En quoi le concept de Doors s’inspire-t-il des séries télé ?
On fait des séries littéraires écrites sur le format de séries télé, avec des épisodes. Tout est parti d’un constat, qui a été de se dire que la littérature numérique n’a jamais vraiment décollé, parce qu’elle s’est contentée de dupliquer sur une tablette ou un smartphone ce qui existe dans le monde réel, c’est-à-dire des livres imprimés. Alors qu’en fait, le mode de lecture sur ces appareils n’est pas le même qu’avec le format papier. Les fondateurs de Doors (François Delporte, Camille Pichon, Boris Duda et Julien Simon) ont donc voulu modifier le modèle de la lecture numérique, en inventant ce concept de série littéraire numérique avec des épisodes de 5 minutes, qui proposent un style d’écriture différent et une construction d’histoire qui est très proche de ce qui se fait dans la dramaturgie des séries télé.
Dans quel sens ?
On valide, en amont, avant même de commencer l’écriture, une « bible », comme on le fait dans l’audiovisuel. Il faut que les arches narratives des personnages soient parfaitement identifiées, que les conflits soient identifiés. L’architecture est très construite. Et puis on insère des cliffhangers, pour garder le suspense à la fin de chaque épisode.
Une quarantaine d’auteurs dans la fabrique « Doors »
Qui écrit ces histoires ?
Ce sont des histoires entièrement créées par nous. Soit à l’initiative de membres de notre fabrique d’auteurs, qui compte une quarantaine de personnes, soit parce que nous leur passons commande d’histoires, sur des sujets qui nous intéressent. Ces auteurs vivent de leur plume et publient déjà des choses en librairie. Ils trouvent dans Doors un autre moyen de s’exprimer. Ou alors ce sont des gens qui font autre chose dans la vie, mais qui écrivent par passion, et qu’on a retenus pour Doors au terme d’une sélection drastique. Parce qu’il y a énormément de postulants. Comme dans le domaine de l’édition, on reçoit énormément de choses et on en publie très peu.
Chaque épisode doit faire 5 minutes. Comment pense-t-on ce type d’histoire ?
Si on fait la comparaison avec l’audiovisuel, il faudrait une quinzaine ou une vingtaine d’épisodes sur Doors pour parvenir à l’équivalent d’un seul épisode de série télé. C’est une méthode d’écriture extrêmement nerveuse, qui nécessite de trouver des cliffhangers pour maintenir l’attention du lecteur car il sera forcément déconcentré par des notifications, des mails, de textos ou autres. Il faut adapter l’écriture au support, tout en créant de vraies histoires, en installant des personnages et une dramaturgie. On a donc créé une sorte d’école à l’intérieur de Doors, pour former nos auteurs à cette écriture.
« Un laboratoire de propriété intellectuelle absolument incroyable »
Comment êtes-vous arrivé dans l’aventure ? Qu’est-ce qui vous a plu dans ce concept ?
Je suis arrivé il y a un an sur le projet, parce que j’y ai vu un laboratoire de propriété intellectuelle absolument incroyable. On a là des histoires créées très vite et qui ont le potentiel pour donner lieu, dans l’absolu, à des adaptations en audio, en télé, en cinéma... Ensuite, le support lui-même m’a passionné parce que c’est une mine de données, qui permet de réagir en temps réel. Par exemple, on a constaté que sur l’une de nos séries, les gens avaient tendance à décrocher entre l’épisode 3 et 4. On a modifié les épisodes pour s’adapter et désormais, il n’y a plus ce décrochage. Le fait de pouvoir modifier des histoires et de voir en temps réel l’impact sur le lectorat, c’est génial. On a ainsi une communauté digitale avec laquelle on peut interagir.
À l’origine, Doors s’appelait Rocambole. Pourquoi avez-vous changé le nom de la plateforme ?
On a changé de nom il y a un mois environ. La première raison, c’est parce qu’on souhaite s’implanter à l’international dans les prochains mois. Le nom Rocambole est très « franco-français » et revêt d’autres significations dans certains pays. Ce n’était tout simplement plus adapté alors qu’on commence à développer des contenus anglo-saxons. La deuxième raison, c’est que, pour nous, Doors doit devenir une plateforme de divertissement nouvelle génération, qui ouvre les portes des imaginaires.
Combien d’abonnés compte Doors aujourd’hui ?
On compte 200?000 utilisateurs sur la plateforme et environ 10?000 abonnés payants (50 euros/an). Mais ce n’est pas notre seul modèle. On a aussi un modèle « freemium » : en échange d’engagements – faire venir des amis, faire des posts sur ses séries préférées ou parler de la plateforme sur les réseaux – on donne au lecteur des clés qui lui ouvrent l’accès à de nouveaux épisodes.
Quelle est la série la plus populaire sur la plateforme aujourd’hui ?
C’est une série inspirée d’une histoire vraie qui s’appelle Rendez-vous tarifé. Une histoire de prostitution.
Quelle est la croissance actuelle de Doors ?
En nombre d’utilisateurs, on est autour de 20 % par mois. On a une dizaine de nouvelles séries qui sortent chaque mois. Et puis on travaille sur d’autres choses, notamment l’adaptation de nos séries littéraires en séries audio. On envisage aussi des adaptations en format vidéo. On a commencé à collaborer avec des producteurs et des agences de talent afin de voir les sujets qu’ils aimeraient développer. Avant qu’ils ne se lancent dans des développements coûteux, on leur propose de tester leurs projets sur Doors. L’idée est d’utiliser notre plateforme comme un labo pour ensuite, éventuellement, coproduire du contenu audiovisuel, c’est-à-dire des séries originales...