Comment parvenir à intéresser les plus jeunes au cinéma alors que les images sont partout autour d’eux ?
Nous sommes convaincus qu’il est important que les enfants voient des films en salles. Dans de bonnes conditions, sur un grand écran, dans un temps limité. Les films que nous programmons dans le cadre de Mon Premier Festival sont choisis avec soin. Je suis persuadée que les enfants font la différence entre un programme de courts métrages qu’ils viennent voir en salles avec leurs parents et le tout-venant qu’ils peuvent regarder malheureusement n’importe où et n’importe quand, sur les téléphones, les tablettes, etc.
L’idée phare de ce type de festival, c’est l’éducation à l’image ?
Oui, dans le sens premier. C’est en montrant de belles choses que le goût s’affine. On compte sur l’intelligence des enfants pour faire la différence entre un dessin animé basique et une œuvre de qualité. Et la salle de cinéma procure une expérience différente. D’autant plus que toutes les séances sont présentées par un médiateur. Les enfants peuvent échanger avec celui-ci sur le film. Et ils viennent forcément accompagnés par un adulte, avec qui ils pourront discuter de ce qu’ils viennent de voir. Ce n’est pas du tout la même chose que d’être seul devant un écran pendant que les parents font autre chose.
Comment pensez-vous la programmation ?
Elle est conçue de manière très large, avec l’idée de faire découvrir des nouveautés mais aussi de permettre de voir ou revoir des classiques, pour tous les âges, de 18 mois à 12 ans. Films d’animations, films en prises de vue réelles, documentaires… C’est très large, ça va de Disney à des œuvres beaucoup plus pointues, et c’est voulu. On souhaite donner envie aux gens de découvrir des films auxquels ils n’auraient pas nécessairement pensé.
La première édition de Mon Premier Festival a eu lieu en 2005. Pensez-vous que le rapport des enfants aux images a changé en près de quinze éditions ?
Oui. Maintenant, quand on va présenter des films à des tout petits, on n’est pas surpris d’entendre qu’ils ont déjà vu des Star Wars, des choses comme ça, pas du tout appropriées à leur âge… Les enfants voient beaucoup de films, de plus en plus jeunes. Dès trois ans, désormais, ils ont vu des longs métrages. Selon nous, ce n’est pas adapté. Pour cet âge-là, nous privilégions des collections de courts métrages. Plus largement, le fait de découvrir des films dans le cadre ritualisé d’une salle de cinéma leur fait envisager les images différemment.
Et qu’il reste donc à part dans le torrent des images contemporaines ?
Oui, parce qu’il y a un début, une fin et un ensemble de rituels, comme le fait d’éteindre la lumière avant la projection. Aujourd’hui, la grande nouveauté, c’est le flux. Les images en continu. Sur les services de streaming, dès qu’une vidéo est finie, une autre commence. C’est addictif et ça fonctionne très bien auprès des enfants. Mais il faut que les adultes canalisent ce flux.
A Mon Premier Festival, un jury d’enfants apprend à discuter des films…
Oui, c’est un petit groupe d’une dizaine d’enfants, entre huit et dix ans. Ils voient dix films en compétition, délibèrent et décernent ensuite un prix du jury et un prix de la musique. Avant le début du festival, ils sont formés au cinéma, on leur explique comment les films sont faits, comment critiquer un film au-delà du basique « j’aime / j’aime pas ». Chaque année, on constate qu’au début les enfants ont tendance à dire qu’ils préfèrent le film le plus facile. Puis, au fil des discussions, ils se rendent compte finalement que celui qui les a le plus touchés n’est pas forcément celui-là.
Mon Premier Festival, du 23 au 29 octobre 2019 dans 12 cinémas parisiens