C’est au Cours Julien, un quartier situé en plein cœur de Marseille, que Thomas Ordonneau (créateur et directeur du label SHELLAC) et Cyril Zimmermann (un entrepreneur engagé dans l’économie numérique et attaché à l’action culturelle) ont ouvert mercredi La Baleine. Derrière ce nom se cache un nouveau lieu, dédié à l’art et essai, soutenu par le CNC, la Mairie de Marseille et la Région Sud-Provence Alpes Côte d’Azur.
Les deux créateurs de La Baleine, qui a pris place dans un ancien théâtre, ont misé sur une association cinéma/bistrot. Avec pour ambition que cette salle de 90 places devienne un lieu de vie fréquenté aussi bien pendant les séances qu’en dehors. La Baleine, qui propose 42 projections hebdomadaires, dispose ainsi dans un espace modulable d’un bar/restaurant géré par un établissement de la ville. Alors que La Baleine vit ses premiers instants, le CNC a posé trois questions à Thomas Ordonneau, l’un de ses créateurs, pour évoquer ce nouveau cinéma.
Quelle est la spécificité de La Baleine ?
Le cinéma se positionne comme un lieu de vie. On considère qu’il y a un avant et un après la projection. Ce cinéma travaille également dans un temps qui lui est propre. Il ne cherche pas à suivre spécifiquement le moment d’exploitation des films. On veut les projeter en amont, avec des avant-premières et projections événementielles ou en aval, ce qui permet d’amener les films au public avec un travail plus soigné que lorsqu’on est dans la rotation du marché. Il s’agit un peu d’un projet pilote qui essaie de montrer qu’il y a des fenêtres à ouvrir. C’est un modèle pour avoir le maximum d’autonomie ainsi qu’un équilibre à la fois économique et éditorial. Faire une offre cinéma permet de proposer une offre bistrot. Et l’offre bistrot est en complément de celle du cinéma. On étudie toutes les possibilités que donne le lieu de vie, que ce soit les séances du matin avec les enfants, les séances de l’après-midi en brunch… Tout est possible. Quand on invite un réalisateur, il y a également la possibilité de prolonger le temps de la rencontre, qui est un peu formelle dans un premier temps avec le traditionnel questions/réponses depuis l’écran, en un moment informel autour d’un verre, dans un lieu chaleureux.
Pourquoi avoir choisi ce lieu, au Cours Julien ?
Il s’agit d’un ancien théâtre de conte oral à destination des enfants. C’est une salle avec une bonne assise et un écran suspendu de 7 mètres pour 90 places grâce à une très belle hauteur sous plafond. Le bâtiment est un ancien stockage pour les maraîchers derrière les immeubles du Cours Julien, un espace piéton avec des cafés, des fontaines, des marchés. C’est un endroit dynamique. Le cinéma, qui est une activité très régulière, va peut-être créer une zone de flux plus constant dans un quartier qui a des hauts et bas. Selon les jours et les heures, il y a des moments tristes et d’autres très bien.
L’ouverture de ce nouveau cinéma est-elle le signe d’une évolution dans le monde de l’art et essai à Marseille ?
Après 5 années de vache maigre, il y a une nouvelle dynamique : le Gyptis a ouvert en 2014, les Variétés - qui ont été repris et qui sont en train d’être rénovés - vont rouvrir début 2019 avec deux écrans de plus, le César doit à terme être lui aussi rénové pour en faire une salle grand confort… Marseille va retrouver un nombre d’écrans par habitant dans la moyenne des statistiques des grandes villes françaises. C’est la deuxième ville de France mais on comptabilisait, pour le moment, 12 écrans maximum passant des films art et essai, ce qui n’est pas énorme. La ville était moins bien équipée que Lyon. Là, on retrouve une situation normale. Avec La Baleine, on est clairement dans une programmation art et essai avec, à court terme, l’obtention des trois labels « Recherche et découverte », « Jeune public » et « Patrimoine et répertoire ».