Vidocq au temps du muet
Figure historique qui inspira Victor Hugo (Valjean dans Les Misérables) ou Balzac (Vautrin dans les romans de La Comédie humaine), Eugène-François Vidocq s’impose comme un personnage de cinéma dès 1909, 52 ans après sa mort, quelques années avant Fantômas, l’autre héros du ciné-feuilleton muet. Il prend alors les traits du massif Harry Baur, qui est à l’aube de la trentaine et n’est pas encore le monstre sacré qu’il deviendra dans les années 30 - grâce à sa puissante incarnation d’un certain... Jean Valjean. La Jeunesse de Vidocq ou comment on devient policier de Gérard Bourgeois, adaptation des mémoires de l’ancien Chef de la Sûreté, est le premier des trois courts métrages qui lui est consacré avec Baur comme tête d’affiche. En 1923, René Navarre prêtera sa silhouette de beau ténébreux au premier long métrage Vidocq de Jean Kemm - en fait, une compilation de dix épisodes.
Vidocq au temps du parlant
Si le cinéroman ne survit pas à l’arrivée du cinéma parlant, Vidocq oui. C’est au méconnu Jacques Daroy qu’échoit la responsabilité de porter à l’écran la première adaptation parlante de la vie du bagnard devenu chef de la Sûreté. Tourné en 1938 et sorti sur les écrans français en mars 1939, ce Vidocq revisité s’attarde essentiellement sur la période voyou du héros. Grand acteur de théâtre finalement peu calibré pour le rôle, André Brulé joue de manière très lyrique le personnage qui essaie ici de piéger son rival, Salembier. Plus original (mais aussi plus fantaisiste historiquement), Scandale à Paris de Douglas Sirk est le seul film américain consacré à Vidocq. Il fait de ce dernier un personnage flamboyant, séducteur et désinvolte, plus proche pour nous d’Arsène Lupin, auquel l’inégalable George Sanders confère une préciosité très éloignée de son modèle...
Vidocq à la télévision
Après une apparition dans une dramatique TV réalisée par Pierre Sabbagh en 1960, Vidocq est popularisé en deux temps sur le petit écran : par une première série de treize épisodes en noir et blanc avec Bernard Noël, diffusée en 1967 ; puis par une deuxième, en couleur, avec Claude Brasseur, diffusée entre 1971 et 1973. Dans les deux cas, Marcel Bluwal est derrière la caméra et réinvente de toutes pièces le personnage dont il fait une sorte de Scaramouche virevoltant et gouailleur, entouré d’une bande d’acolytes charismatiques. Le succès est au rendez-vous et ne se démentira plus au gré des multiples rediffusions télé.
Vidocq ressuscité
Il faudra attendre 28 ans avant de voir Vidocq de nouveau investir les écrans français. Malgré un beau succès, avec ses deux millions d’entrées, le Vidocq de Pitof est pour certains critiques une hérésie (on lui reproche nombre de trahisons historiques) et le mythe semble alors s’effacer de l’imaginaire français. À travers L’Empereur de Paris, Jean-François Richet - passionné par la période du Premier Empire- veut restaurer à la fois l’image de Vidocq et le grand film d’aventures à la française. Pari tenu. Avec un Vincent Cassel intense et physique, et sa reconstitution d’un Paris insalubre et populaire, L’Empereur de Paris, qui sort le 19 décembre, réhabilite le justicier à la française.