Pourquoi et comment le Game Camp a-t-il été créé ?
Laurent Peroy : Le Game Camp a été créé en 2017 en conjonction avec le Syndicat national du jeu vidéo (SNJV) et Game In, à un moment où il n’y avait plus en France d’événement spécifique autour de la production du jeu vidéo pour les professionnels. Il existait des événements « business », des événements pour le grand public, mais pas ce genre de rencontre. L’idée était donc de créer un rendez-vous pour celles et ceux qui font les jeux vidéo, notamment à travers des conférences de haut niveau autour du « métier » et pas forcément du « business ».
Quel est son objectif principal ?
On essaye de mettre en avant le côté « artisanat » du jeu vidéo, même si on a des studios « triple A » [les jeux à gros budget issus de studios connus, NDLR] et « triple I » [les jeux indépendants les plus ambitieux, NDLR]. Mais il faut que le Game Camp soit surtout un moment « positif » dans l’année pour son public. Ce n’est pas une fête, c’est studieux, mais c’est très convivial et c’est à mon avis quelque chose de très important. C’est une reconnaissance et une célébration de tous les métiers qui participent à la création d’un jeu vidéo. Les associations régionales professionnelles analogues à Game In – il y en a sept autres en France métropolitaine et à La Réunion – ont fédéré leurs adhérents pour venir y assister. On a ainsi une délégation réunionnaise importante. En fin de compte, le public est assez équilibré, même si une bonne part de la fréquentation est évidemment issue de la région parisienne. Il y a tous les types d’entreprises, toutes les tailles de studios…
L’édition 2023 a-t-elle des défis et des enjeux spécifiques ?
L’une des grandes difficultés de la programmation d’événements autour du jeu vidéo, c’est la parité. On éprouve des difficultés à avoir suffisamment d’intervenantes féminines. On a beaucoup travaillé sur le sujet cette année, et on est arrivés à un taux de 40 %. Nous ne sommes pas dans une logique de quotas, mais cela faisait partie de nos objectifs. Nous avons aussi ajouté deux salles pour répondre à l’augmentation régulière de la fréquentation. Qui dit plus de public dit problématique d’espace et de confort. Il faut s’adapter : avoir la meilleure programmation du monde n’a pas de sens si le public n’est pas à l’aise. Il y a 52 conférences cette année, cela permet de garantir un équilibre dans notre proposition, pour ne pas avoir que de la technique ou que du marketing. Il faut aussi doser le particularisme des sujets : ne pas mettre deux interventions sur la même thématique au même moment dans deux salles différentes. Toutes les conférences seront filmées et mises en ligne sur la chaîne YouTube du Game Camp. On voulait vraiment que les entreprises se déplacent à Lille cette année. Je crois que le Game Camp a des vertus de « team building » : des entreprises viennent à 10, 15, voire 30 personnes. Les studios sont vides pendant deux jours. Ça nous donne une part de responsabilité. On nous demande surtout un équilibre dans les différents thèmes proposés. Chacun doit s’y retrouver. Cette année, nous assisterons à de belles conférences sur le design narratif : Alexandre Boiret de 11 Bit Studios nous parlera de Frostpunk ; Sarah Beaulieu, la directrice narrative d’Ubisoft, sera également présente.
Les intervenants et conférenciers viennent-ils exclusivement de France ?
Non. L’édition 2023 du Game Camp nous permet de concrétiser un certain nombre de choses que l’on prévoyait depuis 2020, et que l’on n’a pas pu faire en 2021 et 2022 à cause de la pandémie. Chercher des intervenants qui ne sont pas forcément issus de l’écosystème français en faisait partie. Non pas pour faire changer la typologie des intervenants, mais pour avoir une offre plus riche et plus ouverte. Cette année, nous avons une trentaine d’intervenants internationaux : ils viennent de Canada, de Suède, d’Espagne… Nous avons ainsi réussi à faire venir les animateurs de The Game Kitchen, le studio espagnol de Blasphemous [un jeu de plateforme dans un univers torturé inspiré du catholicisme espagnol, NDLR] pour parler d’animation.
Quel état des lieux dressez-vous de l’industrie du jeu vidéo dans les Hauts-de-France ?
Dans la région, notre écosystème jeu vidéo est solide, il repose sur deux piliers depuis des dizaines d’années : Nacon, fabricant de périphériques de jeux et désormais filiale du groupe BigBen Interactive, et Ankama qui rayonne aussi à l’international grâce à sa franchise Dofus. Techniquement, je crois que la spécificité du jeu vidéo dans les Hauts-de-France est très 2D. Chaque région française a ses particularités, qui dépend aussi des studios « triple A » qui y sont implantés, et qui influencent forcément l’écosystème. Par exemple, à Bordeaux ou à Lyon, avec les antennes locales d’Ubisoft, se crée une dynamique différente. Game In, qui regroupe une cinquantaine d’adhérents, fait partie des plus anciennes associations, pas des plus grosses, mais on se porte très bien – et nous sommes implantés dans un territoire où il y a encore de la place ! Nous avons notamment Jyros, un outil spécial d’incubation de jeux vidéo sur lequel on travaille avec le hub européen des industries créatrices Plaine Images de Tourcoing, qui nous permet d’accompagner tout nouveau projet qui se crée.
Pouvez-vous nous parler de ces nouveaux studios ?
Je peux citer Ludogram, spécialisé dans les jeux vidéo aux composantes narratives, qui prépare Les Mondes d’Aria, un jeu adapté de l’univers de jeu de rôle sur table du même nom. Ou encore 1P2P, qui a sorti le jeu d’action Young Souls l’an dernier. Des nouveaux entrepreneurs se manifestent aussi après avoir fait leurs classes dans d’autres grands studios. Par exemple, Atelier 801, créateurs du jeu de plateforme Transformice, ou Humble Reeds (le jeu écolo Kamaeru) ont été lancés par des anciens d’Ankama… Le CNC, la région Hauts-de-France et la Métropole européenne de Lille nous ont soutenus depuis le début. Il y a eu très tôt une vraie conscience de l’importance de la filière jeu vidéo.
Le CNC à Game Camp