Le Cinéma des Cinéastes à Paris a exposé une série de photos, VeRsus, que vous avez imaginée. Cette série fait le lien entre l’image fixe, la réalité virtuelle et le son. Comment vous est venue l’idée de ce projet qui fait la passerelle entre plusieurs formes artistiques ?
J’ai d’abord eu l’idée d’une histoire, inspirée du mythe d’Orphée où un homme voit s’éloigner sa femme, absorbée par le monde virtuel. Pour la reconquérir, il va créer, dans ce monde virtuel, un avatar qui ne lui ressemble pas. J’ai commencé à story-boarder cette fiction et l’envie m’est venue d’en faire une série de photographies avec des comédiens de cinéma. Ça a été l’occasion de retrouver certains que j’avais dirigés comme Pierre Richard et de collaborer avec des nouveaux. Chaque photo a été abordée comme un petit tournage. Comme l’atmosphère sonore est quelque chose de très important pour moi - je viens d’une famille de musiciens -, j’ai voulu que l’exposition soit accompagnée d’une bande son. Ananda a composé le thème pour VeRsus et une déclinaison par photo que l’on peut télécharger via un QR Code. Maintenant, cela devrait devenir une série télé.
Vous vous êtes aussi tourné vers la réalité virtuelle…
Tout à fait. L’idée de VeRsus n’est pas de condamner ce medium. Je trouve ça formidable d’avoir de nouveaux outils. Par exemple, je ne me voyais pas développer au cinéma Polaris, l’adaptation d’un jeu de rôles traditionnel auquel je jouais quand j’avais 16-17 ans, qui suit l’histoire d’une planète mise en péril par les dérèglements climatiques. Cela aurait nécessité un budget démesuré. En France, on ne peut pas financer ce genre de SF. En revanche, l’histoire a tout son intérêt en série et en format immersif. Il est cependant difficile de trouver un modèle économique pour les projets de réalité virtuelle. Comme une partie de l’histoire se passe sous l’eau, dans une base sous-marine, je me suis dit qu’il serait intéressant de faire une expérience de théâtre immersif dans un aquarium. Du coup, on développe ce projet avec l’Aquarium de Paris et on envisage de transporter le projet dans d’autres aquariums en France ou à l’international. On est en coproduction avec Small, une entreprise rattachée au groupe Mac Guff en pointe dans le domaine de la VR. Il est également possible que nous en fassions une adaptation en bande dessinée en réalité augmentée. J’aimerais que la musique de la série soit incluse dans la BD et qu’on puisse l’écouter avec un système de code-barres au rythme de la lecture.
Vous abordez aussi l’animation de manière originale…
Cela fait plus de dix ans que je veux porter à l’écran une histoire qui s’appelle Le Monde des cancres ; elle se déroule dans une école très réputée qui prend en charge de manière un peu particulière les cancres qui s’égarent du droit chemin. C’est un projet d’aventure pour les enfants. Je voulais le faire en film d’animation, mais je n’avais pas de réseau. Pour autant, je me sens tout à fait légitime car j’ai souvent abordé mes films - comme Les Enfants de Timpelbach -, avec une méthodologie de film d’animation sur le story-board, les costumes… Mon expérience sur l’adaptation de BD avec Le Petit Spirou et mes bonnes relations avec son éditeur Média-Participations m’ont donné l’envie de faire du Monde des cancres d’abord une bande dessinée qui sera co-éditée par ma société de production, TimpelPictures. Aujourd’hui, nous déclinons le projet en série d’animation avec le même partenaire. C’est finalement grâce à la case BD que Le Monde des cancres en série pourra voir le jour. Travailler sur plusieurs supports permet de faire avancer un projet « bloqué » sur le support pour lequel on l’a pensé au départ.
Quels avantages trouvez-vous à ces fictions qui combinent plusieurs supports ?
J’aime me définir comme un entrepreneur artistique. J’ai du mal à finaliser un scénario et puis à me demander ensuite comment je vais le réaliser. Au moment où je me lance sur un projet, je réfléchis à mes collaborateurs, aux sensations que je veux évoquer. C’est une approche assez sensitive. Par exemple, Le Sumo est un conte initiatique que je développe depuis longtemps. Je serai accompagné par le directeur de la photographie Tetsuo Nagata. Le casting est bien avancé. Il me manque un distributeur. Nous développons aussi une déclinaison XR où l’on se retrouve dans une écurie de sumos, de l’entraînement au tournoi. J’aime l’idée de construire sous plusieurs angles. Ce n’est pas un hasard si j’ai eu à cœur d’être producteur associé d’Une sirène à Paris de Mathias Malzieu, accompagné d’une BO avec son groupe et du roman. Le côté 360 de son projet était complètement dans mon ADN.
Vous pensez que ces projets à 360, comme vous les appelez, sont l’avenir du cinéma ?
Ils entrent dans notre culture. Bien sûr, cela ne doit pas être systématique ; il y a des histoires qui ne le justifient pas.