confie Marine Francou, qui a choisi de maintenir au début de la saison une tension perceptible entre Laure et Gilou qu’un drame professionnel va rapprocher.
« Une fois que ce travail sur l’intime est établi se pose la question de la voyoucratie à laquelle vont être confrontés les personnages, poursuit-elle. Avant d’y penser concrètement, j’avais en tête le modèle narratif de la saison 2 qui consistait à remonter un réseau -de trafic de stupéfiants en l’occurrence. Cette structure étagée permet en effet de hiérarchiser les épisodes, d’assurer une couleur différente à chacun d’entre eux. La thématique de l’argent sale a alors commencé à nous obséder. Au hasard des mots-clés balancés sur Google, nous sommes tombés sur l’affaire “Virus”, un scandale de blanchiment d’argent de la drogue survenu en 2015. Un reportage du Parisien décrivait minutieusement les coursiers qui livrent l’argent en cash dans des brasseries parisiennes à de mystérieux destinataires… C’était parfait pour l’action et en même temps ça rendait concret un processus assez complexe. On tenait un truc. »
Un échange productif
Pour étayer cette problématique d’argent sale, Marine Francou décide de se tourner vers des spécialistes des questions financières, qui s’ajoutent aux consultants déjà présents sur la série (pour la partie policière, la partie instruction, la partie défense...). Comme leurs collègues, ils ont tous été conviés à des réunions collectives organisées au moment de l’écriture pour affiner certains points ou pointer des approximations (de vocabulaire, de procédure). La qualité d’Engrenages, sa crédibilité, sont à ce prix.
« La première chose qu’ils m’ont dite, c’est que l’histoire ne pouvait pas commencer par un cadavre, ce n'est jamais le cas dans les affaires de blanchiment. Or c'est une condition pour Engrenages. On est au cœur de la relation avec nos consultants : ils doivent accepter qu’on fait de la fiction et que cela passe par de petits arrangements avec la réalité. Nous devons les convaincre que notre collaboration n’en sera pas moins passionnante pour autant. Il faut beaucoup de générosité de leur part. Il peut ainsi nous arriver de reprendre mot pour mot des répliques qu’ils emploient, des “pépites” comme je les appelle, parfaitement adaptées à une situation donnée. Tout, d’ailleurs, dans nos échanges, est important, notamment le sous-texte. À travers leurs conseils, une humanité et une certaine vision du monde transparaissent qui nous sont utiles pour développer les personnages. »