En quoi consiste Diversion cinéma ?
Notre société a deux activités principales. D’une part la distribution : nous faisons l’acquisition et la promotion d’œuvres que nous représentons à l’international, nous créons de la visibilité autour des œuvres en festival et les exploitons en ligne ou dans des lieux physiques. D’autre part, l’événementiel, la partie de notre activité la plus importante en termes de chiffres d’affaires. Nous agissons comme prestataires pour mettre en place des espaces de réalité virtuelle dans des lieux physiques, notamment dans des festivals, pour accueillir des spectateurs.
Quelle est la particularité d’un distributeur d’œuvres VR ?
La VR n’a pas de circuit de distribution en salles. Paul Bouchard - qui s’occupe de la distribution chez nous - vient comme moi du monde du cinéma. Il a travaillé chez le distributeur international Wide où il a ouvert un département VR. Et nous avons longtemps imaginé que les expériences immersives devaient avoir des « salles de cinéma » dédiées dans lesquelles le spectateur choisirait les œuvres selon son goût.
En partenariat avec le Forum des images, nous avons alors créé un espace où les spectateurs assistaient à une séance collective synchronisée de réalité virtuelle. Ça marchait vraiment bien. D’autant plus que nous étions visibles de l’extérieur et que cela attirait les visiteurs du Forum des Halles. Parallèlement, avec Haut et Court, nous avons aussi développé un espace au sein du cinéma Le Louxor, toujours à Paris. Nous avons eu quelques succès, mais aussi pas mal de problématiques que nous n’avions pas forcément anticipées. La principale étant l’information au spectateur. Celui qui entre dans une salle de cinéma n’a pas forcément prévu de rester plus longtemps que sa séance. Le rituel du cinéma est très minuté. C’est là qu’on s’est rendu compte que la VR en bonus à une séance de ciné classique, ça ne fonctionne pas.
Vous vous êtes donc éloignés de cette idée d’une « salle de cinéma VR » ?
Il se trouve que dans des lieux de culture autres que la salle de cinéma, la VR a plus d’attrait. Dans les musées ou galeries, les gens ont plus de temps et sont davantage disposés à la surprise. Quand on va voir une exposition, on ne sait pas nécessairement combien de temps cela va prendre et on vient pour apprendre et être étonné. Dans ce cadre-là, la séance de cinéma VR fonctionne beaucoup mieux.
Il y a aussi les lieux que vous imaginez de A à Z en accord avec le sujet des œuvres que vous distribuez…
Oui, ça c’est le vrai challenge et la différence fondamentale par rapport aux distributeurs classiques. Une des grandes interrogations depuis que nous avons ouvert la branche distribution de Diversion cinéma est de savoir quel format proposer pour une expérience immersive. Est-ce simplement le fichier de ce qui se passe dans le masque ou faut-il faire une scénographie pour accompagner l’œuvre ? Autour d’Ayahuasca, Kosmik Journey de Jan Kounen, nous avons ainsi créé tout un contexte, l’Exposition Chamanique, qui remet en perspective toute la pensée créative de Jan et définit la consommation d’ayahuasca. Nous travaillons aujourd’hui à contextualiser Peach Garden, une œuvre d’Hayoun Kwon inspirée d’un célèbre tableau coréen, Rêve de voyage au pays des pêchers en fleurs (aussi connu sous le nom Voyage rêvé au pays des pêchers en fleurs ou encore Voyage de rêve au pays des pêchers en fleurs - ndlr). Peach Garden propose un voyage sensoriel et une déambulation libre dans un jardin surréaliste où les lois de la nature sont complètement bouleversées. Autre exemple, Eve, lui, relève plus du spectacle vivant puisqu’il s’agit d’une œuvre chorégraphique de Margherita Bergamo où le virtuel et le réel vont se mêler sous la forme d’un spectacle de danse participative. L’enjeu de la distribution VR, c’est de savoir comment accompagner l’œuvre de façon à ce qu’elle rencontre au mieux son public et lui offre une véritable expérience.
Les films que vous distribuez ont-ils un point commun ?
Ce sont des œuvres de création plutôt axées sur le narratif. Nous ne distribuons pas de jeux. La qualité graphique a aussi beaucoup d’importance. Comme nous recherchons des lieux adaptés aux œuvres, on aime bien travailler sur des films qui ont quelque chose d’un petit peu spécial, expérientiel même. Cela permet de nous challenger pour aller trouver le lieu de diffusion idéal. Il s’agit ainsi pour nous de tester différents modèles de distribution.
Pourquoi avoir créé Viktor Romeo, une station VR autonome ?
L’idée est partie du fait qu’on avait pas mal de demandes pour la mise en place de petits cinémas de six places maximum. Mais cela coûtait cher de déplacer le matériel et de mettre à disposition un de nos techniciens pour s’assurer qu’il n’y ait pas de problèmes. C’était contraignant et cher pour nos clients et frustrant pour nous de ne pas pouvoir proposer de solution moins onéreuse. Notre but est que la réalité virtuelle soit vue, qu’elle soit appréciée, qu’elle suscite de la curiosité et des envies de créations. On a réfléchi à une solution plus simple où le spectateur allait pouvoir avoir un maximum d’autonomie et où les personnes présentes dans le lieu allaient pouvoir répondre aux problèmes seules. Cela passe par des briques logicielles, une simplification de l’expérience utilisateur et des formations clés en main pour des gens qui n’ont pas de connaissances préalables en matière d’électronique. C’est ainsi qu’on a créé un mini-cinéma portatif qu’on a baptisé « Viktor Romeo », des noms de radio des lettres V et R. Ces stations, destinées à accueillir deux spectateurs, ont notamment été achetées pour les Micro-folies, un programme porté par le ministère de la Culture, le Parc de la Villette et Arte.
Vous avez aussi créé son petit frère, Papa Charlie…
C’est un clin d’œil ! Papa Charlie est une structure qui propose un écran et le « cable management », sans solution logicielle. Nous l’avons imaginée suite aux demandes de nos clients à la recherche d’une structure capable d’offrir un maximum de liberté aux spectateurs.
Quel impact a eu pour vous la crise sanitaire ?
C’est sur l’aspect événementiel que nous avons eu le plus à souffrir. L’annulation des festivals a aussi diminué la circulation de nos œuvres à l’international. Pour autant, la situation n’étant pas identique sur l’ensemble de la planète, certains événements ont eu lieu ou ont juste été retardés. Par exemple, Ayahuasca, L’Exposition Chamanique est présentée en ce moment à Taïwan. Peach Garden va être présenté à deux festivals en Espagne (Oviedo et Madrid) début septembre. Et nous sommes le prestataire technique du festival NewImages, qui va avoir lieu fin septembre au Forum des images. Le secteur de la VR aime se réinventer et avec les festivals, nos partenaires avec lesquels nous dialoguons beaucoup, nous réfléchissons à une hybridation, c’est-à-dire à des événements qui soient à la fois physiques et en ligne. La version en ligne ne doit pas être pensée comme un sauve-qui-peut, mais bel et bien comme une partie intégrante de la présentation des œuvres.
Avez-vous mis en place un protocole sanitaire ?
Absolument. Nous avons créé des Clean Box, des boîtes qui permettent de nettoyer les casques avec des douches d’U.V. telles qu’on les utilise dans les hôpitaux. Il y aura aussi un parcours utilisateur avec du gel hydroalcoolique à l’entrée de la salle, un protocole pour la récupération des masques, leur replacement sur une table de décontamination. Les médiateurs sont aussi formés à livrer leurs consignes sans toucher les casques. C’est essentiel.