Pourquoi avoir choisi de prendre cette relation frère/sœur comme sujet de votre premier long métrage ?
D’abord, j’ai constaté que c’était une relation finalement peu traitée au cinéma. Elle a été filmée de manière très belle, très puissante, par John Cassavetes dans son dernier film, Love Streams. Mais la plupart du temps, la relation frère/sœur est vue sous l’angle de l’inceste. Or, cette dimension incestueuse me paraît dissonante parce que j’ai le sentiment que l’intérêt de ce rapport, c’est justement qu’un frère et une sœur ne sont pas dans une relation charnelle. Et il y avait une raison plus pragmatique : c’est un rapport que je connais et quand on écrit un premier long métrage, c’est toujours mieux d’écrire sur ce que l’on connaît intimement. J’avais l’impression de maîtriser le sujet.
Comment définiriez-vous la relation de vos deux héros ?
C’est une relation de fusion avec ce qu’elle implique de jalousie, de possession, voire même de possessivité. D’ailleurs, si le film s’appelle La Femme de mon frère, ce n’est pas anodin : la femme en question c’est d’abord la sœur (Sophia) avant qu’Héloïse ne s’impose… Le titre joue sur un double sens avec lequel j’ai décidé de m’amuser. Au début de l’écriture, je me suis dit qu’une relation de couple, sur le long terme, pouvait finalement ressembler à une relation frère/sœur. Un couple finit par se ressembler, par avoir les mêmes expressions, les mêmes valeurs, par se taquiner au quotidien… C’est ce qu’on voit avec les personnages des parents qui sont séparés, mais qui continuent de s’aimer.
Anne-Élisabeth Bossé, votre actrice principale, explique que le personnage central du film vous ressemble beaucoup…
(rires) Je ne sais pas si elle me ressemble tant que ça, mais je l’ai conçue comme un alter ego. On retrouve certaines parties exacerbées de moi-même, c’est sûr. Mais ce n’est pas totalement moi non plus. On m’a parlé d’un autoportrait. Je parlerais plutôt d’autofiction. Il y a des fragments de réel dans ce film, un parfum de ma réalité, mais ce n’est pas le plus intéressant : je n’avais pas envie de faire une autobiographie. Oui, j’ai un frère, mais je n’ai pas fait de doctorat, je n’ai pas vécu chez lui, je n’étais pas perdue comme Sophia… Disons que ce film est un hommage à ma famille et à l’amour qu’elle m’a apporté.
Quelles ont étés vos influences ?
Pour l’écriture, Woody Allen. Mais aussi le cinéma direct québécois des années 60. C’est un cinéma de réalisateurs qui faisaient à la fois de la fiction et du documentaire : Michel Brault, Claude Jutra… Ils s’amusaient toujours à insérer des parties documentaires dans leurs films et les personnages de fiction finissaient par rencontrer des personnages du réel. C’était un cinéma de poètes, très libres, amis de la Nouvelle Vague. Dans mon film, la scène avec les immigrants est un hommage à ce cinéma. Et puis, il y a aussi une influence plus subtile, celle de Paolo Sorrentino que j’aime beaucoup. Son formalisme et ses thèmes m’inspirent énormément.