David Combarieu : « Le jeu vidéo n’est pas un matériel médical, même quand il est adapté à des joueurs à motricité réduite »

David Combarieu : « Le jeu vidéo n’est pas un matériel médical, même quand il est adapté à des joueurs à motricité réduite »

04 août 2021
Jeu vidéo
David Combarieu, a? droite
David Combarieu, à droite Handigamer
David Combarieu accompagne les gamers privés de leur passion à travers son association Handigamers et la startup HitClic. Entre modification de matériel et e-sport compétitif, il se met au service des joueurs atteints de handicap. Rencontre.

Au départ, Handigamers naît pour permettre à votre fils de continuer à jouer après un accident qui l’a laissé handicapé. À quel moment décidez-vous d’aider d’autres joueurs ?

On a effectivement commencé tous les deux, avec mon fils Théo, en essayant diverses solutions lui permettant de mieux jouer sur sa PlayStation. Ensuite, on a été rapidement sollicités par d’autres joueurs, avec des situations très proches que celle Théo – qui est tétraplégique –, et on a vite constaté qu’il n’existait à peu près aucun produit sur le marché, où que ce soit dans le monde. C’est comme ça qu’on a décidé de lancer ce projet plus sérieusement, et de concevoir des solutions modulables pour tous ceux qui ne peuvent pas utiliser une manette. C’était en 2017.

Quelle est la différence entre Handigamers et HitClic ?

Aujourd’hui, le projet Handigamer se décline dans trois directions : HitClic, une startup qui fait la conception de matériel innovant ; l’association Handigamers, qui vient en aide aux gamers en situation de handicap et intervient de plus en plus dans des établissements de santé ; et enfin Rebird Esport, une structure semi-professionnelle qui regroupe des gamers avec des profils différents et les accompagne sur la voie de l’e-sport compétitif.

Combien d’adaptations de manettes avez-vous réalisées jusqu’ici ?

HitClic a reçu une centaine de commandes en 2020, et déjà 60 sur le premier semestre 2021.

Les réalisations sont assez variées, ça peut être un simple joystick, ou une modification sur une manette standard, mais aussi des vrais projets entièrement sur mesure, qui demandent beaucoup de travail.
Les constructeurs de consoles et d’accessoires semblent de plus en plus concernés par l’accessibilité pour les personnes en situation de handicap. Est-ce du marketing ou une réalité ?

Il y a deux aspects très différents qui permettent de répondre à tous les handicaps : l’aspect software, logiciel, qui se travaille du côté des studios de développement. Cela consiste à penser un jeu avec des options et des paramètres d’accessibilité, pour que tout le monde puisse jouer (déficiences visuelle, auditive, cognitive…) De ce côté, ça progresse et les grands studios s’améliorent. Ensuite, sur la partie handicap moteur, c’est en effet du côté du hardware et des périphériques qu’il faut travailler. À part Microsoft, qui a sorti un outil très bien fait, c’est le désert. Sony n’a malheureusement rien proposé pour accompagner la sortie de la PS5, et on peut même dire qu’ils nous ont compliqué le travail en verrouillant les compatibilités avec le matériel existant. Avec HitClic, on se retrouve à être quasiment les seuls à proposer des adaptations parfaitement compatibles avec les exclusivités PS5.

L’Adaptive Controller de Xbox a donc été une étape importante ?

Oui. C’est un produit très intelligent car extrêmement souple et évolutif. Mais attention à ne pas le présenter comme une manette, ce dispositif tout seul ne sert pas à grand-chose : il faut l’associer à des contacteurs et des joysticks qui, là encore, sont difficiles à trouver.

Chaque matériel que vous fabriquez doit être pensé en fonction de la personne et de son handicap. Comment se déroule concrètement la phase de réflexion et de recherche, et combien de temps peut-elle prendre ?

David Combarieu et son fils Théo Handigamer

C’est très variable en fonction du joueur, bien sûr. Certains vont directement sur notre site, savent définir leur besoin et passer commande rapidement. On est alors sur des produits prédéfinis, la fabrication peut se faire rapidement. Mais souvent, il y a besoin d’une phase de test et de réflexion pour trouver ce qui sera le plus confortable pour le joueur. Cette phase peut prendre des semaines si plusieurs solutions doivent être essayées. Dès que c’est possible, on se déplace, en région PACA principalement, dans les cliniques de rééducation, et même parfois à domicile. Mais nous ne sommes pas encore dimensionnés pour assurer ce service partout en France. Le projet est de se développer et de mettre en place des points de rencontre sur tout le territoire, afin de proposer des essais avant toute commande. Il faut qu’on trouve des solutions pour se rapprocher des gens qui ont besoin de nos produits. Quand on nous appelle depuis la Bretagne pour faire un essai, on n’arrive pas à répondre présents. Le Covid et les restrictions sanitaires nous ont beaucoup retardés là-dessus. Nous cherchons des financements pour développer ce service un peu partout.

Recevez-vous beaucoup de messages de joueurs en situation de handicap qui avaient totalement renoncé au jeu vidéo ?

Ça arrive, oui. Des joueurs qui nous découvrent et qui pensaient qu’il n’existait aucune solution, d’autres qui souhaitent rejouer avec leur enfant, leur cousin… Parfois après des années de renoncement.

Comment le monde du jeu vidéo pourrait-il devenir plus inclusif ?

Je fais une différence entre les personnes et les structures. Les gens que je rencontre, que ce soit chez les fabricants de matériel, dans le monde de l’e-sport professionnel ou dans l’événementiel, sont toujours très bienveillants et ont envie de nous aider comme ils le peuvent. Les structures, les grosses entreprises, sont beaucoup plus figées et difficiles à faire changer. L'exemple de Sony est évident. Nous avons des contacts chez Sony France, très disponibles pour échanger et nous aider concrètement, mais quand on veut parler produits ou partenariats industriels, cela dépasse le cadre de la France et les réponses sont inaccessibles. Je considère que nos produits, comme ceux de Xbox ou Logitech, devraient être proposés en grande surface comme n’importe quel périphérique gaming. Le jeu vidéo n’est pas un matériel médical, même quand il est adapté à des joueurs à motricité réduite. Nous essayons, grâce à un partenariat avec Boulanger, de changer ça, et d’impliquer les vendeurs des rayons jeu vidéo.