Anouk Aimée, la dolce Lola

Anouk Aimée, la dolce Lola

18 juin 2024
Cinéma
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Anouk Aimée dans « Lola » de Jacques Demy © Ciné-Tamaris
Anouk Aimée dans « Lola » de Jacques Demy Ciné-Tamaris

L’actrice reconnue internationalement pour ses rôles inoubliables dans Lola, Un homme et une femme ou encore La Dolce Vita est décédée à l’âge de 92 ans le 18 juin. Retour sur une filmographie impressionnante.  


« Elle appartient au grand masque du cinéma avec ce visage qui a la même sensualité intrigante que celle de Garbo, Dietrich et Crawford, ces grandes reines mystérieuses », disait d’elle Frederico Fellini. Retour sur la longue histoire d’amour entre Anouk Aimée, les cinéastes et les spectateurs, l’histoire d’une vie. 

Nicole Françoise Florence Dreyfus de son vrai nom est née à Paris le 27 avril 1932. Ses parents, Geneviève Sorya et Henry Murray Dreyfus, tous deux comédiens, se séparent, et elle passe une partie de son enfance dans la ville de Barbezieux, en Charente. « En réalité, je suis une provinciale, une campagnarde », plaisantait-elle dans les colonnes de Charente Libre, en 2009. Elle s’y installe durablement à partir de 1939 pour échapper aux rafles à Paris, et se renomme provisoirement Nicole Durand.

De retour à Paris, le cinéaste Henri Calef la repère dans un restaurant, et lui donne son premier rôle à l’âge de 14 ans, celui d’Anouk dans le film La Maison sous la mer (1947). « Je m’en moquais complètement moi, je voulais être danseuse ». L’actrice se donne le prénom de son personnage. Sur le tournage de son deuxième film, La Fleur de l’âge, Jacques Prévert lui souffle l’idée d’y ajouter « Aimée » en nom de famille. Ce film de Marcel Carné demeurera inachevé, mais une légende est née.

« Je n’ai pas le sens des dates »

L’amitié entre Anouk Aimée et Jacques Prévert se poursuit lorsque ce dernier, en charge de l’adaptation et des dialogues du film d’André Cayatte Les Amants de Vérone, écrit le rôle de Giorgia Maglia spécialement pour elle. En trois films, entre 1947 et 1948, la carrière de de celle qui n’a alors que 16 ans est déjà lancée.

Elle prête sa voix au personnage de la bergère dans la première version du film d’animation culte de Pierre Grimault, Le Roi et l’oiseau, aussi écrit par Jacques Prévert. Entre 1950 et 1960, elle joue dans seize longs métrages, sous la direction de certains grands noms comme Julien Duvivier dans Pot-Bouille en 1957, Georges Franju dans La Tête contre les murs en 1959 ou encore Jean Pierre-Mocky dans Les Dragueurs, également en 1959.

Mutine, l’actrice s’amusait de la richesse de son parcours dans les pages de Libération, en 2012 : « Faites voir ma filmographie, je ne me souviens plus très bien (…) Je n'ai pas le sens des dates ». Au crépuscule des années 1950, pourtant, elle s’apprête à livrer certaines de ces interprétations les plus mémorables.

« En rencontrant Fellini, j'ai commencé à aimer le cinéma »

1960. Un réalisateur italien de quarante ans voit une photographie d’Anouk Aimée dans un magazine, et décide de lui offrir un rôle dans son sixième long métrage. Ce cinéaste s’appelle Frederico Fellini et le film, La Dolce vita. « Quand il est entré dans la pièce, j’ai été immédiatement séduite. Il avait des yeux d’une grande profondeur qui voyaient tout ce que vous aviez à l’intérieur », se souvenait l’actrice dans Paris Match en 2009. « Quelque temps après, un télégramme est arrivé pour m’inviter à venir tourner à Rome ».

Un tournage impressionnant pour la jeune comédienne. « Conduire une Cadillac Via Veneto entourée de paparazzis, c'était quelque chose ! Terrible ! ». À l’arrivée, une Palme d’or couronne le film, puis un Oscar et treize millions de spectateurs dans les salles italiennes (presque trois millions en France). Anouk Aimée est propulsée au rang de star internationale.

Elle collabore à nouveau avec Fellini trois ans plus tard, dans Huit et demi. Le film cumule 700 000 entrées en France, plus de trois millions en Italie, et décroche un nouvel Oscar. « En rencontrant Fellini, j'ai commencé à aimer le cinéma. Jusque-là, le cinéma m'avait choisie, mais pas moi », confiait l’actrice à Libération en 2022.

Après ces deux chefs-d’œuvre, Anouk Aimée s’installe en Italie. Elle y tourne de nombreux film, dont Le Saut dans le vide de Marco Bellochio, qui lui vaut le prix d’interprétation au Festival de Cannes, en 1980.

« Je recevais des scénarios du monde entier »

Parallèlement à ses aventures italiennes, la comédienne s’illustre dans des films français devenus aujourd’hui des classiques. En 1961, elle devient Lola, danseuse et chanteuse de cabaret à Nantes, pour Jacques Demy. « J'adore Lola. C'est sans doute le film dont je me sens le plus proche. C’est un morceau de moi, Lola », révélait-elle au Figaro en 2022. Elle reprend son rôle dans Model Shop, en 1968.

Philipe de Broca, Sergio Corbucci, Dino Risi… Anouk Aimée enchaîne les collaborations avec des cinéastes prestigieux. Au milieu des années 1960, un réalisateur français de 28 ans, déçu de l’échec de son film précédent, décide de mettre en scène l’histoire d’amour spontanée de deux inconnus à Deauville…

« Je connaissais Jean-Louis Trintignant parce que sa femme Nadine était ma plus vieille amie. Un jour, ils m'ont fait rencontrer un jeune metteur en scène : Claude Lelouch », racontait Anouk Aimée au Figaro. Ils déjeunent ensemble, et le réalisateur lui décrit ce qui deviendra Un homme et une femme. « J’ai dit oui tout de suite ». Tournage minimaliste et rapide en Normandie, avec une équipe de cinq personnes et pas de scripts pour le duo de comédiens. « Ce film, ça a été la folie ! ». 

En 1966, Un homme et une femme est présenté à Cannes et séduit le Jury, qui lui décerne la Palme d’Or. C’est le début d’une série de récompenses internationales, dont un BAFTA et un Golden Globe de la meilleure actrice pour Anouk Aimée, également nommée pour l’Oscar. « Dès que vous faites un film qui a du succès, tout d'un coup, toutes les portes s'ouvrent. Je recevais des scénarios du monde entier », expliquait-elle à Elle en 2016. A 34 ans, l’actrice a joué dans plus de trente-cinq films, dont deux Palmes d’Or.

Une autre façon de vivre

Désormais mondialement reconnue, Anouk Aimée poursuit une carrière impressionnante, en France comme à l’international. Elle collabore avec Sidney Lumet, Georges Cukor, André Delveaux, Bernardo Bertolucci ou encore Jerzy Skolimowski. Au fil des ans, elle tourne huit fois avec Claude Lelouch, notamment dans les deux suites de Un homme et une femme en 1986 et 2019. « Travailler avec Claude, ce n'est pas travailler, c'est une autre façon de vivre » résumait-elle au Parisien en 2019.

Le réalisateur Elie Chouraqui fait aussi partie de ses collaborations fructueuses. Avec lui, elle tourne un téléfilm et quatre longs métrages, dont Mon Premier amour qui lui vaut le César de la meilleure actrice en 1979.

Cinéma, théâtre, télévision… Jamais là où on l’attend, Anouk Aimée laisse une filmographie impressionnante, peuplée de grands films et de rôles qui ont marqué l’histoire. Ainsi que le disait l’intéressée au Figaro en 2022 : « En fin de compte, tout s'est très bien passé ».