L’inspiration culinaire de Pac-Man
Mai 1980. Un petit personnage jaune et rond arrive dans les salles d’arcade. Son nom, Pac-Man. Sa mission, manger les pac-gommes qui se trouvent dans un labyrinthe tout en évitant les fantômes. T?ru Iwatani, son créateur, a imaginé Pac-Man en dégustant tout simplement une pizza. « C’est une époque de pionniers où tout était à inventer et ça partait souvent d’un détail. Les graphismes étaient limités il fallait donc choisir des formes très simples et influencées par des objets du quotidien. Aujourd’hui, les influences sont plus complexes, elles viennent de la culture ou du cinéma », explique Vincent Montagnana en précisant que les limites techniques obligeaient, paradoxalement, les créateurs à faire preuve d’encore plus de créativité pour réaliser leurs figures. Quant au principe du jeu, il serait né d’une volonté de T?ru Iwatani d’attirer le public féminin. « Il est parvenu à cette conclusion hallucinante : les filles aiment manger (sic), le but de Pac-Man sera donc de manger toutes les petites boules de gomme éparpillées », raconte L’Empire des jeux.
Mario, de la charpente à la plomberie
Héros incontournable du jeu vidéo, Mario est né lui-aussi dans les années 1980. Imaginé par Shigeru Miyamoto, ce plombier qui a accompagné l’enfance de nombreux joueurs est né de la volonté de Nintendo de conquérir le marché américain. Loin du plombier moustachu connu de tous, le projet initial devait être une adaptation de Popeye avant de changer de direction lorsque Nintendo a perdu les droits. Mario apparaît finalement pour la première fois dans le jeu Donkey Kong où il est alors surnommé Jumpman. « C’était juste un personnage qui sautait, ce qui paraît basique aujourd’hui, mais à cette époque, c’était tellement novateur », souligne l’auteur du livre. Mario n’est pas plombier mais charpentier et porte une salopette ainsi qu’une casquette pour des raisons techniques – « les développeurs n’arrivaient pas à retranscrire les mouvements de ses cheveux ». Le héros sera finalement rebaptisé Mario dans un autre jeu, en hommage à Mario Segale, le propriétaire des entrepôts de Nintendo of America. Il deviendra plombier lorsqu’un proche de son créateur lui fera remarquer qu’il ne ressemblait plus à un charpentier.
Les Pokémon, un souvenir d’enfance
« Attrapez-les tous », tel est le slogan de la franchise Pokémon déclinée aussi bien en jeux vidéo qu’en jeux mobiles, séries télévisée, films, mangas ou encore cartes à jouer. L’objectif du jeu est d’attraper différentes sortes de monstres dans des régions et des contextes différents. Les Pokémon – contraction de Pocket Monsters – sont une invention du Japonais Satoshi Tajiri qui s’est inspiré d’un souvenir d’enfance lorsqu’il collectionnait des insectes ramassés non loin de Machida, sa ville natale. L’idée de capturer ces monstres et de se les échanger lui vient lorsqu’il imagine des insectes se promener sur un câble reliant deux GameBoy entre elles. « A l’époque, les créateurs étaient un peu plus seuls qu’aujourd’hui, les équipes étaient moins importantes. La force créatrice de départ était concentrée en une seule personne qui puisait dans ses souvenirs d’enfance personnels », ajoute Vincent Montagnana.
L’influence de Moebius sur Panzer Dragoon
Lancé en 1995 peu après l’arrivée sur le marché de la console Saturn, Panzer Dragoon est un jeu en 3D dans un univers post-apocalyptique qui doit beaucoup au dessinateur français Moebius (Jean Giraud). Ce dernier a d’ailleurs été crédité comme illustrateur au générique. « Il n’est pas intervenu directement mais il a eu une influence importante sur de nombreux créateurs japonais tels que Hayao Miyazaki et Katsuhiro Otomo (Akira) notamment grâce à sa bande dessinée Arzach qui a influencé l’univers de Panzer Dragoon », raconte l’auteur de L’Empire des jeux. Dans Panzer Dragoon, le joueur se déplace ainsi sur un dragon et doit éliminer ses ennemis pour pouvoir poursuivre sa traversée. Parue en 1970, la BD Arzach met elle aussi en scène un héros sur une créature volante, Ptéroïde, à mi-chemin entre un dinosaure et un dragon. Source d’inspiration pour l’équipe de Panzer Dragoon, Moebius a reçu à l’époque des éléments du jeu (tels que des illustrations des ennemis) de la part de Sega qu’il a réinterprétés. Des dessins qui ont ensuite servi à réaliser les jaquettes de l’édition japonaise du jeu.
Le succès d’Another World
Après s’être occupé de la réalisation graphique des Voyageurs du temps pour Delphine Software, Eric Chahi s’est lancé seul dans la réalisation d’un jeu vidéo. Baptisé Another World, ce titre sorti en 1991 met en scène un scientifique qui, après avoir raté une expérience, se retrouve dans un monde parallèle onirique. Exceptée la musique signée Jean-François Freitas, tous les éléments de ce jeu de science-fiction et d’aventure dans la lignée de Prince of Persia ont été imaginés et créés par Eric Chahi. « C’est un jeu très français, très puissant en termes d’esthétique SF. Derrière son introduction en graphisme très simple, il y avait une vraie mise en scène cinématographique avec des plans étudiés, un gros travail sur l’animation et sur les couleurs particulières, détaille Vincent Montagnana en racontant le succès du jeu aussi bien en France qu’à l’étranger. Ce jeu a montré qu’on pouvait raconter une histoire d’une manière très minimaliste ».
D’Alone in the Dark à Resident Evil
Autre pionnier du jeu vidéo français, Frédérick Raynal a notamment marqué l’industrie vidéoludique avec Alone in the Dark (Infogrames), un survival horror sorti en 1992 et inspiré de l’univers de George A. Romero et H.P. Lovecraft. Le joueur se retrouve propulsé dans un vieux manoir hanté pour enquêter sur son propriétaire qui vient de mettre fin à ses jours. Grâce à un outil 3D développé par Frédérick Raynal, le jeu a la particularité d’utiliser des « séquences d’animation interpolées » qui permettent de « réduire la mémoire sa mémoire. » Succès à l’international, Alone in the Dark a inspiré d’autres créations. On retrouve ainsi un gameplay similaire dans Resident Evil de Shinji Mikami. « Le créateur de Resident Evil a toujours nié s’être inspiré d’Alone in the Dark mais les ressemblances sont assez marquées. Il y a la même démarche cinématographique où chaque zone du jeu est filmée de manière angoissante, avec des angles de vue en contreplongée assez travaillés. Tous deux se passent dans une sorte de manoir. Les personnages se dirigent de manière similaire. Et tous deux ont apporté au jeu vidéo une manière efficace de faire peur, ce qui n’était pas le cas dans les jeux des générations précédentes en 2D ».
L’Empire des jeux de Vincent Montagnana – Collection Pixels, Pop Corn Editions 2020