L’histoire commence en 2007. Un peu par hasard, Viridiana Ferrière rencontre des étudiants de la Femis qui lui demandent de fabriquer un faux bébé pour un tournage. Celle qui était alors infirmière se lance, forte d’une sérieuse fibre artistique. Le bouche à oreille se met alors en marche, et Viridiana Ferrière devient rapidement une référence pour ceux qui souhaitent utiliser des bébés dans leurs films… sans pour autant souffrir des contraintes.
Faire tourner de jeunes enfants au cinéma ou à la télévision est en effet très réglementé en France. Ce n’est qu’à partir de trois mois qu’un bébé peut apparaître à l’écran, rendant toute scène de naissance crédible impossible. Pour les enfants âgés de trois mois à trois ans, il est possible de tourner, mais pas plus d’une heure par jour, et avec une pause après trente minutes. Autant d’éléments qui rendent les participations de très jeunes enfants compliquées pour les productions. « Les équipes ont également besoin de plusieurs bébés pour un même personnage, souligne Julie Barrère, bras droit de Viridiana Ferrière depuis 2017. Cela peut s’avérer très lourd lors d’un tournage car les bébés sont souvent accompagnés de leurs deux parents… cela fait vite du monde à encadrer ! »
Doublures plus vraies que nature
C’est là que Cinébébé entre en scène. Les faux bébés créés dans leur atelier sont utilisés lors des répétitions, afin de limiter la présence du vrai bébé-acteur au moment du tournage. « Nos bébés sont aussi utilisés lors des scènes où l’enfant doit dormir, est bercé dans les bras d’un acteur, mais aussi lors de scènes à risques, comme un accident où l’on verrait une poussette se retourner par exemple. »
Impossible également d’utiliser un vrai bébé pour une scène d’accouchement, comme dans la dernière saison de Dix pour cent (France 2) : « Il faudrait déjà qu’il semble bien plus jeune que son âge véritable, mais surtout le recouvrir de toutes sortes de liquides. Ce serait très pénible pour un vrai bébé. »
En plus des bébés en silicone, Cinébébé se charge également des maquillages et effets spéciaux. « Dans Un peuple et son roi, nous sommes intervenus pour une scène montrant un bébé mort affamé. Nous avons sculpté spécialement un de nos bébés. Nous avons également eu des demandes pour créer des bébés malades… Il serait impossible d’avoir un vrai bébé pour ces scènes difficiles !»
Travail d’artistes
Tout est fait à la main par des collaborateurs qui viennent d’univers éloignés : sculpture et maquillage de cinéma pour effets spéciaux. « Nous les fabriquons de A à Z dans notre atelier, à partir de silicone. On réalise d’abord un moule, puis on travaille plusieurs versions d’un même bébé pour lui donner des expressions différentes : pleurs, rires, sommeil… Ensuite, nous le peignons dans la couleur de peau voulue et nous implantons les cheveux. Pour la tête d’un bébé de trois mois, il faut compter sept heures de travail uniquement pour l’implantation de cheveux ! Il faut compter environ deux mois pour sculpter un bébé entièrement. »
Pour les modèles en vinyle et tissus, utilisés pour des scènes où le bébé n’est pas filmé dans son ensemble, dans une poussette par exemple, le travail est plus rapide. Les deux à six personnes qui interviennent dans l’atelier travaillent à partir d’un modèle acheté dans le commerce, puis s’occupent de le peindre et d’implanter des cheveux sans passer par l’étape sculpture.
Le sens du détail
D’autres éléments liés à la maternité peuvent être réalisés grâce à ces effets spéciaux : de faux ventres, des cordons ombilicaux, le placenta… « On fait en sorte que nos bébés soient le plus ressemblants possible. Et pour que la scène soit la plus réaliste, on essaie aussi de donner le même poids à notre bébé que celui d’un vrai enfant de cet âge. Cela permet aux acteurs qui les manipulent d’avoir des gestes précis et fidèles à la réalité. »
C’est ce même sens du détail qui conduit Julie Barrère à accompagner ses créations sur les tournages. « Notre travail se poursuit le jour du tournage, raconte-t-elle. On se rend sur le plateau, on fait le maquillage du bébé, on s’occupe des raccords entre deux prises, mais aussi, on présente les bébés à l’équipe, on montre comment les manipuler... »
Cinébébé, berceau de bébés stars
En dix ans d’expérience, Cinébébé a collaboré à des dizaines de productions, cinéma et télévisuelles. Leurs faux bébés sont apparus notamment dans Capitaine Marleau, Mon Bébé (Lisa Azuelos), La Douleur (Emmanuel Finkiel), Plus belle la vie, mais aussi Polisse (Maïwenn), Plonger (Mélanie Laurent) ou Happy End (Michael Haneke).