Regards sur le cinéma allemand

Regards sur le cinéma allemand

19 février 2020
Cinéma
Requiem de Hans-Christian Schmid
Requiem de Hans-Christian Schmid Filmproduktion GmbH - BR - SWR - WDR - Arte - DR - T.C.D
À quelques heures de l’ouverture du Festival de Berlin (20 février-1er mars), zoom sur les noms qui font le cinéma allemand contemporain.

FATIH AKIN

Révélé au grand public avec Head On, Ours d’Or à Berlin en 2004, une histoire d’amour contrariée entre deux Allemands d’origine turque, Fatih Akin a ensuite été régulièrement invité au Festival de Cannes d’où il est reparti avec un Prix du Scénario en 2007 pour De l’autre côté. Fidèle à son histoire personnelle déchirée entre deux mondes, son cinéma, plein de bruit et de fureur, raconte les affres de l’immigration (turque, mais aussi italienne ou arménienne) et entend obliger aussi bien les Turcs que les Allemands à se confronter aux dysfonctionnements de l'intégration à travers des portraits sans concessions.

 

HANS-CHRISTIAN SCHMID

Documentariste de formation, Hans-Christian Schmid passe à la fiction à la fin des années 90 en signant des portraits de jeunes à la dérive (23, Crazy) qu’il nourrit de son approche ultra-réaliste. Il accède à la reconnaissance internationale en 2006 avec Requiem, impressionnant film de possession qui permet à Sandra Hüller de se faire un nom - dix ans pile avant de confirmer son talent dans Toni Erdmann. Schmid réalisera encore un film étonnant, La Révélation (2010), sur le traitement des crimes de guerre par la Cour pénale internationale. Spécialisé dans les films à sujets sensibles, il a ainsi coécrit Am Ende Kommen Touristen (Et puis les touristes, 2007), sur un appelé faisant son service civil dans le camp d’Auschwitz transformé en musée, et réalisé Lichter (Au loin, les lumières, 2003), sur des Polonais essayant de passer la frontière pour s’installer en Allemagne.

 

CHRISTIAN PETZOLD

A 59 ans, le cinéaste, ancien chef de file de la « nouvelle vague du cinéma allemand » au mitan des années quatre-vingt-dix, ne cesse d’explorer les vertiges de la passion amoureuse. Ses personnages se retrouvent tous confrontés à une crise identitaire profonde. Ce sont le plus souvent des héroïnes qui prennent en charge le récit. Il y a Yella (2007), Barbara (2012) ou encore Nelly (Phoenix, 2017). Toutes ces femmes ont été incarnées à l’écran par Nina Hoss. Voici aujourd’hui Ondine, transposition moderne du conte autour de la sirène amoureuse. Le film est en compétition à la 70ième Berlinale. Deux ans après Transit, il retrouve ici le même duo d’interprètes : Paula Beer et Franz Rogowski.

 

OLIVER HIRSCHBIEGEL

Il est le réalisateur de La Chute (2005), film monumental sur les derniers jours d’Adolf Hitler, enfermé dans un bunker avec ses proches. Avec ses quatre millions d’entrées réalisées en Allemagne en 2004, La Chute a suscité nombre de débats houleux sur la représentation d’Hitler et confirmé le goût d’Oliver Hirschbiegel pour les sujets clivants -il l’avait prouvé avec L’expérience, son premier film. Courtisé à l’étranger, il a tourné Invasion (2007) et Diana (2013) en langue anglaise.

 

FLORIAN HENCKEL VON DONNERSMARCK

Héritier d’une dynastie d’aristocrates, le comte (“graf” en allemand) Florian Henckel von Donnermarsck s’est fait connaître avec son premier film, La vie des autres (2006), remarquable tableau de l’ex-Allemagne de l’Est. Un chef d’œuvre instantané qui lui vaudra l’Oscar, le Golden Globe et le César du meilleur film étranger en 2007. Après un intermède hollywoodien décevant (The Tourist, 2010), il revient dans la lumière en 2019 avec L’œuvre sans auteur, fresque ambitieuse librement inspirée de la vie du peintre Gerhard Richter. Elle témoigne de son amour de la grande histoire tumultueuse de l’Allemagne qu’il marie à un sens shakespearien de la tragédie.

 

JAN OLE GERSTER

Son coup d’essai fut un coup de maître. En 2013, Jan Ole Gerster fut sacré révélation de l’année aux Prix du cinéma européen avec son premier long, Oh boy, où il racontait 24 heures mouvementées d’un jeune Berlinois dans un geste cinématographique rappelant tout aussi bien la Nouvelle Vague que l’After Hours de Scorsese. Mais son entrée en cinéma remonte à 2000 quand il s’installe à Berlin où il devient tour à tour stagiaire pour la société de production X-Filme (Le Ruban blanc…), assistant de Wolfgang Becker sur Good bye Lenin ! puis étudiant à l’Académie allemande du cinéma et de télévision où il tourne ses premiers courts et clips. Et il vient de confirmer les espoirs placés en lui avec Lara Jenkins, nouveau récit concentré sur 24 h sur la relation complexe entre une mère et son fils musicien qui réussit tout ce à quoi elle a renoncé des années plus tôt.

LARS KRAUME

Né en 1973 en Italie, ce diplômé de l’Académie allemande du cinéma et de télévision de Berlin a d’abord travaillé comme assistant photographe avant de passer à la réalisation de courts métrages et de plusieurs épisodes de séries télé (Tatort…). Et si son premier long métrage, la comédie Viktor Vogel, directeur artistique, remonte à 2001, sa notoriété va dépasser le cadre des frontières allemandes en 2015 avec Fritz Bauer, un héros allemand, le portrait de ce procureur allemand de confession juive qui a poursuivi les criminels nazis et favorisé la capture D’Adolf Eichmann. Kraume aime explorer l’histoire allemande, puisque son film suivant, La Révolution silencieuse, a rendu hommage à ce groupe de lycéens de RDA qui avait entrepris une minute de silence en classe, en hommage aux révolutionnaires hongrois de la révolte de 1956, en dépit des risques encourus.

 

SEBASTIAN SCHIPPER

Acteur chez Anthony Minghella (Le Patient anglais) ou Tom Tykwer (Cours, Lola, cours), Sebastian Schipper est passé à la réalisation dès 1999. Mais ce n’est qu’en 2015 qu’il acquiert une reconnaissance internationale avec Victoria, thriller tourné en un seul plan-séquence qui lui vaut l’Ours d’argent de la meilleure contribution artistique à Berlin la même année. S’ensuivra un film de facture plus classique, Roads, qui aborde la question des migrants.

 

MAREN ADE

Maren Ade s’est fait un nom en dehors de son pays natal avec Toni Erdmann, présenté à Cannes en 2016. Ce portrait d’une jeune femme dépressive (Sandra Hüller), tiraillé entre un job stressant et un père envahissant, mêlant le drame existentiel et l’humour loufoque, a propulsé Maren Ade sur le devant de la scène européenne. Mais avant d’être l’invitée surprise de la compétition cannoise, Maren Ade avait déjà réalisé deux longs métrages : The Forest for the Trees (2003), son film de fin d’études, et Everyone Else, sorti en 2010 peu vu en France, même si bien accueilli. Dans cette observation méticuleuse du délitement d’un couple en vacances en Sardaigne brillait déjà le raffinement de son écriture et de sa direction d’acteurs. La jeune femme est également productrice (elle est derrière les films d’auteur puissants du portugais Miguel Gomez), et à 39 ans aborde la prochaine décennie en conquérante.

 

NORA FINGSCHEIDT

Née en 1983, cette cinéaste qui a passé son enfance entre l’Allemagne où elle est née et l’Argentine, a étudié la réalisation de fiction à la L'Académie du cinéma du Bade-Wurtemberg mais a pourtant choisi comme film de fin d’études de s’essayer au documentaire avec Without this world - où elle a suivi une colonie mennonite conservatrice en Argentine - avant de revenir à la fiction pour son premier long métrage, Benni. Le portrait saisissant d’une petite fille de 9 ans, débordée par sa propre violence et dont sa mère, incapable de la prendre en charge, a confié la garde à des services sociaux. Une œuvre saluée lors de la Berlinale 2019 par le Prix Alfred-Bauer.

BURHAN QURBANI

Né en Allemagne en 1980, un an après l’exil de ses parents afghans, Burhan Qurbani a étudié le cinéma à l’Académie de cinéma du Bade-Wurtemberg. Son long métrage de fin d’études, Shahada, portrait de trois jeunes Berlinois d’origine musulmane, fut sélectionné en compétition à Berlin en 2010. Dix ans plus tard, il revient à la Berlinale avec son troisième film, Berlin Alexanderplatz, nouvelle adaptation - après, celle, fameuse, de Fassbinder en série- du classique d’Alfred Döblin. Qurbani y confirme son intérêt pour la problématique de l’intégration à travers le parcours chaotique d’un réfugié africain dans un Berlin interlope.