« Chez les attachés de presse, il y a presque autant de gens que de parcours et de statuts différents. » Cette phrase de Viviana Andriani (en charge ces derniers mois de City Hall de Frederick Wiseman ou La Communion de Jan Komasa) – membre fondateur du C.L.A.P., créé en mars 2020 et regroupant plus de 80 adhérents – résume la difficulté de définir comme de faire reconnaître ce métier pourtant essentiel dans la vie d’un film. Celui qui tisse le lien entre chaque long métrage et les journalistes.
« Un métier de passion », souligne d’emblée un autre membre fondateur du C.L.A.P., Laurence Granec (qui accompagne depuis des années les œuvres de Nanni Moretti et s’est occupée ces derniers mois de Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary de Rémi Chayé et du Capital au XXIe siècle de Justin Pemberton et Thomas Piketty). « On fait ce métier par amour du cinéma, avec l’idée de partager cette passion. » Bien que diplômée de l’EFAP (École française des attachés de presse), elle explique que ce métier s’apprend avant tout sur le terrain. « Pour moi, ce fut au contact de Simon Mizrahi [un attaché de presse touche-à-tout qui fut un soutien essentiel de la carrière française des films de Bellocchio, Fellini ou Ferreri, NDLR] auprès duquel j’ai débuté et qui a formé et développé mon goût pour le cinéma. »
Sa consœur Viviana Andriani approuve : « Attaché de presse n’est pas un métier qui s’apprend à l’école, il se nourrit surtout de rencontres décisives. Pour moi qui avais fait des études d’économie en Italie dans le but de travailler dans la gestion d’entreprises culturelles, ce fut celle, en 1996, d’un autre attaché de presse, Robert Schlockoff, avec qui j’ai travaillé pendant deux ans. Je suis ensuite repartie en Italie. Mais quand je suis revenue en France en 2000, c’est ce métier d’attaché de presse qui s’est imposé à moi. En grande partie par l’indépendance qu’il permet, car je choisis chaque film sur lequel je m’engage. »
Cette indépendance n’est cependant pas sans obstacle. Il faut avoir un bon carnet d’adresses et savoir l’entretenir au cours des années et des films qu’on accompagne. « Tout cela s’est un peu durci au fil du temps, sans doute parce que nous étions moins nombreux quand j’ai débuté. En théorie, il ne faudrait jamais mettre d’affect. Mais l’affect est au cœur même de ce métier ! Donc ça peut être parfois très violent », explique Laurence Granec sans pour autant noircir le tableau. « Heureusement, beaucoup de cinéastes, de distributeurs et de producteurs nous appellent pour continuer des aventures communes. Mais il faut en parallèle se tenir au courant de la vie des films. Et ne pas hésiter à passer soi-même des coups de fil pour ne pas avoir de regrets. »
Dans la construction de ce line-up, les festivals internationaux majeurs (Berlin, Cannes et Venise) jouent pour beaucoup d’attachés de presse un rôle essentiel, à la fois pour accompagner les films pendant ces manifestations mais aussi repérer très en amont de leurs sorties les œuvres dont ils s’occuperont par la suite.
Comme chaque film est un prototype, le travail de l’attaché de presse doit évidemment s’adapter à la spécificité de chacun. Même s’il y a une colonne vertébrale commune à tous les projets ou presque. « On commence évidemment par nous montrer le film pour échanger autour de lui avec son distributeur, ses producteurs et parfois son réalisateur », explique Laurence Granec. « À partir de là, arrive une première réunion où l’on réfléchit stratégie –par exemple faut-il ou non tenter un festival et si oui lequel ? – et où l’on rentre dans le concret de la promotion à venir : la confection du dossier de presse, la sélection des photos et des extraits et depuis quelque temps, aussi, des éléments de langage pour communiquer en amont des premières projections sur l’œuvre en question. » Puis très vite, débute l’organisation des projections de presse au cours desquelles les journalistes vont découvrir le film. « Avant d’inviter tout le monde, on choisit ensemble les médias à qui on va réserver la première dans le but d’établir des partenariats en presse écrite ou audiovisuelle », précise Viviana Andriani. « Par les noms des médias qui s’y retrouvent associés, ces partenariats aident à construire le positionnement du film en question. » Arrive ensuite le temps de la communication sur les projections qui nécessitent souvent, si le film n’est pas attendu, de nombreuses piqûres de rappel téléphonique.
« Notre métier est forcément impacté par la crise qui touche la presse depuis quelques années et la réduction drastique des rédactions », précise Laurence Granec. Jusqu’à la sortie du film, les échanges sont constants avec le distributeur – « avec un rôle d’alerte au cas où il y aurait un gros souci dans les retours des critiques » – comme avec les journalistes pour organiser les interviews autour du film et imaginer des sujets transversaux avec d’autres médias que les magazines culturels.
Ce rouage essentiel dans le monde du cinéma souffre cependant d’un manque de reconnaissance, symbolisé par le fait qu’il n’existe aucune obligation de voir le nom de l’attaché de presse d’un film figurer à son générique. C’est pour lutter contre cela et mieux exister aux yeux du monde du cinéma que l’association C.L.A.P. a été créée au début du premier confinement. « Il y avait déjà eu une tentative de se regrouper voilà une dizaine d’années, précise Laurence Granec, mais nous n’étions sans doute pas encore prêts. La situation économique plus que précaire dans laquelle la crise sanitaire nous a plongés – concrètement, nous ne rentrions dans aucune des cases pour percevoir la moindre aide – a permis de mettre en place ce chantier-là. De rappeler que notre travail ne se limite pas à la sortie d’un film mais à sa vie future au fil de la chronologie des médias puis au projet suivant du réalisateur. »
Le soutien est immédiat de la part des distributeurs et des journalistes. Et en quelques mois, des premiers résultats concrets voient le jour. « On a été écoutés et entendus par le CNC. On a pu avoir accès aux aides en dépit de notre spécificité, notamment l’irrégularité de nos revenus », se réjouit Viviana Andriani. En parallèle, un travail de pédagogie s’est mis en place avec le Syndicat français de la critique de cinéma « pour mieux faire comprendre notre métier aux nouveaux journalistes », détaille Viviana Andriani. « On a besoin les uns des autres et de travailler ensemble pour s’en sortir », résume Laurence Granec.