En quoi consiste votre métier ?
Il y a deux orientations possibles : le « hard surface », où l’on modélise des objets, les éléments d’un environnement qui ne se déforment pas - bâtiments, robots... - et l’« organic » qui concerne les humains, les animaux et les créatures. Le modeleur organique utilise deux logiciels, Maya et ZBrush, qui lui permettent de sculpter notamment les visages, mais il ne s’occupe pas du mouvement qui est l’affaire de l’animation. Il doit avoir une connaissance pointue de l’anatomie, beaucoup de pratique sur des personnages réalistes ou imaginaires. Il a un rôle d’expertise sur ce qui est faisable ou pas.
En ce qui me concerne, je suis passé par la pub avant de rejoindre la CGEV il y a environ 3 ans. Je suis modeleur « hard surface », même si j’ai un profil plus généraliste. Lorsque l’on est débutant, on remodélise des décors déjà filmés qui vont être modifiés, détruits ou éclairés différemment. C’est un travail de reproduction du réel qui nécessite peu d’implication créative. Ensuite, on obtient plus de responsabilités. En général, on nous assigne une tâche précise accompagnée d’un brief sur les intentions du client. Par exemple, si on me confie l’extension d’une place de Paris, j’étudie les plans, le dossier de décoration et je me lance dans une phase de recherches qui aboutit à une banque d’images. Ensuite, je modélise les bâtiments en 3D grâce à Maya, en prenant soin de respecter les échelles – des édifices, des fenêtres, des toits jusqu’au moindre détail – et l’architecture d’époque...
Cela demande une importante culture générale.
Ça fait partie de notre formation où on apprend notamment les bases artistiques (dessin, sculpture, histoire de l’art...) pour trouver rapidement les références d’un tableau, d’un mouvement architectural. La mienne a duré quatre ans et l’apprentissage de la technique n’a commencé qu’à partir de la troisième année.
Avez-vous des exemples de films où le défi a été particulièrement difficile à relever ?
Avec Jeremy Oblet et Martyn Stofkooper, nous avons travaillé sur le galion qui fait l’ouverture de L’Empereur de Paris. Nous avons pris des initiatives en amont pour éviter d’être pris de court.
D’autres modeleurs 3D de la CGEV ont travaillé sur J’accuse. Pour la séquence où Dreyfus est dégradé, l’École militaire a été remodélisée par notre équipe. Des personnages, parmi la foule et les soldats, ont été confiés à un modeleur organique extérieur pour permettre leur duplication. C’est là où le travail d’équipe est crucial. Il faut qu’à chaque étape de fabrication, les gens communiquent entre eux. On est amené à prendre des initiatives, à poser des questions pertinentes pour que tout le monde gagne en efficacité. Nous gardons le même état d’esprit lorsqu’il faut s’adapter à l’évolution des techniques.
Avatar est-il le rêve ultime pour un modeleur 3D ?
Je dirais que... oui (rires). Weta Digital est l’un des meilleurs studios de post-production et Avatar, un projet où la créativité d’un modeleur 3D peut pleinement s’exprimer. À titre personnel, j’ai d’autres rêves que celui-là, notamment de superviser une équipe, et ce n’est pas la proportion des effets qui m’intéresse dans un film, mais la qualité de l’histoire. Lorsque mon attention de spectateur est distraite par les effets spéciaux, c’est mauvais signe !
Que vous inspire cette tendance à ressusciter numériquement des acteurs, comme Peter Cushing dans Rogue One et bientôt James Dean ?
Techniquement, c’est un défi passionnant ; artistiquement, ça se discute. Pour l’instant, je ne trouve pas que le résultat soit convaincant... Je ne sais pas si cette tendance est inéluctable, mais c’est vrai que beaucoup y travaillent. Une seule question se pose : faire revivre des comédiens est-il essentiel à la réussite d’un film ? S’il s’agit de coups marketing, ça ne marchera pas longtemps.