Souleymane Cissé en quatre films emblématiques

Souleymane Cissé en quatre films emblématiques

Yeelen (La Lumière)
Yeelen (La Lumière) MUBI

Le cinéaste malien, 83 ans, recevra le Carrosse d’or ce 17 mai pendant la cérémonie d’ouverture de la Quinzaine des cinéastes, succédant entre autres à Jane Campion, Martin Scorsese ou Kelly Reichardt. Retour sur une œuvre pionnière du cinéma africain.


Den Musso (La Jeune Fille), 1975

C’est le film que la Quinzaine des cinéastes a choisi de projeter avant de remettre le Carrosse d’or à Souleymane Cissé. Le premier long métrage du réalisateur, tourné en 16 mm, après plusieurs courts métrages et le moyen métrage Cinq jours d’une vie, en 1971. L’histoire d’une femme muette qui tombe enceinte après avoir été violée, drame qui la conduira à être rejetée par sa famille. En choisissant une muette comme héroïne de son premier film, c’est la confiscation de la parole que le cinéaste met en scène, celle des femmes, en premier lieu, et plus largement des opprimés, que cet humaniste revendiqué n’aura de cesse de filmer. Mais Den Musso – qui est aussi le premier long métrage de fiction malien tourné en langue bambara – sera mal perçu par les autorités du pays : interdit d’exploitation pendant trois ans, il vaut à Souleymane Cissé plusieurs jours de prison, dont il sortira grâce à la mobilisation de l’écrivain Ousmane Sembène. Ce premier essai bénéficie également de l’expérience du réalisateur : né en 1940 à Bamako, Souleymane Cissé avait eu la vocation du cinéma après avoir été marqué par un documentaire sur l’arrestation de Patrice Lumumba [ancien Premier ministre de la République démocratique du Congo dans les années 1960, ndlr]. Parti apprendre les métiers du cinéma à l’Institut VGIK de Moscou, il était ensuite devenu documentariste et cameraman-reporter pour le ministère de l’Information du Mali, emploi qui lui permit de parcourir son pays en tous sens.

Finyé (Le Vent), 1982

Après Baara (Le Porteur), en 1978, qui racontait la révolte d’ouvriers maliens et témoignait du regard très politique que portait Souleymane Cissé sur les mutations de son pays, le réalisateur signe Finyé (Le Vent), sur les amours contrariées de deux jeunes Maliens sur fond de soulèvement étudiant. Témoignant d’un certain désespoir d’une société malienne écartelée entre tradition et modernité, le réalisateur dénonce aussi l’impunité d’une police arbitraire, réfléchit à la condition féminine, dans une forme à la fois poétique et politique. Ce film marque sa première sélection au Festival de Cannes, dans la section Un certain regard. L’année suivante, il sera membre du jury remettant la Palme d’or.

Yeelen (La Lumière), 1987

Au Mali, à une époque indéterminée, comme immémoriale, un jeune homme aux pouvoirs magiques entame un parcours initiatique pour échapper à son père, un grand sorcier qui veut le tuer. Il parcourt le pays à la recherche de son oncle, qui pourrait l’aider… Cette fable, mise en scène avec une formidable économie de moyens qui n’empêche nullement l’ampleur mythologique, est une réflexion poétique sur la question du conflit des générations et sur la puissance des mythes. Présenté en compétition au Festival de Cannes 1987 (l’année de la Palme d’or de Sous le soleil de Satan), Yeelen reçoit le prix du jury présidé par Yves Montand et permet à Souleymane Cissé de devenir le premier cinéaste d’Afrique noire à obtenir une récompense pour un film présenté en sélection officielle. Yeelen sera également le plus grand succès de Souleymane Cissé en France, avec plus de 340?000 entrées en salles.

Waati (Le Temps), 1995

En 1987, recevant son prix cannois pour Yeelen, Souleymane Cissé l’avait dédié à ceux qui n’avaient pas droit à la parole. Dans Le Monde, la journaliste Danièle Heymann s’interrogeait : « Qui étaient ces muets-là ? Les gens de son pays, le Mali ? Les autres cinéastes africains ? Tous les Noirs de la planète ? » Au moment de présenter Waati, en 1995, le cinéaste apporte la réponse : il pensait ce jour-là aux techniciens sud-africains qui avaient travaillé sur Yeelen. Et c’est sur fond d’Apartheid sud-africain que se déroule justement son long métrage suivant, Waati, film ample, long (2 h 20), que le réalisateur aura mis sept ans à mener à bien. Waati suit le parcours, de l’enfance à l’âge adulte, d’une enfant noire qui va quitter l’Afrique du Sud pour parcourir le continent africain, de la Côte d’Ivoire au Mali et jusqu’à la Namibie, « où la terre semble avoir commencé ».