La folie numérique occupe les bords du canal de la Villette depuis janvier 2018 : cet espace est situé dans l’une des vingt-six « Folies » - ces bâtiments rouges de deux étages qui jalonnent le Parc de la Villette et sont utilisés à des fins diverses. « Nous avons répondu à un appel à projets de la Cité des sciences, qui voulait ouvrir ou « dé-privatiser » certaines Folies. Avant, il y avait un centre de formations de kinés à cet endroit. Notre projet était un vrai pari : nous voulions installer une coopérative, auto-financée et sans salariés », explique Erik Lorré, fondateur de Fées d’hiver, l’association à l’origine du projet de la Folie numérique. Mais que contiennent les trois étages du bâtiment ?
Rez-de-chaussée : l’exposition
Ouvert librement au public sept jours sur sept - l’une des conditions de l’occupation du lieu - le rez-de-chaussée est une grande pièce vitrée qui ressemble à la fois à un atelier et à une pièce d’exposition d’art contemporain. C’est le principe de cet espace, comme le confirment d’une seule voix Martin de Brie et Audrey Briot, les deux artistes occupant les lieux pendant trois semaines avec leur projet de tapisserie connectée. « Nous devons exposer une œuvre, et travailler sur une œuvre. Nous avons choisi d’exposer « Un gramme chevaleresque », une tapisserie interactive réalisée à partir des publications sur les réseaux sociaux d’un militaire français pris au hasard. Dans les fibres de la tapisserie se trouvent des fils conducteurs qui déclenchent des sons diffusés par des mini haut-parleurs… » Pour créer sa prochaine tapisserie, le duo a construit sur place son propre métier à tisser. « Au rez-de-chaussée, les artistes qui doivent créer et exposer sont plutôt des débutants », explique Erik. « Nous leur proposons un accompagnement, une intégration dans le réseau d’artistes Fées d’hiver. » Audrey souligne l’importance de l’ouverture permanente au public : « C’est un endroit passant, les gens entrent, ils sont curieux, on discute ; il y a des jeunes, des gens qui ne sont pas là pour voir de l’art contemporain. »
1er étage : le « co-working »
Juste au-dessus se trouve un espace de travail partagé, conçu pour permettre la rencontre et les échanges entre tous les artistes résidents. L’espace peut également être occupé sur de longues périodes (entre six mois et deux ans) afin de travailler sur des projets à long terme. Par exemple, l’éditeur de musiques interactives Sonic Solveig occupe actuellement un bureau et prépare un projet sur l’initiation à la musique classique. « C’est véritablement un lieu commun, collaboratif, où l’on dialogue beaucoup », insiste Erik.
2ème étage : la résidence et le laboratoire
Le sommet de la Folie est divisé en deux espaces : le LABo contenant ordinateurs et équipement numérique, et un espace « résidences » spécifiquement dédié aux artistes en résidence. « Ici, ce sont des artistes professionnels, accueillis sur candidature », précise Erik. « Le critère, c’est que nous voulons qu’ils interrogent les nouvelles technologies dans un cadre artistique. Il faut avoir un discours pertinent sur les médias, les données de notre monde contemporain… »
Le vidéaste et plasticien David Coignard et le musicien Laurent Stoutzer occupent actuellement les lieux pour y développer une œuvre interactive et musicale, au confluent de plusieurs techniques. Sur une table conçue par le duo sera étalée de l’eau, vibrant au son de la musique jouée en direct par Laurent à la guitare et au synthétiseur ; David projettera des images vidéo sur l’ensemble, jouant avec ses projections comme un musicien… L’installation sera inaugurée le 6 juillet à Strasbourg en présence d’un public participant. « Le travail ici est fantastique. La Folie nous a permis d’avoir un espace sur Paris, ce qui est normalement très compliqué », se réjouit David, qui insiste sur l’importance des échanges au sein de la Folie numérique, et de l’intégration de l’artiste au sein d’une communauté.
Comme la Folie numérique possède l’exploitation de l’endroit jusqu’en janvier 2021, quid de l’avenir ? « Nous n’avons pas encore accueilli d’artistes qui travaillent sur la réalité virtuelle, mais nous avons beaucoup de propositions », explique Erik. « L’an dernier, lors de la fête des 35 ans du Parc de la Villette, nous avons baladé un « casque collectif » de réalité augmentée avec un look à la Léonard de Vinci. Nous avons également participé à la dernière fête de la Musique. Nous voulons miser sur l’expérience collective, ne pas isoler les gens. Que le public puisse rencontrer à la fois l’œuvre et l’artiste. Nous ne voulons pas faire que des installations écrans, avec des tablettes qui projettent des vidéos… »