Quels sont les enjeux de la présentation de Mandala : A Brief Moment in Time à Venise ?
Mandala : A Brief Moment in Time est une performance via une plateforme de métavers. Une performance pour six spectateurs, avec un acteur en direct. Grâce à ce type de plateforme, les spectateurs et l’acteur se retrouvent dans un univers virtuel. Ils peuvent donc, techniquement, être n’importe où dans le monde. Mais cela présuppose que les participants disposent d’un casque et d’un ordinateur, ce qui n’est pas le cas de tout le monde. À Venise, six postes accueilleront les spectateurs, en plus du studio de motion capture à Paris. C’est une grosse installation. Il y aura une centaine de spectateurs sur dix jours, ce qui donne l’occasion de montrer l’œuvre à un public qui n’a pas forcément le matériel chez lui. Contrairement au cinéma, où le festival sert surtout à la reconnaissance ou à la compétition, ces expériences VR un peu spéciales nous permettent de rencontrer notre public. Mandala… est une création qui est toujours en cours. On s’adapte aux réactions du public, on se permet aussi de changer l’écriture et la mise en scène pendant le festival. Cet événement nous sert donc également un peu de test.
Quelle est la genèse du projet ?
Le projet a été développé en 2019 en coproduction entre le studio chinois Sandman et Digital Rise. C’était, à l’époque, une version LBE, où tout le monde était dans le même espace. Après la crise du Covid-19 et le développement des plateformes de métavers, nous avons senti qu’il s’agissait d’un projet qui avait du sens en se basant sur cette technologie, ce format-là. On a changé les formats pour être plus universel. On peut aujourd’hui l’utiliser soit en LBE, soit chez soi.
Le point de départ de Mandala, c’est une légende chinoise, Journey to the West…
Oui, une légende chinoise très connue, qui implique énormément de personnages. Elle se déroule sur plusieurs décennies, mais on en n’utilise qu’une petite partie. Le protagoniste principal de cette histoire, c’est le Roi Singe, un personnage de la mythologie chinoise, qui vient lui-même de la divinité hindoue Hanuman. Ce personnage a engendré de nombreux mythes, jusqu’à Son Goku dans Dragon Ball. Il est intéressant, parce que c’est une sorte de Candide, à la fois très puissant dans ses pouvoirs et très innocent dans sa vision du monde.
Un personnage qui n’est pas toujours sur le droit chemin, qui fait beaucoup de bêtises, de blagues, qui joue des tours, et qui va se racheter pour atteindre l’illumination bouddhiste. Il nous permet d’expliquer la philosophie bouddhiste, des concepts un peu complexes, de manière très simple, très directe. Mandala… est une expérience de développement de soi, qui nous permet notamment de remettre en cause un certain nombre de certitudes.
Vous établissez donc un lien entre VR et méditation ?
Oui, complètement. La VR, c’est très intense, au niveau des sensations, des émotions. En conséquence, il est très facile en VR de faire des expériences d’horreur, des expériences qui font peur, des expériences qui donnent le vertige, etc. Des choses très physiques. Cependant, on a aussi décidé d’utiliser cette intensité de la perception avec des méthodes plus douces, de proposer un environnement zen apaisé, qui permet d’ouvrir ses sens.
Il y a au cœur de Mandala : A Brief Moment in Time l’idée de la création collective…
Oui. On travaille sur des expériences virtuelles, interactives, mais j’aime à dire qu’on ne fait pas de jeux vidéo. On ne fait pas partie de l’industrie du jeu vidéo, on est à part, et notre idée, c’est de développer des mécanismes différents. 90 % des jeux vidéo font appel à des dispositifs de compétition, ou de réussite. À mes yeux, un autre mécanisme très puissant pour impliquer émotionnellement un spectateur dans un univers, c’est la création. La possibilité de créer quelque chose ensemble. Je donne souvent l’application Tilt Brush comme référence. Mais attention, Mandala…, ce n’est pas pour autant Tilt Brush, ce n’est pas une application de dessin, c’est vraiment une histoire, dans laquelle on va être plongé. On va se retrouver face à des personnages joués par des acteurs, où l’on utilise des dispositifs de narration classiques, mais couplés à des mécanismes de création, de collaboration des uns avec les autres. Au fond, Mandala… n’est ni un jeu ni une expérience narrative : tout y dépend de la réaction des spectateurs. L’expérience dure un peu moins d’une heure, le temps de s’installer dans un monde virtuel et de créer une atmosphère propice à l’échange et au partage.
Mandala : A Brief Moment in Time concourt dans la Compétition XR (Extended Reality) de la Mostra de Venise.
Mandala : A Brief Moment in Time
Réalisation : Thomas Villepoux
Scénario : Thomas Villepoux, Yang Huang
Production : Sandman Studio, Digital Rise
Soutien du CNC : Fonds d’aide aux Expériences Numériques (Aide au développement).