« Rien ne vaut l’expérience ». Pour Odile Fourquin, maquilleuse et chef maquilleuse pour le grand et le petit écran depuis trente ans, son métier s’apprend avant tout sur les tournages. « Il faut être le plus possible sur des plateaux, être immensément curieux et essayer d’être en contact avec des chefs maquilleuses qui ont de l’expérience : c’est là qu’on apprend le plus », conseille-t-elle à ceux qui voudraient faire ce métier. Si elle a fait une école de maquillage, elle a commencé sa carrière de maquilleuse avant même l’obtention de son diplôme. « Je me suis inscrite à l’IDHEC (L'Institut des hautes études cinématographiques, intégré à la Fémis depuis 1988 ndlr) et j’ai proposé mes services pour les courts métrages. J’en ai fait un, puis deux, puis dix… J’ai appris sur le tas », se souvient-elle en expliquant qu’à « l’époque, l’enseignement du maquillage était très traditionnel. On n’apprenait pas du tout ce qu’étaient un plateau et les exigences d’un film ».
Odile Fourquin s’occupe aussi bien de la mise en beauté des comédiens que des maquillages de « fatigue, de bouton » et des « effets spéciaux tels que les blessures et les cicatrices ». Pour choisir le maquillage approprié, elle se base avant tout sur « ce qui est décrit dans le scénario et ce qui est demandé par le réalisateur ». Pour les blessures, elle prend ainsi en compte l’arme, le contexte ou encore « s’il s’agit d’une blessure fraîche ou ancienne ». « Le réalisateur vous aiguille mais après, c’est à vous de proposer des choses en sachant que les techniques ont beaucoup évolué maintenant. Pour de nombreuses blessures et cicatrices, nous travaillons avec des petits morceaux en plastique qu’il faut camoufler mais ils permettent d’avoir une tenue et des raccords parfaits », précise-t-elle ainsi en soulignant que les maquilleurs travaillent avec « leur propre matériel ». « Sur chaque film, le chef maquilleur a un budget qui permet de renouveler ses produits et d’acheter ce dont on a besoin spécifiquement pour le film. Lorsqu’on est un extra, on travaille avec son propre matériel et celui mis à disposition par le chef maquilleur ».
Un important travail de recherche
Pour trouver le maquillage adéquat, il est essentiel également de prendre en compte la lumière et la manière dont les visages des comédiens la reflètent. « On essaie d’être attentif. On voit bien que certains maquillages sont mieux ou moins bien dans certaines lumières. Il est très important d’être en contact et de collaborer avec le chef opérateur », explique Odile Fourquin qui, de son côté, a fait des stages à l’école Louis Lumière autour de la lumière. Les maquilleurs doivent également savoir « s’adapter aux conditions de tournage ». « On est amenés à s’installer parfois dans l’arrière-cour d’un café ou dans un supermarché selon le lieu de tournage », confie en souriant Odile Fourquin.
Paradoxalement, il faut également « savoir ne pas maquiller », notamment lorsqu’il s’agit d’œuvres historiques.
« Pour Un Peuple et son roi (de Pierre Schoeller ndlr), nous avons parlé avec des spécialistes. Nous étions deux chefs maquilleuses : une pour les rôles et l’autre pour la figuration, les doublures et les petits rôles, c’est le rôle que j’occupais. Nous avions beaucoup de documentation via les responsables costumes et nous avons également eu deux conférences organisées avec des historiens », raconte Odile Fourquin. « Pour la série Nicolas Le Floch, j’avais contacté, via son éditeur, une historienne qui a rédigé un livre sur le maquillage et la parfumerie au 18è siècle. Pour Benedetta de Paul Verhoeven (un film qui se déroule à la fin du 15è siècle ndlr), j’ai fait le même travail de recherche pour savoir notamment si les nonnes se lavaient beaucoup à l’époque. Je m’occupais du rôle-titre, celui de Virginie Efira. Une deuxième maquilleuse s’occupait des autres personnages. Cette dernière a du faire de nombreuses recherches sur la peste car il y a eu une grosses épidémie à l’époque », poursuit-elle.
Le bouleversement du numérique
De nombreux changements ont bouleversé le métier de maquilleur ces dernières années. Si les « tournages vont de plus en plus vite », ces professionnels ont également dû faire face à l’arrivée du numérique. « Il faut maquiller plus légèrement. Certaines choses ressortent plus avec le numérique comme les contrastes entre les mains et les bras et des défauts quasiment invisibles à l’œil nu : le numérique est comme un effet microscope. Evidemment ce qui a changé pour nous c’est que certaines choses peuvent être corrigées en post-production. Ce n’est pas pour ça qu’il faut moins bien travailler au contraire. Il ne faut pas compter dessus sinon c’est la mort de notre métier », souligne celle qui a commencé sa carrière sur des tournages de Raoul Ruiz. « Il pouvait me demander n’importe quoi au dernier moment, je faisais en sorte que ce soit faisable. Je savais qu’il n’allait pas me piéger, il y avait de la grande poésie derrière ce qu’il me demandait », se rappelle-t-elle d’ailleurs. Plongée dans ses souvenirs, elle se souvient encore avec tendresse de sa rencontre avec Jean Rochefort, un acteur « drôle et élégant », ainsi qu’avec Marcello Mastroianni : « Ce n’était pas de longues discussions, mais j’avais le sentiment immédiat d’être proche et de comprendre l’homme derrière l’acteur et l’acteur derrière l’homme ».Pour trouver de nouveaux tournages, les maquilleurs peuvent compter sur l’aide d’amis, « de comédiens » qu’ils maquillent régulièrement ou de confrères. « Sur Le Bureau des légendes (une série de Canal + ndlr), c’est la première chef maquilleuse qui m’a demandée d’être la deuxième chef maquilleuse. Même chose pour Un peuple et son roi : la chef maquilleuse qui s’occupait des rôles cherchait une personne avec beaucoup d’expérience pour prendre en charge les nombreux figurants. Elle m’a appelée », explique Odile Fourquin. Côté rémunération, une grille de salaire existe. « Pour la télévision, les téléfilms et séries, c’est 1 200 euros en brut la semaine pour 39 heures de travail. Pour le cinéma, avec la nouvelle convention nous travaillons 46h au prix de 43h, soit 1 400 euros brut la semaine. Mais il y a également de nombreux films « annexe 3 » où il est possible de moins payer. Les maquilleurs sont également moins rémunérés s’ils font des clips », conclut Odile Fourquin.