Les yeux sans visage de Georges Franju (1960)
Georges Franju a déjà 46 ans quand il signe son premier long, La Tête contre les murs. Un coup d’essai façon coup de maître qui lui vaut… un coup de fil du producteur Jules Borkon (Papa, maman, la bonne et moi). Celui-ci lui propose d’adapter Les Yeux sans visage, le roman de Jean Redon. L’histoire d’un chirurgien prêt à tout pour remodeler le visage de sa fille, méconnaissable après un accident de voiture. Y compris à effectuer des greffes de peau prélevée sur des jeunes filles. Le défi n’est pas simple à relever. Alors Franju s’entoure des meilleurs : le duo Boileau- Narcejac dont les romans Celle qui n’était plus et D’entre les morts venaient d’être portés à l’écran par Clouzot (Les Diaboliques) et Hitchcock (Sueurs froides). Ce sera la seule fois de leur carrière qu’ils adapteront une œuvre qui n’est pas la leur. Et pour quel résultat ! A sa sortie, Les Yeux sans visage est encensé par la critique, emballée par sa manière de jouer avec les nerfs des spectateurs tant par un jeu diabolique avec les hors-champs qu’en les confrontant frontalement à la violence des scènes d’opération. L’œuvre de Franju traversera les décennies et influencera nombre de cinéastes, de John Carpenter (pour le masque de Mike Myers dans Halloween, inspiré par celui créé ici par Henri Assola et Georges Klein, après celui d’Anthony Queen/ Quasimodo dans Notre Dame de Paris) à Pedro Almodovar (La piel que habito) en passant par Leos Carax qui, dans Holy motors, fera porter à Edith Scob le même masque que celui qui lui couvrait le visage chez Franju.
Themroc de Claude Faraldo (1973)
Ce fut l’un des chocs du festival du film fantastique d’Avoriaz 73. Au point que son jury présidé par René Clément (Jeux Interdits) lui a décerné son Prix spécial, parfaitement adapté à cette fable délirante, rageuse, dingue et profondément anticapitaliste. Michel Piccoli (sacré, lui, meilleur acteur) y campe le personnage central : un ouvrier qui pète les plombs dans tous les sens du terme. Un personnage sans limite à l’image d’un film qui ose tout - inceste, anthropophagie, viol collectif... – au point d’avoir été interdit aux moins de 18 ans et suscité un scandale au moins aussi grand que La Grande Bouffe, deux mois plus tard. Le ton vachard d’Hara Kiri plane sur ce film Themroc au casting prestigieux puisque réunissant la quasi-totalité des membres du Café de la Gare de l’époque, Coluche, Miou-Miou et Patrick Dewaere en tête. Ici, le fantastique se mêle au tragique et à la comédie avec ce parti pris de dialogues qui se limitent à des grognements ou des cris. Le film post-68 par excellence qui hurle à chaque plan sa haine de la société de consommation et de toute autorité.
Le Dernier Combat de Luc Besson (1983)
En ce début de décennie 80, Luc Besson a tout juste 20 ans. Après avoir enchaîné quelques films comme assistant, il ambitionne de passer derrière la caméra. Il se lance dans le scénario de Subway mais ne trouve pas le financement. Alors il décide de développer l’intrigue de L’avant-dernier, un court métrage qu’il vient tout juste de réaliser. Cela donne naissance au Dernier combat, tourné en noir et blanc et sans dialogue. Ou comment survivre dans un monde post-apocalyptique quand une partie de la population qui ne jure que par la violence et l’autre qui cherche à construire les bases d’une nouvelle société. Ce film marque le début de longues collaborations pour le cinéaste avec Jean Reno et le compositeur Eric Serra. On y aperçoit même le temps d’une scène les jambes d’une certaine… Mylène Farmer dont Besson mettra en scène en 92 le clip Que mon cœur lâche avant de lui confier la voix de la Princesse Sélénia dans Arthur et les Minimoys. Mais surtout ce Dernier combat lance la carrière du cinéaste. Sa mise en scène ample, aussi précise qu’ambitieuse évoque le Mad Max de George Miller… Président du Jury du festival du film fantastique d’Avoriaz qui lui accorde son Prix spécial (doublé… du prix de la Critique !) en 83. Gaumont s’engage dans la foulée à financer son Subway. Dernier combat, première victoire.
A l’intérieur d’Alexandre Bustillo et Julien Maury (2007)
C’est le genre de films qui nécessite d’avoir le cœur bien accroché. L’histoire d’une femme enceinte qui vient de perdre son mari dans un accident de voiture et dont une mystérieuse inconnue va tenter d’arracher dans son ventre le bébé… qu’elle croit être le sien. Un face à face saisissant entre Alysson Paradis et Béatrice Dalle devant la caméra de deux dingues de cinéma de genre - et débutants dans le long métrage -, Alexandre Bustillo et Julien Maury. Deux actrices que ces derniers ont préparé à leurs rôles par des visionnages intensifs de quelques classiques du genre sur grand écran, de Nekromantik à Massacre à la tronçonneuse. Film d’horreur organique qui cogne comme un sourd là où ça fait mal, il est consacré par le magazine Mad Movies comme le thriller d'épouvante le plus radical jamais produit en France. Mais A l’intérieur séduit bien au-delà du seul cercle des amateurs de cinéma de genre puisque sa première mondiale a eu lieu dans le cadre de la prestigieuse Semaine de la Critique du festival de Cannes !
Grave de Julia Ducournau (2017)
Au festival de Toronto, il a fait l’événement en provoquant l’évanouissement de plusieurs spectateurs dans la salle où il était projeté. Aux Etats-Unis, des cinémas ont décidé de distribuer des sacs à vomi aux spectateurs avant chaque séance. C’est dire que Grave, le premier long métrage de Julia Ducournau n’est pas passé inaperçu ! Celle qui a découvert son premier film d’horreur (Massacre à la tronçonneuse) à seulement 6 ans a imaginé ici le personnage d’une ado végétarienne qui découvre sa vraie nature le jour où on la force à manger de la viande lors d’un bizutage. En mêlant audacieusement horreur, comédie et drame, Julia Ducournau signe un film majeur sur l’identité où le cannibalisme est traité comme une rébellion contre l’ordre établi. Encensé par David Cronenberg ou M. Night Shyamalan, Grave remporte le Prix Delluc du premier film et recueillera six nominations aux César, où le cinéma de genre a peu droit de cité.