Dans l’une de ses dernières interviews télévisées, réalisée en 2018 sur l’antenne de France 24, Dominique Antoine expliquait le secret de sa longévité professionnelle. « Si j’existe encore, je le dois à Orson Welles. Tout est à cause de lui ! ». La productrice qui vient de s’éteindre à l’âge de 85 ans, assurait alors la promotion de De l’autre côté du vent, film inédit, tempétueux et forcément maudit, de l’auteur de Citizen Kane (1941). Une des nombreuses « arlésiennes » de l’œuvre wellsienne se retrouvait ainsi, en 2018, sur Netflix créant un évènement cinéphile incomparable. On y voyait John Huston en double fictionnel du maître lui-même, se battre comme un damné pour montrer sa dernière œuvre à une faune cinéphile branchée et hollywoodienne. Film dans le film, autoportrait déguisé, montage écartelé, De l’autre côté du vent, est une œuvre en fusion. Dominique Antoine en avait assuré la production entre 1971 et 1978, sans parvenir à décider le démiurge à mettre le mot fin dessus.
« Welles ne parlait pas de films à propos de son œuvre mais de rêves. Il avait toujours cinq, six rêves dans sa tête et lorsqu’il tournait un plan, d’autres lui envahissaient l’esprit. » Maintenir à flots cette constante effervescence pour en sortir quelque chose obligeait ainsi l’intéressée à réévaluer l’objet même de sa fonction dans le processus créatif. « Je ne produisais pas Orson, je l’accompagnais. » Le premier « rêve » de Welles sur lequel Dominique Antoine a travaillé avait tout d’une profession de foi, Vérités et mensonges (1973) était en effet, un documentaire-essai tout en faux-semblants, un magma de chausse-trappes avec des points de suspension partout.
Dominique Antoine a débuté sa carrière dans le cinéma à la toute fin des années soixante grâce à Peter Brook. Le metteur en scène anglais était alors le personnage de The Benefit of the Doubt (Au bénéfice du doute, 1967), documentaire autour des répétitions de sa pièce sur les traumatismes liés au début de la Guerre du Vietnam. Dominique Antoine a permis à ce film expérimental signé Peter Whitehead, de boucler sa production. Elle se lance, alors, à corps perdu dans le cinéma permettant l’éclosion d’un cinéma indépendant audacieux dont Souvenirs secrets (1986) de John Reid, film en costumes avec Jane Birkin réalisé entre la Nouvelle-Zélande et la France.
À partir de 1990, Dominique Antoine entamera « sa deuxième vie » en se tournant vers le petit écran pour devenir un pilier de la fiction française. Elle retrouve d’emblée Jane Birkin pour Oh ! Pardon tu dormais… (1992) que la comédienne et chanteuse, réalise. Un succès qui lui vaut d’intégrer la direction de plusieurs sociétés dont une filiale de la télévision publique.
Plus récemment elle avait produit Borderline (2015), un unitaire d’Olivier Marshal sur la disgrâce du patron de la Brigade de la répression du banditisme. Dominique Antoine a également développé en parallèle la fiction dite patrimoniale. Ainsi, Le vernis craque de Daniel Janneau, en 2011, permet au téléspectateur de s’immerger dans une toile d’Auguste Renoir et de Toulouse-Lautrec.
Pour cette infatigable « accompagnatrice », produire c’était avant tout se mettre « au service des autres. »