Cadre de production, le 1er assistant réalisateur est indispensable au bon déroulé du tournage d’un film. C’est lui en effet qui est chargé d’organiser les prises de vue et de coordonner les différents départements engagés sur le projet. Présent dès les premiers instants de la préparation, il accompagne au quotidien le cinéaste jusqu’au clap de fin du tournage. Une mission qui démarre avec un élément incontournable : la réalisation d’un plan de travail. « On fait dans un premier temps une étude pour voir la faisabilité du film, s’il y a suffisamment de jours de tournage prévus ou pas… On confronte ensuite ce premier plan de travail à la réalité en regardant notamment les disponibilités des techniciens, des comédiens, des décors », explique Emmanuel Gomes de Araujo, 1er AR pour Pearl d’Elsa Amiel ou encore Patients et La Vie scolaire de Grand Corps Malade et Mehdi Idir. Il est également membre de l’AFAR (Association Française des Assistants Réalisateurs de fiction).
En « dépouillant » le scénario, le 1er assistant réalisateur définit les besoins techniques et spécifiques nécessaires. Il s’occupe également du planning du tournage en fonction du budget et des différentes scènes à réaliser. « Il faut faire les choses intelligemment », souligne-t-il en prenant l’exemple d’un film dont l’action se déroulait sur une année entière. « On a fait des plans d’ensemble en hiver pendant une journée : on avait besoin de voir la nature, les arbres sans feuilles, les décors en hiver… Les intérieurs peuvent être tournés en été, il suffit de rajouter quelques artifices comme de la neige ou de la pluie, de mettre des doudounes aux acteurs, de ne pas trop filmer la végétation... Si on tourne en hiver et en été, on dépasse les 6 mois de tournage et on n’a pas les budgets pour… Le comédien aura également changé de tête pour un autre rôle ou ne sera pas forcément disponible ».
Un important travail de préparation
Pour définir le temps de tournage nécessaire pour une scène, le 1er assistant réalisateur prend en compte « le texte, le minutage de la séquence ou encore la complexité de sa réalisation ». « On en parle avec le réalisateur pour voir comment il envisage les choses, avec combien de caméras il va tourner. Un plan de travail va évoluer, il n’est pas figé. C’est comme un Tétris. Pour un tournage en intérieur avec 2 comédiens et 3 pages de dialogues, même si la scène ne dure que 3 minutes je sais qu’on va la tourner en 4 heures », raconte Emmanuel Gomes de Araujo.
Pour réaliser le « dépouillement » du scénario et le premier jet du plan de travail, il faut « au minimum dix jours ». « Il ne faut rien rater. On doit préciser par exemple quels comédiens sont présents dans chaque séquence. Certains ne sont pas décrits dans le scénario même s’ils sont dans la séquence précédente. C’est à nous d’en déduire qu’ils sont encore là. S’il y a une scène de bagarre, on ne doit pas oublier que le comédien doit arborer des marques dans les scènes suivantes. Des séquences qui peuvent être tournées avant celle de la confrontation », détaille-t-il.
Organisation et anticipation
Le 1er assistant réalisateur est également chargé de coordonner les équipes techniques et artistiques et les différents départements œuvrant sur le film. « Il y a trois phases pour une préparation : le dépouillement, le premier plan de travail en amont et ensuite les repérages pour trouver les décors. On fait le lien entre tout : on diffuse l’info, on fait des réunions entre les différents postes… S’il y a par exemple une cascade à faire, on réunit le réalisateur, la production et le régleur cascades pour en discuter et envisager les choses en respectant les règles de sécurité », souligne Emmanuel Gomes de Araujo.
Loin de se cantonner à l’aspect organisationnel, l’assistant réalisateur, plus particulièrement le 2è AR, est également chargé de la direction de la figuration. « Si on tourne une séquence dans un bar, on s’occupe des mouvements en arrière-plan pour mettre de la vie avec la mise en scène de la figuration. Il faut que ce soit le plus naturel possible ». Pour réussir à faire ce métier, il faut savoir anticiper et « avoir une vision » du tournage
L’importance de l’expérience
Si des formations en écoles de cinéma permettent de faire ce métier, Emmanuel Gomes de Araujo a appris sur le tas. « Fou de cinéma depuis tout petit », il a commencé sa carrière en travaillant comme assistant théâtre et opéra avant de se tourner vers le cinéma. « Je ne connaissais rien d’un plateau. J’ai fait une journée de figuration et j’ai rencontré un régisseur adjoint qui m’a engagé pour son projet suivant. J’ai fait deux ans de régie sur des séries et fictions télévisées », se souvient-il. Tout change lorsqu’il fait une journée de renfort en tant que régisseur sur Pas sur la bouche d’Alain Resnais. C’est la révélation. « Je me suis dit que je voulais travailler avec ces gens-là. Au bout de 2 jours de tournage, Alain Resnais connaissait les prénoms de toute l’équipe. Il venait vous parler d’égal à égal. J’ai un souvenir de conversations avec lui autour du cinéma de Jacques Tourneur, de superhéros ou de la série 24h et des Sopranos. C’était un bonheur de partage. »
Au culot, il se rend dans le bureau du directeur de production pour demander à travailler sur le film. Alors que sont évoquées de nouvelles journées de renfort, il insiste pour rejoindre définitivement l’équipe technique, quitte à « apporter les cafés et faire le ménage ». « Je leur ai dit que je ne quitterais pas le bureau tant que je n’étais pas embauché. Ils m’ont répondu en riant qu’ils allaient y réfléchir et qu’ils me rappelleraient. Je n’ai pas quitté le bureau pour autant », s’amuse Emmanuel Gomes de Araujo. Sa technique paie. Il est contacté pour devenir assistant accessoiriste et rencontre ainsi Laurent Herbiet qui officie comme 1er assistant réalisateur. Ce dernier « l’embarque ensuite avec lui sur son projet suivant et lui confie le poste de 3è assistant réalisateur ».
« Les rencontres ont fait de moi un 1er assistant réalisateur », confie celui qui a collaboré avec Valérie Lemercier (Palais royal), Ron Howard (The Da Vinci Code), Olivier Marchal (MR73), François Ozon (Jeune et jolie) ou encore plus récemment Elsa Amiel pour Pearl. Un tournage qui l’a d’ailleurs marqué : « On tournait avec des culturistes dans un hôtel de luxe. Les clients et les filles en maillot à paillettes se croisaient et c’était devenu naturel ». Emmanuel Gomes de Araujo se rappelle également avec émotion de son dernier tournage, La Vie scolaire de Grand Corps Malade et Mehdi Idir. « On s’est retrouvé à tourner dans une cité à 1 heure du matin avec beaucoup de monde autour de nous, jeunes et moins jeunes. On était les trois sur un banc et Mehdi, qui était originaire de la cité, me dit : ‘Ici, les flics ne viennent pas ou alors avec plusieurs cars de CRS’. Nous n’avons eu aucun souci pendant ce tournage : tout le monde se parlait, il y avait du respect, c’était festif… C’était juste magique ».