Victoire d’Aboville : « Follow offre une promesse de thriller autour de la question de la manipulation »

Victoire d’Aboville : « Follow offre une promesse de thriller autour de la question de la manipulation »

16 juillet 2024
Séries et TV
Follow
« Follow » créé par Victoire d’Aboville, Sophie Dab et Florian Spitzer 13e Rue

Follow met en scène un tueur en série manipulateur jouant avec les nerfs de la jeune community manager de la préfecture de Police ayant réussi à entrer en contact avec lui. La productrice et cocréatrice Victoire d’Aboville raconte les coulisses de cette série primée au festival de La Rochelle en 2023 et diffusée sur 13e Rue.


Quand et comment avez-vous eu l’idée de Follow ?

Victoire d’Aboville : L’aventure démarre peu après mon arrivée chez Bonne Pioche Productions, où j’ai créé la filiale Bonne Pioche Story, quand je rencontre Hector Lavigne de 13ᵉ Rue, en 2021. Un échange fructueux puisque la clarté de leur ligne éditoriale – une volonté de thriller au féminin, des séries à petit budget – nous permettait de répondre à leurs besoins et de faire exister, dans ce cadre économique, des nouveaux talents à tous les postes. J’ai donc participé à leurs réunions de production. Il se trouve qu’à l’époque, je travaillais avec Julie Vincent, une ancienne community manager de la préfecture de police de Paris, en reconversion. Nos échanges m’ont inspiré le pitch de Follow que j’ai proposé à 13e Rue : une histoire autour d’un Guy Georges contemporain, à l’époque des réseaux sociaux, et d’une jeune femme qui ne serait pas flic. Je suis une grande fan de true crime et j’aime développer des histoires centrées sur des personnages qui ne sont pas là où ils devraient être, mais parviennent à développer des talents inédits face à une situation inédite. Ainsi, Léna, l’héroïne de Follow, est une jeune femme engagée par le département communication de la préfecture de police de Paris, avec qui le tueur rentre en contact via les réseaux sociaux. Cette histoire offrait une promesse de thriller autour de la question de la manipulation et des apparences qui sont souvent trompeuses.

Comment a réagi la chaîne ?

13e Rue a vite accroché. Je leur ai « pitché » Follow en novembre et ils l’ont validée en janvier, dans la foulée d’un document où je leur présentais les personnages et un résumé des différents épisodes. Avant leur accord, afin d’être prête au cas où leur réponse serait positive, j’avais contacté deux auteurs : Sophie Dab avec qui j’avais déjà travaillé (et que la chaîne connaissait car elle a coécrit la série J’ai tué mon père qu’ils avaient diffusée) et Florian Spitzer. A chaque étape de validation par la chaîne, je leur demandais s’ils étaient toujours d’accord pour travailler avec moi. Une fois la validation finale obtenue, tout était déjà en ordre de marche. 

Follow parle des réseaux sociaux, utilisés par le tueur en série pour sélectionner ses proies. Que souhaitiez-vous raconter sur eux à travers ce récit ?

J’ai une grande appréhension des réseaux sociaux. Je pense profondément qu’ils ne font pas du bien à la société, en incitant à un regard, à une pensée manichéenne. Ce développement du narcissisme où chacun est encouragé à se mettre en avant à chaque étape de la journée peut aussi facilement attirer des « followers » pas toujours bien intentionnés. À travers cette série, j’avais envie de montrer à quel point les réseaux sociaux peuvent mettre chacun de nous en danger.

Comment écrit-on une bonne histoire de serial killer ?

En s’appuyant sur de bons auteurs, pour commencer ! Florian Spitzer et Sophie Dab ont écrit les arcs du récit avant que je fasse appel à Blanche Bigot et Delphine Chouraqui comme coautrices. Et puis il y a l’envie. On avait tous le sentiment de tenir le pitch et donc la promesse d’un thriller pas comme les autres. Je le sentais en tout cas à chaque fois que je racontais cette histoire : ça créait instantanément chez mes interlocuteurs le désir de savoir qui était le tueur.

 

Y a-t-il des films qui ont servi d’inspiration à Follow ?

J’en citerais spontanément deux : Zodiac de David Fincher et Le Silence des agneaux de Jonathan Demme. Mais l’idée était évidemment de leur rendre hommage sans les plagier. Pour y parvenir, le réalisateur Louis Farge et la comédienne Marie Colomb ont été à mes yeux décisifs.

Quel a été précisément l’apport de Louis Farge ?

Ce n’est jamais facile de choisir un réalisateur sur ce type de projet car il faut parier sur des talents émergents. On peut donc aisément se tromper. Louis avait déjà réalisé Cuisine interne pour 13e Rue, ce qui rassurait forcément la chaîne. Il a l’habitude de travailler avec le chef opérateur Martin Laugery, qui vient de faire la lumière de la série Culte, inspirée de Loft Story [visible sur Prime Video à partir du 18 octobre - ndlr]. Le mot d’ordre que je leur avais donné était de créer une ambiance plus sombre que celle des séries grand public du même genre, doublée d’une recherche permanente de crédibilité, de vérité dans les vêtements, les décors, pour chaque situation. Je ne voulais pas que la création d’une belle lumière un peu froide à l’image de celle des séries nordiques puisse se faire au détriment de l’efficacité de l’histoire. Je tenais à ce qu’elle ne crée aucune distance factice, qu’elle ne laisse personne sur le carreau. Louis a su parvenir brillamment à concilier beauté et efficacité. Chaque mouvement de sa caméra est au service de l’histoire. On est en permanence embarqué avec Léna. Grâce à cela, Louis a réussi à maintenir intact le suspense autour du personnage puisque plane l’idée que l’héroïne est peut-être aussi une tueuse en série. Dès les premiers rushes, j’ai su que ça fonctionnait. Marie Colomb y est aussi pour beaucoup.

Pourquoi l’avez-vous choisie pour incarner Léna ?

Le choix des comédiens était ici essentiel. Comme dans toute série à petit budget, il y a pas mal de scènes avec énormément de textes et d’informations apportées par des monologues ou des dialogues en lieu et place de scènes qu’on n’a pas les moyens de tourner. Je connaissais évidemment le travail de Marie, elle était incroyable dans la série Laëtitia et son audition nous a convaincus d’emblée. Elle a su s’emparer à merveille de ce texte comme de ce personnage à qui elle apporte une espèce de normalité étrange.

Vous avez tourné 6 épisodes en 35 jours, un rythme particulièrement intense. Comment avez-vous relevé ce défi ?

En l’anticipant très en amont. L’écriture a toujours été optimisée pour mettre tout l’argent à l’image. Puis on a tenu compte des contraintes à chaque étape, avec l’apport essentiel d’une directrice de production, Astrid Bordeloup Hauschild, qui a l’habitude de travailler avec Louis [Farge] et qu’on a impliquée très tôt. C’était un gros défi de production alors qu’il est aujourd’hui difficile de tourner à Paris dans des conditions financières maîtrisables. Habituellement, quand on a 7 semaines de tournage, cinq se déroulent dans un même lieu pour optimiser les coûts. Mais ça n’a pas été le cas sur Follow dont l’action se déploie dans de nombreux décors, notamment les catacombes. Finalement, je crois que c’est l’envie qui nous a permis de gravir des montagnes. Cette série a représenté un moment de bascule professionnelle pour beaucoup d’entre nous, comme Sophie Dab qui se retrouvait pour la première fois à la direction d’écriture ou moi-même qui devait relever le défi de produire en même temps Follow et Brigade anonyme pour M6. On avait tous quelque chose à prouver.

Vous avez remporté le prix de la meilleure série de 52 minutes au festival de La Rochelle l’année dernière. Qu’est-ce que cette récompense a apporté à Follow ?

Un coup de projecteur sur une série dont peu de monde avait entendu parler avant sa projection. Un vrai tremplin pour nous qui avons entrepris et vécu la fabrication de cette série comme un véritable moment de bascule dans nos vies professionnelles. Et une vraie crédibilité vis-à-vis du marché pour Bonne Pioche Story.
 

FOLLOW

Affiche de « Follow »
Follow 13e Rue

Série créée par Victoire d’Aboville, Sophie Dab et Florian Spitzer
Réalisation : Louis Farge
Photographie : Martin Laugery
Musique : Édouard Rigaudière et Anthony D’Amario
Production : Bonne Pioche Story, 13e Rue
Ventes internationales : Federation Studios
Diffusion sur France TV à partir du 15 juillet et sur 13e Rue le 14 juillet

Soutiens du CNC : Fonds de soutien audiovisuel (FSA) automatique (production) et Crédit d’impôt audiovisuel