CNC : On connaît bien Johnny Hallyday en rockeur enflammant les scènes. Mais comment était-il en tant qu’acteur ?
Tony Frank : Il travaillait beaucoup ses rôles, 3 semaines, 1 mois à l’avance. A l’époque où il vivait avec Nathalie Baye, il lui demandait qu’elle l’aide à répéter. Pour moi, il a été un très bon comédien. Son rêve au départ, dans la vie, c’était d’être acteur et non chanteur. Le problème, c’est que dès qu’on voit Johnny Hallyday sur un écran, on l’identifie au rockeur et pas au personnage qu’il incarne.
Il en souffrait d’avoir cette image qui lui collait à la peau ?
Oui, un peu. Il ne le disait pas ouvertement mais le connaissant, ça devait quand même le frustrer. C’est pour ça qu’il a fait L’Homme du train de Patrice Leconte (Johnny Hallyday a eu le Prix Jean Gabin pour ce film ndlr). Il a essayé à chaque fois de faire des choses un peu décalées.
Quel est le premier tournage sur lequel vous l’avez accompagné ?
C’était pour Le Spécialiste de Sergio Corbucci. Johnny Hallyday était docile avec le metteur en scène. Il devait se rendre compte qu’il n’était pas dans son domaine. Parfois, sur des films comme La Gamine d’Hervé Palud avec qui il avait une certaine complicité suite au tournage ensemble de plusieurs clips, il mettait son grain de sel et disait : «Je verrais ça plutôt comme ça ». Mais quand il s’agissait de metteurs en scène comme Jean-Luc Godard ou Costa-Gavras, il ne disait rien. Il était comme un acteur lambda et attendait les directives. Ill était assez intimidé.
Quels sont vos souvenirs de tournage les plus marquants avec Johnny Hallyday ?
Pour Terminus, nous avons passé un mois et demi à Budapest. Il y a eu des choses pénibles, comme se lever très tôt, ce qui était dur pour lui même s’il le faisait quand même. Mais il y a eu des moments très drôles, comme un matin au petit déjeuner où il a ruiné le costume blanc d’un touriste en secouant, par mégarde, une bouteille de ketchup qui n’avait pas de bouchon. Il a immédiatement couru à la réception pour dire qu’il payait le nettoyage. Il y a eu aussi des moments d’angoisse : comme on lui décolorait les cheveux en blancs, ils tombaient par poignées. Il a vraiment eu peur…
Comment étaient ses relations avec les réalisateurs qui le faisaient tourner ?
Je pense qu’avec Jean-Luc Godard, elles étaient difficiles. Johnny était complètement intimidé car ce réalisateur est quand même un personnage. Sur les tournages, il était très sérieux pendant les prises. En dehors, il riait avec les autres comédiens ainsi qu’avec les techniciens dont il a toujours été proche, aussi bien en spectacle que sur les tournages. Il n’a jamais pris les gens de haut.
Pourquoi le tournage de Détective de Jean-Luc Godard, dans lequel il donne la réplique à Nathalie Baye et Claude Brasseur, était si difficile ?
C’est une forte personnalité qui fait peur à tout le monde. Le réalisateur écrivait le scénario le jour du tournage. Certains matins, on arrivait et il nous disait : « Je n’ai rien écrit ». Donc personne ne faisait rien. Les gens se marraient et ont arrêté de le prendre au sérieux, ça a détendu l’atmosphère.
Vous dites de lui qu’il était un « acteur studieux »…
Il travaillait beaucoup pour qu’on ne puisse pas lui reprocher de ne pas connaître les scènes qu’il devait jouer. Il voulait être irréprochable. En tant que chanteur, il avait le bonheur d’arriver et tout connaître. Il pouvait se tromper dans une chanson et rattraper ça en direct. Mais au cinéma, il devait être irréprochable. Il avait la pression. Quand on ne travaille pas, on est faillible.
C’était important pour vous, qui l’avez si bien connu au point d’en faire le parrain de votre fille, de lui rendre hommage de cette façon ?
Cette exposition, c’est Marie-France Brière et Dominique Besnehard qui l’ont voulue. Au moment de la disparition de Johnny Hallyday, ils m’ont appelé en disant qu’ils voulaient lui faire un hommage cette année. Il y a une cinquantaine de photos pour que les gens voient qu’il a fait des choses différentes. Je suis pratiquement le seul à avoir refusé d’apparaitre sur des plateaux télé après sa mort. Les médias m’ont tous appelé avant son décès, après, pendant l’enterrement et pendant les histoires d’héritage… Des gens ont fait des télés alors qu’ils l’ont croisé deux fois dans leur vie dans un couloir. Ils racontent des choses en dépit du bon sens… Dans cette exposition, il n’y aucune photo privée, et pourtant j’en ai. C’est un choix. Il faut être respectueux envers l’homme.