Le plus mélancolique : Une aussi longue absence d’Henri Colpi (1961)
L’histoire est tirée d’un fait divers et pourtant tellement cinématographique. La gérante d’un bistrot de banlieue (Alida Valli, l’héroïne de Senso de Luchino Visconti) voit tous les jours passer devant son établissement un clochard (Georges Wilson) qui l’intrigue par sa ressemblance avec son mari, déporté pendant la guerre. L’homme en question a perdu la mémoire mais plus les jours passent, plus elle se persuade qu’il est bien celui qu’elle croit et va donc chercher à l’apprivoiser pour reconstruire une histoire d’amour mise entre parenthèse par la guerre. Co-écrit par Marguerite Duras, ce ballet mélancolique entre deux âmes timides qui osent à peine se frôler va séduire public (750 000 entrées) et professionnels (Palme d’Or à Cannes et Prix Louis-Delluc). Considéré à sa sortie comme un classique (à l’image de la chanson écrite par Henri Colpi sur une musique de George Delerue, Trois petites notes de musique, interprétée par Cora Vaucaire et reprise dans la foulée en 45 Tours par Yves Montand) mais peu ou pas diffusé à la télévision, Une aussi longue absence a cependant eu du mal à traverser les décennies avant sa ressortie en salles, en copies restaurées en 2016. On a pu dès lors constater que la magie était restée intacte.
Le plus culte : Un homme et une femme de Claude Lelouch (1966)
La musique chabadabadesque du regretté Francis Lai, un duo mythique (Jean-Louis Trintignant et Anouk Aimée) et puis les planches de Deauville où une script-girl inconsolable depuis la mort de son mari cascadeur rencontre un coureur automobile dont la femme s'est suicidée par désespoir. Ils s'aiment, se repoussent, se retrouvent et s'aiment encore. Ce film qui fut un triomphe est pourtant né d’un échec. Celui cuisant des Grands moments qui a poussé Lelouch à fuir Paris pour Deauville. Et là, sur la plage de Deauville, la simple vision d’une femme en train de marcher sous la pluie avec une petite fille… lui a inspiré cette histoire d’amour à laquelle personne ou presque ne croit, si bien qu’il décide de la tourner en noir et blanc pour des raisons d’économie. Un homme et une femme décrochera la Palme d’Or, 3 Golden Globes et 2 Oscars (film étranger et scénario). Un homme et une femme lance la carrière internationale de son réalisateur et connaîtra deux suites. L’une, en 1986, 20 ans déjà et l’autre, Les plus belles années qu’on découvrira courant 2019. Les plus belles histoires d’amour ne meurent jamais.
Le plus libertin : Raphaël ou le Débauché, de Michel Deville (1971)
Le vice et la vertu se frôlent, s’affrontent, se complètent dans un dialogue incessant tout au long cette douzième (et ultime) collaboration scénaristique entre Michel Deville et Nina Companeez, après, notamment, Benjamin ou les mémoires d’un puceau et L’ours et la poupée. L’histoire d’une passion impossible au 19ème siècle qu’on pourrait croire sortie de l’imagination d’un Baudelaire ou d’un Musset entre une femme pieuse, romantique et réservée et un dandy désespéré, cynique et jouisseur. Françoise Fabian et Maurice Ronet campent ces deux personnages dans cette fresque chaste à l’érotisme suggéré qui marquait un tournant dans l’œuvre de Michel Deville. Son film le plus cher depuis ses premiers pas derrière la caméra à la fin des années. Et la première incursion dans un registre profondément dramatique de ce spécialiste des comédies.
Le plus explosif : Le Sauvage de Jean-Paul Rappeneau (1975)
Rares sont les cinéastes français à s’être aventurés sur le terrain de la screwball comedy où le héros et l’héroïne de l’intrigue se chamaillent tout au long du récit pour mieux s’embrasser passionnément à la toute fin. Mais Jean-Paul Rappeneau n’a pas eu peur de s’y déployer. Co- écrit avec sa soeur Elisabeth et son ami Jean-Loup Dabadie, Le sauvage met en scène le face- à-face entre Nelly, irrésistible mademoiselle sans-gène et Martin, créateur de parfum las de Paris. Elle fuit son fiancé, il aspire à la solitude. Mais ils vont bel et bien devoir cohabiter sur la même île. C’est lors d’un voyage au Brésil en pleine écriture du Magnifique de De Broca que Rappeneau a découvert une petite île au large de Sao Paolo qui lui a inspiré ce face à face entre deux tempéraments que tout oppose. Il y retrouve son héroïne de La vie de château, Catherine Deneuve et tourne pour la première fois avec Yves Montand. Ce mix frenchy de New-York-Miami, L’impossible Monsieur Bébé et The African Queen inspirera… de nombreux films américains, A la poursuite du diamant vert de Robert Zemeckis en tête.
Le plus passionnel : La Vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche (2013)
Une triple Palme d’Or – pour le film et ses deux comédiennes Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos – est venue saluer la présentation au festival de Cannes de cette très libre adaptation du roman graphique Le Bleu est une couleur chaude de Julie Maroh. On y voit le cœur d’une adolescente de 15 ans s’embraser pour une fille aux cheveux bleus qui l’embarque dans un voyage épique, sensuel et violent à la découverte du sentiment amoureux, du plaisir et de son affirmation en tant qu’adulte. Trois ans après l’échec de Vénus noire, Kechiche retrouve le double plébiscite critique et public vécu sur La graine et le mulet pour ce film et ce personnage qui tient selon lui autant de l’Antoine Doinel de Truffaut que d’une héroïne de Marivaux.