Qu’est-ce qui a motivé Les Bonnes intentions, qui résonne singulièrement avec notre monde d’aujourd’hui ?
Dans mon entourage, beaucoup de gens travaillent dans le social et l’humanitaire, je réfléchissais à faire un film là-dessus, sans savoir si je le produirais ou si je le réaliserais (Gilles Legrand a la double casquette, ndlr). J’ai fait part de cette envie à Léonore Confino, une auteure de théâtre que j’aime bien, à qui j’ai présenté quelqu’un qui donne des cours d’alphabétisation. Elle a été enchantée par le projet et m’a proposé une structure de scénario qui m’a plu. Le réaliser est alors devenu une évidence.
Votre film est-il une réhabilitation de ces battant(e)s, souvent des bénévoles, qu’on caricature parfois mais qui font avancer la cause humanitaire ?
On est dans une société sauvage qui délègue le social et l’humanitaire à des gens de bonne volonté mais pas forcément très professionnels. Je trouvais ça intéressant de montrer les motivations de cette femme sans pour autant en faire une sainte. Comme l’a bien compris Léonore Confino, ces gens ne font peut-être pas parfaitement leur job mais, au moins, ils le font. Je tenais vraiment à rendre hommage à leur volontarisme.
Il est aussi question des faillites de l’administration sociale, de la concurrence entre services...
Dès qu’il s’agit d’obtenir une subvention, les associations sont prêtes à tout, y compris à piétiner les autres !
Vous montrez au début un personnage assez crispant pour sa famille, mais aussi pour le spectateur…
En dramaturgie, il est nécessaire que les personnages se transforment, évoluent. Là, on n’a pas changé le personnage mais la perception qu’on en a. Cela a nécessité un travail d’écriture très fin de la part de Léonore dont la mère a accueilli des Bosniaques pendant les guerres de Yougoslavie. Elle savait de quoi elle parlait.
Isabelle, l’héroïne, se met en tête de faire passer le permis à ses élèves en cours d’alphabétisation. Cela s’inspire-t-il de faits réels ?
J’avais raconté à Léonore que j’avais effectué un stage pour récupérer des points sur mon permis de conduire. Lors de ce stage, j’avais été fasciné par un Polonais qui râlait dans un français incompréhensible, ce qui me faisait hurler de rire. On a intégré ça au scénario avec ces gens d’origine étrangère amenés à passer leur permis. Ce n’est pas totalement fantaisiste : l’auto-école sociale existe.
C’était comme une évidence pour vous de choisir Agnès Jaoui dans ce rôle ?
On n’écrit jamais pour un acteur, il y a toujours le risque que le projet ne se fasse pas en fonction de ses (in)disponibilités. Il se trouve qu’Agnès est une femme engagée, généreuse et qu’elle a l’âge du rôle. C’était important pour la crédibilité et la sympathie que le personnage finit par susciter. Je dirais qu’Agnès est ma meilleure idée a posteriori. (il sourit)
Le reste du casting est composé quasiment d’inconnus ou de débutants au cinéma. Comment l‘avez-vous conçu ?
C’était vraiment prévu comme ça, on ne voulait pas de gens identifiés pour jouer des étrangers analphabètes. Six mois de casting ont été nécessaires. Prenez Roméo, le personnage du rom : on l’a trouvé sous un pont à Marseille, il ne savait ni lire ni écrire. Il joue quasiment son propre rôle.
Vos deux acteurs professionnels principaux, Agnès Jaoui et Alban Ivanov (qui joue le directeur de l’auto-école), étaient-ils vos relais sur le plateau ?
Nous n’en avons pas eu vraiment besoin. Tous formaient un petit groupe qui s’aimait bien et qui s’entraidait. Ça a été un tournage assez simple et joyeux en définitive.