Un regard sur la France des années 30 aux Trente Glorieuses
Comme son titre l’indique, l’histoire de notre pays joue un grand rôle dans Souvenirs d’en France. Le deuxième long métrage d’André Téchiné met en scène une famille d’immigrés espagnols dont le père a réussi à monter une usine prospère au cœur du Sud-Ouest dans les années 30. Une blanchisseuse épouse alors l’un des fils du patriarche, malgré le veto de sa mère, et en profite pour gravir tous les échelons jusqu’à devenir la chef du clan.
A travers cette saga romanesque, le cinéaste raconte la France des années 30 aux Trente Glorieuses en passant par la Seconde Guerre mondiale où l’engagement en faveur de la résistance de la blanchisseuse se situera à contre-courant de la position de neutralité du reste de la famille. Et, ce faisant, il pose les fondations de son univers et des obsessions qui nourriront par la suite tout son cinéma : les relations familiales, le jeu entre différents classes sociales et son amour infini pour les comédiens comme le prouve le casting réuni devant sa caméra : Jeanne Moreau (à l’affiche la même année de Monsieur Klein), Michel Auclair (qui triomphe au même moment dans Sept morts sur ordonnance) et Marie-France Pisier en tête.
La première collaboration André Téchiné-Bruno Nuytten
Souvenirs d’en France marque un moment essentiel dans la carrière d’André Téchiné. Sa toute première collaboration avec le directeur de la photo qui signera la lumière de ses trois longs métrages suivants : Barocco, Les Sœurs Brontë et Hôtel des Amériques. Chef opérateur par la suite de Tchao Pantin et Fort Saganne, Nuytten mettra fin à cette partie-là de sa carrière en 1986 avec le diptyque Jean de Florette/Manon des Sources pour se consacrer à la réalisation avec Camille Claudel, qui sera récompensé en 1989 du César du meilleur film.
Deux actrices mythiques pour le même rôle
A l’écran, le personnage d’Augustine Pedret est incarné à deux âges de sa vie par deux comédiennes qui ont marqué l’histoire du septième art français. Pour la plus jeune, Téchiné a confié ce personnage à Françoise Lebrun, révélée deux ans plus tôt dans La Maman et la putain de Jean Eustache. Et, pour la dernière ligne droite de son existence, il a choisi Orane Demazis, l’inoubliable Fanny de la trilogie de Marcel Pagnol, dont elle fut la compagne pendant 13 ans, de 1925 à 1938. Deux générations de femmes. Deux familles de cinéma qui se passent le relais.
Un film césarisé
Un César pour sa seule nomination. Souvenirs d’en France a été à la fête lors de la toute première édition de la cérémonie, le 3 avril 1976, grâce à Marie-France Pisier qui s’est imposée dans la catégorie « actrice dans un second rôle » face à Isabelle Huppert (Aloïse), Andrea Ferréol (Les Galettes de Pont-Aven) et Christine Pascal (Que la fête commence).
Le film qui lance la carrière de Téchiné
Né dans le Tarn-et-Garonne, André Téchiné monte à Paris à 21 ans au milieu des années 60 pour devenir critique au sein des Cahiers du Cinéma. Puis, en 1969, il passe de la théorie à la pratique en signant son premier long métrage, Paulina en France, sélectionné à la Mostra de Venise mais qui va mettre plus de 6 ans à sortir (et seulement dans une poignée de salles), quelques mois avant que Souvenirs d’en France ne déboule. Soutenu ardemment par Jeanne Moreau et porté par une critique enthousiaste, Souvenirs d’en France rencontre, lui, un joli succès qui change la donne pour Téchiné. Il n’attend pas pour retourner sur un plateau et tourne quasiment dans la foulée Barocco avec deux jeunes gloires alors naissantes, le duo Isabelle Adjani-Gérard Depardieu.
Souvenirs d’en France ressort au cinéma, en version restaurée, le 9 octobre 2019. Le film a bénéficié de l’Aide sélective à la numérisation des œuvres cinématographiques de patrimoine.