La réalité virtuelle prend son envol

La réalité virtuelle prend son envol

10 juillet 2018
Création numérique
7 lives de Jan Kounen
7 lives de Jan Kounen Red Corner, France Télévisions, A_Bahn, Frakas Production
Depuis les années 90, la VR est utilisée dans le cadre d’applications professionnelles : dans le domaine médical, militaire, dans la formation, ou encore comme outil de travail collaboratif. Mais ce qui est en train de se produire actuellement excède largement le phénomène technologique. La démocratisation de cet usage et son ouverture au grand public semblent répondre à une tendance comportementale de fond : la recherche de l'immersion et de l'expérience qui se vit physiquement, seul ou en groupe.

Paradoxalement, la réalité virtuelle semble de plus en plus ancrée dans le réel. C'est ainsi que le monde du "retail" utilise la VR pour « réenchanter l'expérience client » et revaloriser les magasins. De nouvelles expériences narratives, comme les escape games ou le théâtre immersif, rencontrent un succès croissant. De nombreuses oeuvres pensées pour la VR s'inscrivent dans ce prolongement.

En 2017, la réalité virtuelle a fait une incursion spectaculaire dans le monde du cinéma avec la présentation à Cannes de Carne y Arena, réalisé par Alejandro Gonzalez Inarritu. Il ne s'agit pas d'un film à proprement parler mais plutôt d'une installation qui relève d'une démarche d'artiste. Ainsi, le spectateur évolue physiquement dans un décor reconstitué qui entre en résonnance avec ce qu'il voit dans le casque, de manière à faire ressentir le calvaire vécu par des migrants qui, en plein désert, tentent de franchir la frontière qui sépare le Mexique des États-Unis. De nombreux créateurs français partagent cette certitude que la VR ouvre, de manière inédite, de nouvelles possibilités narratives. Dès les premières présentations publiques, une véritable French Touch est même apparue sur la scène mondiale avec des oeuvres majeures comme Notes On Blindness (Agat Films Ex Nihilo), I Philip (Okio Studio), Sens (Red Corner), The Enemy (Caméra Lucida) ou Alice (DV mobile). Ces oeuvres, présentées à Sundance, Tribeca ou Venise, frappent par la variété de leur approche et par leur capacité à traverser tous les univers créatifs, en combinant cinéma et jeu vidéo, création sonore et théâtre.

Je souhaitais pouvoir utiliser la réalité virtuelle pour explorer la condition humaine tout en m’affranchissant de la dictature du cadre à l’intérieur duquel on ne peut être que simple observateur. La VR me permet ainsi de prendre possession de la totalité de l’espace dans lequel je propose au visiteur de vivre l’expérience réelle des migrants, en marchant avec eux, en pénétrant sous leur peau et au plus profond de leur coeur.
Alejandro Gonzalez Inarritu
 

La réalité virtuelle est ainsi un art hybride qui s'épanouit en dehors des catégories habituelles et, par là même, s'inscrit bien dans une vision très française de la création, motivée par la diversité culturelle et la liberté d'expression artistique.

Cette vitalité est également le fruit des efforts conjugués de différents acteurs publics. Le CNC et Arte jouent un rôle moteur dans la création. Unifrance Films et l'Institut Français travaillent ensemble à la valorisation des oeuvres et des équipes.