« La Dernière vie de Simon » explore le fantastique

« La Dernière vie de Simon » explore le fantastique

10 février 2020
Cinéma
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La Dernière vie de Simon de Léo Karmann
La Dernière vie de Simon de Léo Karmann Geko Films - Wrong Men - A-Motion
Le premier film de Léo Karmann, La Dernière vie de Simon, s’aventure sur le terrain du fantastique, genre encore peu abordé en France. Retour sur ce long métrage singulier, très éloigné des canons américains, avec le réalisateur et sa coscénariste Sabrina B. Karine.

Simon (Benjamin Voisin), un jeune orphelin, avoue à ses deux amis d’enfance, Thomas (Martin Karmann) et Madeleine (Camille Claris), qu’il est capable de prendre l’apparence des gens qu’il touche. Ce pouvoir va changer leurs vies à tous… Avec ce premier long métrage, Léo Karmann réactive un genre peu prisé en France, celui du fantastique et du merveilleux, naguère exploré par Jean Cocteau (La Belle et la Bête, Orphée) ou Marcel Carné (Les Visiteurs du Soir). Le jeune auteur-réalisateur de trente ans et sa coscénariste Sabrina B. Karine nous expliquent leur parcours pour monter ce projet atypique.

Comment vous est venue l’idée de réactualiser le personnage-caméléon, qui semble inspiré des comics américains (Mystique dans X-Men par exemple) ?

Léo Karmann : Il y a des liens, en effet, même si on pensait plus à E.T. ou à Edward aux mains d’argent. Quand on a commencé à écrire, il y a neuf ans, on cherchait une idée de film inspirée par le cinéma américain qu’on aimait (Spielberg, Zemeckis, Cameron, Burton) mais qui puisse être réalisée en France. Un mélange de merveilleux et d’émotion qui soit également une métaphore de l’adolescence.

Neuf ans ? Pourquoi la genèse du film a-t-elle été aussi longue ?

Sabrina B. Karine : En raison de son genre, clairement. Notre enthousiasme n’était pas aussi bien partagé qu’on l’espérait ! On a mis cinq ans à trouver un producteur, les gens nous répondant que c’était trop ambitieux… Il était toutefois hors de question pour nous d’enlever la dimension fantastique.

L. K. : La difficulté était de lier le fantastique à une envie de film grand public. Aujourd’hui, la plupart des films de genre français tirent vers l’horreur, je pense à Grave ou à Revenge, qui s’adressent à une niche. Il nous a fallu convaincre nos interlocuteurs qu’il était possible d’élargir ce public.

Et quel producteur a finalement choisi de vous suivre ?

S.B.K. : Grégoire Debailly de Geko films, qui avait auparavant produit Shéhérazade.

Un tout autre genre…

S.B.K : Pour l’anecdote, nous n’étions pas allés le démarcher. Ce sont les gens d’Épithète Films, chez qui nous avions déposé le scénario, qui nous ont orientés vers lui. Nous n’aurions jamais pensé à lui, sinon.

Une fois le producteur engagé sur le projet, les financements ont-ils été faciles à trouver ?

L.K. : Nous y sommes arrivés, sans chaîne hertzienne, avec un apport important de Canal+ et sa filiale Ciné+. Au total, le budget approche les deux millions d’euros, ce qui n’est pas énorme. Heureusement que notre équipe, d’une moyenne d’âge de 28 ans, y a cru et s’est démenée comme jamais !

Est-ce que travailler avec Grégoire Debailly a modifié la nature du script ?

S.B.K. : Forcément, mais plus généralement, tous les retours qu’on a reçus nous ont amenés à infléchir le scénario. Si les gens trouvaient le film trop fantastique, c’était peut-être parce qu’on ne ressentait pas suffisamment l’émotion véhiculée par les personnages. C’est ainsi que, peu à peu, on a tiré le fantastique vers la métaphore, vers quelque chose de plus allusif.

L.K. : L’objectif n’a jamais été de faire un film très spectaculaire. E.T. ou Edward aux mains d’argent relient davantage les superpouvoirs à un handicap qu’à un moyen de sauver le monde. Tout notre travail de réécriture a tendu vers ça et aussi vers une sensibilité plus française.

Les effets visuels du film sont très troublants et apportent du mystère et de la tension. Comment les avez-vous imaginés, puis conçus ?

L.K. : Depuis le départ, nous voulions que le rendu soit plus physique que magique. On a tout de suite opté pour le morphing 2D, qui ne recourt qu’à des images tournées sur le plateau. Là où j’ai été très exigeant, c’est sur le maintien du regard pendant les transformations.

À l’arrivée, le film est-il conforme à ce que vous espériez ?

S.B.K. : Complètement ! (rires) Le fait qu’on ait mis autant de temps à trouver de l’argent nous a paradoxalement été utile pour l’écriture. Si tout avait été très vite, nous aurions sans doute fait un film différent.

L.K. : On espère percer le plafond de verre avec La Dernière vie de Simon. Ce serait notre grande fierté car, pour l’instant, le genre en France a du mal à s’imposer, indépendamment de la qualité des films. La frilosité des distributeurs et des exploitants est clairement un frein. Ce n’est pas juste une question artistique. C’est aussi aux acteurs de ce milieu de prendre des risques.

La Dernière Vie de Simon, sorti mercredi 5 février, a reçu l’aide sélective à la distribution (aide au programme) du CNC.