Taxi Driver, de Martin Scorsese (1976)
Sans aucun doute l’une des références indépassables du genre. Derrière le volant de son taxi jaune, Robert De Niro incarne Travis Bickle, un ancien Marine qui conduit de nuit ses clients dans les rues de New York. Un rôle que l’acteur a travaillé en profondeur, passant douze heures par jour dans un véritable taxi afin de se préparer. Martin Scorsese a filmé une œuvre suffocante, au cours d’une intense vague de chaleur estivale et au beau milieu d’une grève des éboueurs. Une œuvre immersive aussi, ponctuée de scènes plongeant le spectateur à l’intérieur du véhicule. Pour réussir cette réalisation atmosphérique, le cinéaste n’a pas hésité à mettre ses preneurs de son dans le coffre de la voiture, tandis que lui et son directeur de la photographie, Michael Chapman, étaient installés sur le plancher de la banquette arrière, utilisant la lumière naturelle. Un style grandement influencé par la Nouvelle Vague et Jean-Luc Godard, admettra Chapman un peu plus tard.
Duel, de Steven Spielberg (1971)
À l’origine, le premier film du réalisateur américain était prévu pour la télévision. Un long métrage haletant avec Dennis Weaver dans la peau d’un commercial sur la route, qui se fait soudainement harceler et prendre en chasse par un mystérieux camion, sans raison apparente. Un thriller routier minimaliste, qui se transforme en une étude fascinante de la masculinité, une analogie entre le frêle dominé, presque victime impuissante face à la brute massive, bestiale, indestructible, incarnée par ce « 33 tonnes » sans visage. Le conducteur n’était d’ailleurs pas un acteur, mais un cascadeur spécialisé, Carey Loftin, passé par Bullitt (Peter Yates) quelques années plus tôt. Pour mettre en scène son duel motorisé , Spielberg a pris comme décor les routes désertiques de Californie. En particulier Soledad Canyon Road et la Sierra Highway, où l’on trouve encore aujourd’hui le bâtiment du Chuck’s Café, qui abrite désormais un restaurant français appelé Le Chêne.
Holy Motors, de Leos Carax (2012)
Après treize années d’absence, le cinéaste français faisait un retour vrombissant, à Cannes, en compagnie de l’énigmatique M. Oscar (joué par Denis Lavant) traversant Paris en limousine pour transporter différents personnages d’un bout à l’autre de la capitale. Une épopée urbaine où chaque course se transforme en un bouillonnement émotionnel, avant de passer au client suivant. Une allégorie insaisissable sur la constante évolution du monde, que le réalisateur a imaginée après avoir croisé d’immenses limousines blanches aux États-Unis, qu’il a ensuite retrouvées, à sa grande surprise, en bas de chez lui, à Paris, y voyant de longs vaisseaux guidant les gens vers leur dernier voyage... Après avoir voulu tourner dans une vraie limousine, la production a finalement créé un faux habitacle sur mesure. Un making of, Drive in Holy Motors, réalisé par Tessa Louise-Salomé revient en détail sur ce tournage particulier et la vision cinématographique de Carax.
Locke, de Steven Knight (2013)
Le créateur britannique de la série historique Peaky Blinders signe un deuxième film étonnant, avec un seul acteur : Tom Hardy. Un huis clos dans une voiture, le trajet d’une vie, pendant une heure et demie, de Birmingham à Londres, au cours duquel un contremaître au carrefour de son existence jongle au téléphone, avec son patron, son collègue, son épouse, ses fils et sa maîtresse en train d’accoucher. Un drame psychologique déroutant, qui se déroule quasi intégralement dans une BMW X5, le long de l’autoroute M6. Le cinéaste a filmé en grande partie sur une remorque à plateau bas tractée par un camion, et sur laquelle était posé le SUV de Locke. Le tournage s’est déroulé pendant huit nuits. Et si le conducteur est le seul personnage à apparaître à l’écran, on entend les voix de Ruth Wilson, Olivia Colman ou encore Tom Holland, via le haut-parleur du véhicule. Des segments enregistrés en live par Steven Knight, à l’intérieur de la voiture, en gardant le bruit de la route environnante.
Taxi Téhéran, de Jafar Panahi (2015)
Le gouvernement iranien a interdit au réalisateur de faire du cinéma. Qu’à cela ne tienne. Jafar Panahi a signé un docu-fiction passionnant, se déroulant à l’intérieur ’un taxi qu’il conduit lui-même autour de Téhéran, pour faire parler ses compatriotes. La plupart des séquences ont été scénarisées et mises en scène, avec des acteurs non professionnels, Taxi Téhéran n’est donc pas tout à fait le documentaire qu’il semble être à première vue. Mais il expose de manière subtile les aspects troublants de la société iranienne, et propose une vision unique de l’intériorité, dans laquelle l’automobile offre un cocon propice à la confession, à l’écart du tumulte extérieur. Accusé par l’Iran de diffuser une mauvaise image du pays, le film a tout de même été couronné par l’Ours d’or à Berlin.
Night on Earth, de Jim Jarmusch (1991)
Un road trip nocturne qui prend la forme de vignettes aux quatre coins du monde. Sur la musique de Tom Waits, le réalisateur américain a filmé cinq séquences autour de cinq taxis , en différents lieux de la Terre (Los Angeles, New York, Paris, Rome et Helsinki), censées se dérouler durant la même nuit. Au travers d’échanges portés par Winona Ryder, Isaac de Bankolé, Roberto Benigni, Matti Pellonpää, Gena Rowlands ou encore Béatrice Dalle, Jarmusch signe une invitation à la rencontre de l’autre, tournée presque entièrement dans le huis clos des véhicules. «?C’est comme de travailler en miniature?», s’amusait à l’époque le cinéaste, qui s’est astreint à faire des limites du genre une force. Dans chaque cabine, un monde fleuri. Refusant de filmer dans un studio en intérieur, mais avec un budget de 3,5 millions de dollars seulement, le metteur en scène a dû faire preuve d’ingéniosité avec son directeur de la photographie, Frederick Elmes. L’équipe a ainsi utilisé deux voitures identiques dans chaque ville. Une voiture qu’ils ont laissée intacte, et une autre à laquelle ils ont enlevé le capot et le moteur pour permettre aux cadreurs de se glisser dans le compartiment moteur désossé. Le cinéaste et plusieurs techniciens étaient ensuite attelés à la coque sans moteur, pour filmer au plus près les acteurs et le paysage urbain en arrière-plan.
Le Goût de la cerise, d’Abbas Kiarostami (1997)
Palme d’or au Festival de Cannes, cette quête morbide d’un quarantenaire au volant d’un 4x4, cherchant quelqu’un qui accepterait de l’enterrer après son suicide, est en réalité un prétexte pour filmer une galerie de personnages divers, représentant l’Iran. Chaque passager du 4x4 en question offre des séquences de dialogues intenses, aux contours philosophiques. Le protagoniste, M. Badii (Homayoun Ershadi), est rarement représenté sur le même plan que la personne à laquelle il parle. Essentiellement parce que, pendant le tournage, le cinéaste était assis à la place du passager pour filmer. Censuré dans son pays, ce drame minimaliste évoque frontalement le tabou du suicide, formellement interdit en Iran.
Thelma et Louise, de Ridley Scott (1991)
Le film de cavale par excellence et l’un des road-movies cultes du 7 e art. Accusée de véhiculer une mauvaise image de la femme à sa sortie, en 1991, cette fuite vers la liberté de deux amies (Geena Davis et Susan Sarandon) usées par leur vie en Arkansas est devenue avec le temps un emblème du féminisme, tout en offrant à Brad Pitt son premier rôle significatif. Filmant entre la Californie et l’Utah, sur la route du Grand Canyon, le cinéaste britannique signe une ode aux grands espaces américains, où la Ford Thunderbird 1966 décapotable de Louise fait office de troisième protagoniste. Cinq ou six véhicules identiques ont été nécessaires pour le tournage : une voiture principale, une de réserve, une voiture «?travelling?», et plusieurs voitures de cascades. Scott a peu filmé à l’intérieur du véhicule en mouvement, c’est cependant le cas quand Thelma (Geena Davies) discute avec J.D. (Brad Pitt) sur la banquette arrière. Au volant, Susan Sarandon devait conduire au milieu de la véritable circulation, tandis que se jouait la séquence à côté d’elle.