Ce professionnel est engagé pour effectuer des recherches de documentation, qu’il s’agisse de plonger dans des archives papier, de trouver des spécialistes capables de les renseigner ou de visionner des vidéos pour trouver celles qui seront utiles à la production. Si certaines demandes sont purement iconographiques, d’autres appellent un travail bien plus approfondi. « La démarche n’est évidemment pas la même entre, par exemple, une recherche d’images de portes de prison et une documentation sur Cléopâtre. La première sera essentiellement iconographique : Internet, les banques d’images voire des déplacements sur place. La seconde, si elle inclut évidemment l’outil internet et un pan iconographique, induit en revanche forcément un travail bibliographique poussé, la consultation d’ouvrages et de sources en bibliothèque ou en archives, voire la prise de contact avec des historiens spécialistes du sujet », explique ainsi Audrey Galopin, documentaliste freelance qui travaille notamment pour le cinéma.
Intervenant en amont du projet, pour aider à la préparation du tournage, elle dispose de quelques jours à plusieurs semaines selon le budget des productions et le sujet, pour effectuer ses recherches. « J’ai rarement dépassé les 4 semaines de travail pour un contrat », ajoute-t-elle en soulignant qu’elle adapte le rendu de ses investigations aux besoins des productions. « Certaines souhaitent une documentation la plus exhaustive possible quand d’autres préfèrent des synthèses plus rapidement compulsables que je présente sous forme de ‘’fiches résumés’’ », poursuit-elle en précisant qu’elle n’est « pratiquement jamais en relation directe avec les réalisateurs ». Engagée par les productions mais contactée majoritairement par le département décoration, Audrey Galopin travaille en effet en étroite collaboration avec les chefs de postes (décorateurs, costumiers, monteurs parfois) et les assistants réalisateurs qui transmettent et répercutent la documentation fournie.
Plongée dans les archives
Pour L’Esprit de famille, réalisé par Eric Besnard, Audrey Galopin a par exemple été contactée par Bertrand Seitz, le chef décorateur qui était à la recherche d’images et photographies illustrant le passé de journaliste et photographe sportif d’un des personnages. « Il souhaitait des images avec un vrai regard artistique montrant des sportifs en pleine action. J’ai donc cherché dans les différentes banques d’images et j’ai notamment pu avoir accès aux archives du magazine sportif l’Equipe, riche d’un beau fond photographique. » Pour Hors-la-loi de Rachid Bouchareb, elle a mis ses compétences à profit pour chercher des archives vidéos, des documents sonores ainsi que des unes de journaux sur des évènements précis tels que l’armistice du 8 mai 1945, les attentats du FLN ou encore la proclamation de l’indépendance algérienne. « L’Ina, l’ECPAD (Établissement de Communication et de Production Audiovisuelle de la Défense) ainsi que les archives de Pathé et Gaumont ont été les principales sources. La production avait également des contacts sur place en Algérie pour trouver certaines images » qui ont ensuite été insérées directement dans le film. Pour l’un de ses derniers projets en date, la Comédie humaine de Xavier Giannoli, elle a par exemple mené des recherches à la demande du chef décorateur Riton Dupire-Clément pour reconstituer Paris en 1821 - habitat, urbanisme, petits métiers, gastronomie, monnaie – et se documenter sur le monde de l’imprimerie ou celui des théâtres. « Une plongée passionnante dans la France au début du XIXe. Cerise sur le gâteau, ces recherches m’ont permis de faire de l’Opéra Garnier et du Petit Palais mes lieux de travail pour un temps. »
Enfin, Audrey Galopin a aussi prêté main forte à la production de Venus noire d’Abdellatif Kechiche. « J’ai été contactée personnellement en amont du projet par, à l’époque, le chef décorateur Benoît Barouh pour fournir une documentation sur le personnage central du scénario, Saartjie Baartman dite la Vénus hottentote, ainsi que sur les villes du Cap, de Londres et de Paris dans les années 1810 ». Parmi ses missions figurait une recherche sur la prostitution et les bordels du Palais Royal. De quoi lui faire vivre des situations plutôt incongrues. « Je devais trouver autant que possible des représentations ou des descriptions de ces intérieurs, de leur mode de fonctionnement, des accessoires que l’on pouvait y trouver à l’époque. Autant dire que lorsque vous êtes à la Bibliothèque nationale de France, cadre sérieux s’il en est, et que vous réservez des dizaines d’ouvrages consacrés aux bordels, à l’orgasme, aux préservatifs et autres objets sexuels, vos voisins de table vous lancent des regards quelque peu amusés ! », sourit-elle.
Un goût pour l’histoire
Titulaire d’un DEA (ou master 2 recherche) en histoire moderne obtenu à la Sorbonne, Audrey Galopin s’est rapidement tournée vers le cinéma en effectuant des stages avant de se lancer en indépendante en tant que recherchiste-documentaliste. Un métier qui lui permet d’allier ses deux passions, l’histoire et le cinéma, et d’assouvir ses envies de recherches. Ce métier demande, pour elle, plusieurs qualités telles que la rigueur et l’organisation. « Il est aujourd’hui à la portée de tout le monde de faire une recherche, d’autant plus avec les outils internet actuels. Mais encore faut-il savoir où et comment chercher, et de quelle manière retranscrire les informations collectées. »
Autre qualité essentielle, la curiosité qui permet d’explorer des univers différents, parfois éloignés de ses propres centres d’intérêt. Audrey Galopin, qui fait ce métier depuis plus de 10 ans, n’a ainsi, sauf rares exceptions, « jamais eu à chercher deux fois la même chose. C’est ce qui rend ce travail passionnant mais qui nécessite une certaine ouverture d’esprit et l’envie de découvrir ». Etre réactif est aussi capital, car les équipes ont souvent un timing serré et il faut être capable de s’adapter rapidement aux demandes. Enfin, avoir une bonne dose de patience et de persévérance est nécessaire car il faut parfois « passer des heures à chercher le bon renseignement dans le bon livre ». Encore plus aujourd’hui « avec la facilité d’accès et de modification de certaines données ». « Au cours de mes études d’histoire, le corps enseignant n’a eu de cesse de mettre en avant l’importance de recouper les sources. Aujourd’hui, il paraît d’autant plus nécessaire de vérifier la source de l’information traitée et ne pas hésiter à la confronter et la recouper », conseille-t-elle.
Travaillant comme freelance, Audrey Galopin précise que son « emploi reste très intermittent, conditionné aux budgets des productions ». Des budgets qui ont tendance à baisser, « ce qui conduit à supprimer des postes considérés comme non essentiels ». « Force est de constater que la documentation en pâtit, ce travail étant considéré de plus en plus comme facilement réalisable depuis un simple ordinateur ! », regrette-t-elle.