Comment définiriez-vous le festival de Saint-Jean-de-Luz ?
C’est un festival convivial, chaleureux, sans barrière entre les gens qui font le cinéma et ceux qui le regardent, et qui propose des films d’auteur ouverts au plus grand nombre. Un cinéma d’avenir puisqu’il s’agit de premiers et deuxièmes longs métrages et donc de cinéastes sur lesquels on parie.
Quelles sont les grandes tendances des films que vous avez pu visionner pour établir votre sélection 2019 ?
Qu’elles soient derrière la caméra ou non, les femmes s’y trouvent vraiment de plus en plus au centre des préoccupations cinématographiques. D’année en année, de plus en plus de films dénoncent les brimades dont elles sont victimes et la remise en cause de leurs libertés autour du monde.
Vous occupez ce poste de directeur du festival de Saint-Jean-de-Luz depuis plusieurs années. Qu’est-ce qui a le plus changé au fil du temps ?
La compétition entre festivals s’est incontestablement durcie. Exister et survivre est devenu de plus en plus compliqué. Le but de chaque directeur de festival est de faire découvrir le maximum de films inédits pour attirer la presse et ainsi faire parler de sa manifestation. Les festivals se tirent donc de plus en plus la bourre pour obtenir et imposer des exclusivités. Dans le cas de Saint-Jean-de-Luz, la concurrence est forte avec le FIFIB à Bordeaux et La Roche-sur-Yon, dont les dates sont très proches des nôtres. Mais je suis certain que si nos festivals avaient une meilleure économie, on aurait moins à montrer les dents.
Quand commencez-vous à établir votre sélection ?
Débuter avant Cannes n’aurait aucun sens car tous les distributeurs souhaitent alors que leurs films s’y trouvent et ne les montrent alors à aucun autre festival. Il faut donc attendre que Cannes ait fait le ménage. Avant que, pour les films français, un deuxième ménage se fasse en août avec le festival d’Angoulême en parallèle de celui fait par Venise. De mon côté, je commence à voir les distributeurs pendant Cannes. Là, ils commencent à me proposer les films qui ont été refusés et ceux qu’ils sont sur le point d’acquérir. Puis, au fil des semaines qui suivent, les choses vont se préciser notamment en fonction des dates de sorties choisies pour les films et des œuvres retenues dans les festivals qui nous précèdent.
Quelle a été la date la plus marquante du festival de Saint-Jean-de-Luz sous votre direction ?
Incontestablement – car tous les distributeurs me le disent – la première française de Jusqu’à la garde de Xavier Legrand. Je l’avais découvert juste avant qu’il soit sélectionné à Venise et je me souviens m’être alors demandé comment il avait pu échapper à une section cannoise, quelle qu’elle soit.
Quelles sont les grandes tendances de votre sélection 2019 ?
Ce qui domine sont incontestablement les sujets de société et les interrogations vis-à-vis de celle-ci. Ainsi, Made in Bangladesh raconte l’histoire de femmes qui essaient de créer un syndicat dans l’usine de confection où elles travaillent, sous la menace d’être virées si elles vont au bout de leur projet. Demain nous serons libres est l’histoire d’une femme qui tente de trouver sa place dans l’Iran en train de devenir une République islamique en 1979. L’Etat sauvage montre des femmes qui essaient d’échapper au patriarcat dans les Etats-Unis du 19ème siècle. Freedom raconte le combat d’un enfant cambodgien vendu comme esclave sur un bateau de pêche. Tu mourras à 20 ans met en scène un gamin à qui l’imam de son village assure qu’il ne survivra pas à cet âge selon la volonté d’Allah et qui va malgré tout chercher à trouver une place dans la société. Et dans La Nuit venue, on suit le quotidien d’un immigré clandestin chinois dans les rues de Paris. Mais pour autant, je n’ai rien contre la comédie et je les accepte avec joie dès lors qu’elles s’inscrivent dans l’ADN cinéma d’auteur de Saint-Jean-de-Luz comme, cette année, le très « allenien » Un divan à Tunis avec Golshifteh Farahani dans le rôle d’une psy.
Le Festival international du film de Saint-Jean-de-Luz est soutenu par le CNC.