Impossible, aujourd’hui, de séparer la voix de Mathieu Kassovitz de la série documentaire d'Isabelle Clarke et Daniel Costelle Apocalypse dans laquelle la voix tourmentée du réalisateur de La Haine raconte le xxe siècle de fer et de feu…
Mais l’exercice de la voix off documentaire n’est, au fond, qu’une des facettes du travail d’une actrice ou d’un acteur. « Prêter ma voix à un film, être un canal d’expression vocale, c’est une partie de mon métier », expliquait Cécile de France à la sortie de Blue, dernier documentaire Disneynature sorti en mars 2018. Les films Disneynature, lancés avec le triomphe de La Marche de l’empereur (2005) de Luc Jacquet, où Romane Bohringer, Charles Berling et Jules Sitruk prêtaient leur voix à la famille manchot, ont également employé des acteurs comme Ary Abittan (Chimpanzés, 2012) et Féodor Atkine (Grizzly, 2014) pour faire les voix off.
« Faire passer un maximum d’émotions »
Cécile de France, qui avait déjà doublé Sally dans la trilogie Cars et enregistré des livres audio, « adore l’exercice » de la voix off, qui est pour elle l’occasion de raconter une histoire : « Blue est conçu comme une fiction, le film est fait pour donner au spectateur la sensation de faire partie de ce monde. Avec ma voix, j’ai essayé de faire passer un maximum d’émotions. C’est la narration qui m’intéresse. »
La comédienne a aussi accepté de faire la voix off de Blue, car le message du film, alertant sur la nécessité de protéger les océans, correspondait à ses convictions écologiques. Convictions partagées par Mélanie Laurent, qui prêtait sa voix au commentaire audio de Pollen (2011), film Disneynature consacré aux abeilles, et qui a coréalisé avec Cyril Dion le documentaire Demain (2015), qui mettait en avant les projets écologiques et humanitaires de l’avenir.
Trouver la bonne voix
Diane Desfarges, chargée de production, a travaillé sur de nombreux documentaires dont Sacrifice. Ce film d'Isabelle Clarke, Daniel Costelle et Frédéric Lumière, diffusé en juin 2014, fut une importante commande de TF1 pour célébrer les 70 ans du Débarquement en Normandie. « Nous cherchions deux voix : une voix masculine de narration, et une voix féminine pour incarner un “personnage” du documentaire, Kay Summersby, secrétaire personnelle d’Eisenhower. » Pour incarner cette dernière, la production a décidé d’engager Kristin Scott-Thomas et son léger accent si reconnaissable. La comédienne a immédiatement accepté, séduite par le projet qui faisait écho à son histoire familiale (son père était pilote de la Royal Navy).
Pour la « voix de narration », ce fut Lambert Wilson qui a été choisi : « nous voulions un grand nom, qui inspire du prestige et qui possède une image positive. Quelqu’un dont la voix peut porter la narration à elle toute seule. C’est crucial pour un documentaire : on va entendre la même voix pendant 1 heure 30, cette voix doit être au long cours, elle doit vous prendre par la main, en quelque sorte », explique Diane Desfarges. La voix de Lambert Wilson, immédiatement reconnaissable, est adaptée au sujet du documentaire – le Débarquement en Normandie, donc – qui doit toucher le plus grand nombre de Français.
Selon Diane Desfarges, si les stars acceptent d’enregistrer les voix off de documentaires, c’est parce qu’il s’agit toujours de films dont le sujet les intéresse : le documentaire brassant beaucoup moins d’argent que la fiction, la passion est déterminante. L’enregistrement est également moins chronophage qu’une fiction, puisque tout se passe en une journée, ou sur deux demi-journées.
Et pour la production, le choix d’une « voix de star » pour un documentaire répond en fin de compte à des exigences similaires au casting d’une fiction : trouver la bonne voix pour le bon sujet.