Partager le cinéma avec les plus démunis. Tel est l’objectif des « Tickets suspendus » qui existent dans plusieurs cinémas hexagonaux, notamment au Méliès de Saint-Etienne. « Il y a une caisse de communauté à l’entrée du cinéma dans laquelle les spectateurs peuvent laisser soit un peu de monnaie, soit la fin de leur carte d’abonnement. Le but est de pouvoir partager le cinéma avec des personnes qui ne seraient pas à même de payer pour acheter leur propre ticket », explique Paul-Marie Claret, le directeur du cinéma depuis 2011, qui est à l’origine de ce dispositif. L’argent récolté est ensuite transformé en places de cinéma au tarif RSA et ASS (Allocation de solidarité spécifique), soit 4 euros. Ces places, et celles données via les cartes d’abonnement, deviennent des « tickets suspendus » dont le nombre est ensuite affiché à l’entrée du cinéma. Toute personne souhaitant bénéficier d’une entrée peut en faire la demande à la caisse et découvrir ainsi, gratuitement, l’un des films à l’affiche.
Ce dispositif de « Ciné suspendu » s’inspire d’une tradition napolitaine, le « Caffé sospeso » (Café suspendu en français) qui consiste à payer deux cafés lorsqu’on en commande un ; la deuxième boisson étant destinée à une personne dans le besoin. Si la plupart des dispositifs de ce type concernent l’alimentation (café ou baguette par exemple), il était important pour Paul-Marie Claret de partager la culture par ce biais. « La culture est un premier besoin au même titre que manger ou boire. Si vous n’avez pas de culture, votre vie est un peu terne. Nous ne sommes pas dans un cinéma vendant du pop-corn et des sodas, nous présentons des films en version originale avec toute la diversité du cinéma, nous sommes classés Art et Essai à 90% : notre but est d’inviter des personnes qui se croiraient exclues de la culture à venir à sa rencontre », précise-t-il ainsi.
Une volonté de découverte
Si les tickets suspendus sont disponibles directement à la caisse du cinéma, certains sont « régulièrement mis à disposition d’associations locales telles que le Secours Catholique ou encore des organismes d’aide aux migrants et à l’alphabétisation ». Pensée comme un moyen de « partage et de découverte », cette initiative permet au Méliès d’offrir chaque année, depuis son lancement, entre 1 500 et 2 000 places suspendues pour 190 000 entrées payantes environ. « Ce n’est pas rien », souligne le directeur du cinéma en précisant que même les bénéficiaires de ces « tickets suspendus » participent à la collecte de dons : « Ça ne les empêche pas de mettre un euro dans la caisse ».
Le public n’est pas le seul à prendre part, financièrement, à ce concept solidaire. Le Méliès de Saint-Etienne programme ainsi régulièrement des événements au bénéfice de cette opération. « Il nous arrive d’organiser des projections de films qui n’ont pas de visa, des courts métrages, des rencontres débats et nous mettons un tarif libre au bénéfice des ‘tickets suspendus’. Ça nous permet, nous en tant que cinéma, de participer : nous récupérons par ce biais-là environ 4 000 euros par an », conclut Paul-Marie Claret.