Olivier Arson, itinéraire d’un compositeur français primé aux Goya

Olivier Arson, itinéraire d’un compositeur français primé aux Goya

10 avril 2019
Cinéma
Rodrigo Sorogoyen sur le tournage d'El Reino
Rodrigo Sorogoyen sur le tournage d'El Reino Julio Vergne

Le compositeur français installé en Espagne collabore depuis plusieurs films avec le cinéaste Rodrigo Sorogoyen. Sa partition pour El Reino, lui a valu un Goya. Entretien.


Quel est votre parcours ?

J’ai 39 ans, je viens de la région parisienne. En 2006, je me suis installé en Islande. Des raisons personnelles m’ont ensuite dirigé vers l’Espagne où je vis toujours. La musique m’a toujours accompagné et avant de travailler pour le cinéma, j’ai développé un projet musical baptisé Territoire qui a débouché sur la sortie de deux albums et le développement d’installations sonores dans des lieux d’exposition. Je collabore occasionnellement avec une compagnie de danse contemporaine. C’est grâce à Rodrigo [Sorogoyen] que j’ai signé ma première musique pour le cinéma. Il s’agissait de la bande originale de Que Dios nos Perdone.

Comment avez-vous rencontré Rodrigo Sorogoyen ?

A mon arrivée à Madrid,  je ne parlais pas encore espagnol. C’était difficile de rencontrer des gens. Rodrigo avait utilisé des morceaux de mon premier disque pour la bande originale de son premier long métrage, Stockholm. Il m’a ensuite contacté pour me proposer de travailler sur la B.O de Que Dios nos Perdone. Nous sommes devenus tout de suite amis.

Comment travaillez-vous ensemble ?

On parle beaucoup en amont, dès la lecture du scénario. Le fait de collaborer avant même le début du tournage permet d’explorer pas mal de choses, de partir dans diverses directions. Pour le reste, notre méthode de travail est plutôt classique. Je lui propose des choses, il me donne ses retours et on avance comme ça. A tâtons. J’aime me plonger à fond dans un projet, essayer d’appréhender toutes ses facettes.

Comment Rodrigo Sorogoyen a-t-il indiqué ce qu’il recherchait comme musique pour El Reino ?

Je me souviens très bien qu'il me répétait : “Je veux des machines!” C’était très clair dès le départ que nous ne voulions pas d'une musique classique de thriller mais quelque chose de très rythmé, qui casse un peu les codes. L’idée n’était surtout pas de valoriser les personnages avec une musique grandiloquente mais au contraire de les baigner dans une atmosphère poisseuse, presque vulgaire.

Plus le film avance et plus votre musique semble se superposer à la conscience du personnage campé par Antonio de la Torre. Est-ce comme cela que vous avez envisagé les choses ?

La musique suit effectivement Manuel [le nom du personnage interprété par Antonio de la Torre] tout au long du récit. Au début, elle accompagne sa plénitude et son orgueil mais au fur à mesure que les choses se compliquent pour lui, la musique s’obscurcit. Peu à peu, elle devient moins riche, elle s’évapore jusqu’à disparaître presque complètement dans le dernier quart du film.

Quel autre rôle joue la musique dans El Reino ?

En dehors du fait de suivre les personnages, on voulait mettre beaucoup de rythme pour obliger le spectateur à rester attentif, qu’il n’ait pas le temps de trop réfléchir. Il fallait qu’il puisse également s’identifier à Manuel de façon presque organique. L’absence de musique à la fin du film doit apparaître étrange, comme une chape de plomb.

Comment définiriez-vous cette musique ?

Répétitive, linéaire, presque primitive. Je crois que c’était vraiment un pari de mettre une musique comme ça dans un thriller.  Il ne s’agissait pas juste d’illustrer une action mais d’écrire un vrai discours narratif.

Avez-vous des modèles avoués en matière de musique de film ?

Pas tellement de modèles. Souvent les BO que j’aime proviennent de compositeurs qui travaillent à la base en dehors du cinéma, comme c'était le cas de l’islandais Johann Johannsson ou de l’anglaise Mica Levi. Dans les classiques, je citerais quand même Bernard Herrmann dont l’approche moderne m’a toujours fasciné.

Avec quel matériel composez-vous ?

Pour El Reino, tout a été fait entièrement avec des synthétiseurs aussi bien analogiques que digitaux. Généralement je travaille avec des musiciens. Je retraite ensuite les instruments avec mes machines comme sur Que Dios nos perdone où il y avait du violoncelle, une guitare et un orgue d'église. Pour Madre, le prochain film de Rodrigo, il y aura beaucoup de violons.  

 Vous avez obtenu un Goya pour votre travail sur El Reino, comment avez-vous vécu cette consécration ?

Je ne m’y attendais pas, ce fut une grande surprise, et un moment très fort. Je me souviens du silence juste avant d’avoir à faire mon discours... J’étais terrassé.  

El Reino, en salles le 17 avril, a bénéficié de l’aide au programme éditorial vidéo annuel du CNC.