Le collectif INVIVO, aux frontières des arts

Le collectif INVIVO, aux frontières des arts

20 novembre 2020
Création numérique
24/7 du collectif INVIVO
"24/7" du collectif INVIVO Margot Simmoney

Depuis 2011, le collectif INVIVO élabore des spectacles immersifs au croisement des arts numériques, du théâtre et de la performance. Les créateurs techniciens préparent actuellement une installation VR pour douze spectateurs, adaptée des Aveugles de Maurice Maeterlinck. Retour sur leur parcours.


Les membres du collectif INVIVO se sont rencontrés sur les bancs de l’école. À l’ENSATT (l’École Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre) pour être plus précis. Julien Dubuc (créateur lumière et vidéo), Chloé Dumas (scénographe), Alexia Chandon-Piazza (art dramatique), Grégoire Durrande (réalisateur sonore), Samuel Sérandour (réalisateur sonore) Pierre-Yves Poudou (art dramatique) de la promotion 70 ont d’abord uni leurs forces pour élaborer un travail de recherche autour des perceptions du spectateur et la manière dont « ces dernières peuvent générer de nouvelles formes de narration ». Une fois leur diplôme en poche, en 2011, c’est tout naturellement qu’ils fondent le collectif INVIVO pour poursuivre leurs expérimentations. Une de leurs influences est le travail immersif de la compagnie Haut et Court de Joris Mathieu, directeur du Théâtre Nouvelle Génération, à Lyon.

En 2014, naît Parfois je rêve que je vois, un spectacle immersif pour dix spectateurs avec casque audio, coproduit par Le Cube – centre de création numérique d’Issy-les-Moulineaux, qui interroge sur l’utilisation des nouvelles technologies. En mettant en scène deux personnages solitaires pris dans une multitude de strates fictionnelles, le collectif place le spectateur au cœur d’un dispositif auditif en son spatialisé, entouré de vidéos projetées sur du tulle, et de comédiens. « Tout le travail d’écriture plateau, sonore, et vidéo s’est fait conjointement, explique Julien Dubuc, l’un des fondateurs d’INVIVO. On élabore le spectacle en Post-it puis on agence les scènes comme un montage cinéma. On l’a conçu comme une véritable expérience sensorielle où l’on redécouvre tout son système perceptif. » La méthode d’écriture est approfondie sur la création suivante, Blackout (2015), un parcours immersif pour un seul spectateur au casque où le collectif s’interroge sur la privation de flux numériques. « Que se passerait-il aujourd’hui si une mégapole vivait une coupure d’énergie à grande échelle ? », interroge Julien Dubuc. Muni d’un smartphone, le spectateur va écouter un récit fictionnel puis traverser sept salles immersives qui vont l’amener à ressentir à chaque fois une perception différente. « Les théâtres sont de plus en plus ouverts au croisement des arts et aux formes hybrides. Ce qui nous est reproché parfois, c’est d’imaginer des spectacles pour de trop petites jauges. Mais c’est un luxe incroyable de pouvoir rencontrer son public à la sortie. »

Une discussion avec un spectateur de Blackout les incite ainsi à s’intéresser au sommeil. C’est en explorant le champ de la VR au théâtre qu’ils élaborent un spectacle sur les rêves. « La VR possède une puissance d’immersion vertigineuse, hyper stimulante et effrayante », commente Julien Dubuc. 24/7 (2018) est imaginé pour 40 spectateurs au casque VR à partir de la lecture de 24/7 : le capitalisme à l’assaut du sommeil de Jonathan Crary et d’un constat : « Depuis trente ans, nous avons perdu en moyenne une heure de sommeil par nuit et accumulons de colossales dettes de fatigue. » Les cinq membres d’INVIVO – sans Pierre-Yves Poudou – écrivent une fiction futuriste où une start-up, Dreamr, propose « un casque permettant de récupérer une nuit de sommeil en le portant vingt minutes ». Le spectateur alterne entre la réalité des images de la caméra fixée sur son casque et les vidéos à 360° filmées par le collectif qui représentent les rêves. « Il y a plein de strates de réalité et de déformation de la réalité. »

Pour le spectacle suivant, Céto (2019), INVIVO vise le jeune public qu’il place au milieu d’un dispositif en son spatialisé. « C’est en fonction du projet qu’on choisit de travailler sur telle ou telle technologie, même si une esthétique commune ressort de tout ça. Céto est un spectacle sur la métamorphose et le voyage où les tout-petits à partir de 18 mois suivent une scaphandrière qui fait des relevés scientifiques dans les profondeurs de l’océan et rencontre des créatures étranges. »

En parallèle, le collectif développe Tesseract (0.00/0.00), une installation visuelle et sonore « qui travaille sur notre capacité à percevoir la quatrième dimension ». En attendant de reprendre la tournée de ce spectacle, le collectif INVIVO prépare la création pour novembre 2021 d’une adaptation des Aveugles de Maurice Maeterlinck pour 12 spectateurs au casque VR. « Ce projet ira trouver les endroits de frictions entre un texte classique et l’utilisation formelle des techniques. Adapter Les Aveugles à la VR, c’est proposer une œuvre immersive qui, en “aveuglant” le spectateur, lui permettra de poser un regard différent sur le monde qui l’entoure. Ce texte, aux abords métaphysiques, oblige aussi à questionner le théâtre ainsi que le lieu de la représentation. »

Le collectif INVIVO est artiste associé au Théâtre des Îlets – CDN de Montluçon (direction Carole Thibaut). Il est soutenu par la ville de Lyon au fonctionnement.