Qui a eu l’idée de faire d’Hippocrate une série ?
C’est moi, avec mes producteurs. Avant qu’on en fasse un film, il y a eu l’idée d’en faire une série. Le succès du long métrage m’a donné envie d’envisager à nouveau ce projet. J’en ai parlé à mes producteurs, qui venaient du cinéma et qui, comme moi, n’avaient jamais fait de télé. On s’est dit : pourquoi pas nous ? La série permet une écriture très romanesque où on peut avoir, pour les personnages, un vrai destin élaboré dans la durée avec, en parallèle, un fond social, réaliste et politique très présent, mais de façon moins frontale que dans un film.
Pourquoi ne pas avoir repris l’histoire du long métrage ?
J’avais envie d’en raconter une nouvelle. On est vraiment dans une adaptation très libre : je n’ai gardé du film que l’idée de raconter les coulisses de l’hôpital par le prisme de jeunes internes. C’est le seul point commun. Les histoires et les personnages sont différents, même si certaines problématiques se rejoignent, comme le manque de moyens de l’hôpital public, le rapport à la vie, à la mort… Nous n’avons eu aucune contrainte de la part de Canal +. La chaîne lisait au fur et à mesure les textes qu’on envoyait. On n’a jamais eu de moments critiques ou de désaccords sur l’écriture. Je pense qu’ils avaient un souci légitime : que ce soit de nouveaux personnages, une œuvre originale et pas juste une suite du film.
Comment avez-vous adapté le scénario pour en faire une série ?
J’ai commencé à chercher un point de départ fort, qui puisse être celui d’une série. J’ai créé des personnages autour de cette idée-là. Après avoir trouvé l’intrigue générale, je me suis entouré de trois auteurs pour m’aider à développer les arcs narratifs : Julien Lilti, mon frère, qui a travaillé sur le film, et les scénaristes Anaïs Carpita et Aude Le Pape. Le travail est immense : c’est 8 épisodes de 52 minutes, soit 4 longs métrages. Il y a quelque chose de très excitant à l’idée de prendre le temps de développer les personnages et d’aller fouiller dans leur parcours. Le risque, c’est qu’on peut se perdre dans les intrigues et ne plus savoir exactement ce que l’on raconte.
Dans la série, les titulaires sont placés en quarantaine, laissant les internes seuls avec un médecin légiste. Pourquoi avoir ajouté cette dimension dramatique ?
C’est un accélérateur d’aventures et de possibilités de faire grandir mes personnages plus vite, face à des responsabilités trop grandes pour eux. Et c’est une métaphore de la vie de l’interne qui se retrouve souvent, avec ce sentiment d’être très isolé face à des prises de décisions compliquées. J’ai toujours le goût d’un cinéma très documentaire, très réaliste et politique, mais qui reste un divertissement romanesque, populaire au bon sens du terme.
Quand on est habitué à la narration cinématographique, comment arrive-t-on à écrire une série qui doit garder l’attention du téléspectateur pendant 8 épisodes ?
On fait attention à faire avancer l’intrigue tout en laissant des choses en suspens à la fin de l’épisode. On a essayé de maintenir l’attention du public : le personnage a des secrets qui se révèlent, des secrets dont le spectateur est parfois complice... C’est souvent comme ça que fonctionnent le suspense et l’addiction. L’écriture a été un peu longue car je découvrais la série. Quand on écrit une saison 1, on ne sait pas si elle va exister. La chaîne lance l’écriture et décide ensuite de la produire.
Vous êtes-vous inspiré d’autres fictions médicales pour écrire cette série ?
Non, je ne suis pas un grand connaisseur des séries médicales. Celle qui m’a marqué, c’est Urgences. Elle a été diffusée dans les années 1990 alors que je faisais mes études de médecine. Jeunes étudiants, on était bercés par cette fiction au réalisme fort, et novatrice à l’époque. Dans Hippocrate, il y a un petit cousinage, même si c’est très différent. J’avais essayé de faire le film en m’éloignant de Dr House, Grey’s Anatomy, des séries qui n’évoquent pas vraiment l’hôpital, qui sont plus des soaps…. J’avais vraiment envie d’être dans un film et une série qui essaient de raconter l’institution hospitalière comme reflet de la société d’aujourd’hui.
