Quand et comment le studio Magic Design a-t-il été créé ?
Le studio a été fondé en 2015 par Yang Lu, Nicolas Leger, et moi-même. Auparavant, nous avons travaillé de nombreuses années à Ubisoft. On avait le désir commun de réaliser des jeux plus simples et originaux.
Le fait qu’il soit composé en partie d’anciens membres d’Ubisoft apporte-t-il un plus au studio ?
L’exigence qualité des jeux AAA que l’on a su préserver. Toutefois, il a fallu modifier notre manière de concevoir des jeux. Auparavant, nous avions l’habitude de gros projets comportant de très nombreuses facettes ; autant de jeux dans le jeu.
Qu’est-ce que cela signifie aujourd’hui en termes de contraintes et d’avantages, d’être un studio indépendant ?
C’est d’abord être une équipe à taille humaine où chaque personne peut avoir un impact sur la réussite du projet. C’est un peu comme vivre sur un bateau plutôt que dans une maison bien ancrée au sol. On est plus libre, mais chaque décision a des conséquences importantes. Heureusement, on en tire une meilleure mobilité. On peut rapidement s’organiser pour tester de nouveaux concepts et choisir par nous-mêmes la direction que l’on va prendre, sans passer par un lourd « process » de validation.
En contrepartie avec une équipe plus réduite, il n’est pas possible de produire plusieurs jeux simultanément, alors que ce serait nécessaire pour nous assurer des revenus réguliers. Dans le jeu vidéo, la rentabilité n’est garantie que sur la base d’un grand nombre de jeux, ce que les gros éditeurs ont moins de mal à réaliser. Or, rester indépendant consiste d’abord à l’être financièrement. Pour le rester sur le long terme, sortir un gros succès est une quasi-nécessité. Heureusement, en France, les studios indépendants ont la chance de bénéficier de subventions de différents organismes comme le CNC, les conseils de région, etc. C’est toujours un coup de boost pour nous d’être soutenus financièrement dans nos projets.
Depuis le lancement du studio, vous avez travaillé principalement sur Unruly Heroes, qui était donc en lice à l’IndieCade Europe. Pouvez-vous nous présenter le jeu en quelques lignes ainsi que sa genèse ?
Unruly Heroes est un jeu « kung fu them all » (terme inventé bien sûr, contraction entre « beat them all » et kung fu), une aventure tirée du très populaire conte chinois La Pérégrination vers l’Ouest (datant du xvie siècle). C’est un conte autour du personnage du Roi Singe, Wukong, qui est devenu iconique en Chine et en Asie plus généralement. Son histoire et ses aventures ont inspiré beaucoup de films, de dessins animés, de séries, dont notamment Dragon Ball (San Goku en Japonais signifie Wukong en chinois). Le conte d’origine est beaucoup moins populaire en Occident et nous avions envie de le faire connaître. Étant donné qu’il s’agit d’un voyage vers l’Occident où les héros rencontrent des dangers et doivent combattre des démons, le genre jeu action/aventure/platformer a été rapidement une évidence. Le jeu se joue en solo ou en co-op jusqu’à 4 joueurs. Comme dans le livre, il y a une réelle volonté d’esprit d’équipe même en mode solo : chaque héros possède des capacités utiles pour avancer dans le jeu. Donc il est indispensable de jouer tous les personnages et de les protéger.
Combien de personnes ont travaillé sur Unruly Heroes et combien de temps a pris le développement ?
La préproduction a commencé à 5 personnes environ pour ensuite atteindre 30 personnes au maximum – équipe administration et d’édition incluse – pendant les périodes de grosse production.
Quel est son atout majeur, sa spécificité, sur le marché des jeux de plateforme ?
Bien que le jeu de plateforme existe depuis la création du jeu vidéo, c’est un genre qui plaît toujours. Même s’il est beaucoup développé, on y trouve encore une belle communauté. On a voulu se différencier justement du côté trop platformer et y ajouter une forte dimension action/combat pour plus de nervosité et aussi pour être en accord avec l’histoire originale. De plus, toujours selon le conte, il y a plusieurs protagonistes qui font équipe ensemble malgré eux. Nous avons donc donné aux joueurs la possibilité de jouer jusqu’à 4 en coopération et en mode local, en « couch co-op » (coopération canapé), car nous étions nostalgiques de cette période où on invitait ses potes à jouer à la maison.
Qu’est-ce que ça représente pour vous d’avoir été sélectionné à l’IndieCade Europe ? Et que vous apporte ce genre de festival ?
Nous avions été agréablement surpris. L’IndieCade Europe est un très bel événement qui met la création indépendante au premier plan. Il y a vraiment tous types de jeux, du plus expérimental au plus « mainstream ». Nous étions ravis que Unruly Heroes fasse partie de toute cette belle diversité. Et bien sûr, on espère maintenant participer aux prochains événements IndieCade !
Vous avez pour objectif d’écouler 300 000 copies de Unruly Heroes en deux ans. C’est ambitieux non ?
Oui, bien sûr, ça serait idéal. Après, nous savons que le marché du jeu vidéo est très compliqué. Obtenir un succès critique et commercial n’est pas chose aisée. Nous avons eu de très bonnes critiques de la presse spécialisée, généraliste ainsi que du public, mais cela ne se reflète pas encore sur les ventes actuelles. Il y a toujours un facteur chance qu’on ne pourra jamais contrôler, quel que soit le jeu. Mais c’est notre premier jeu, notre première expérience en tant que toute nouvelle équipe indépendante.
Sur quels nouveaux jeux travaille aujourd’hui le studio Magic Design ? Vous vous êtes spécialisés dans les jeux de plateforme ?
Non, nous ne sommes pas spécialisés dans le jeu de plateforme. Mais plutôt dans le style graphique : ici, notre spécialité, si l’on peut dire, est la 2D. Mais nous ne nous fermons pas non plus des portes à la 3D ni aux nouvelles technologies (la VR par exemple). Nous restons curieux.
Actuellement, nous « brainstormons » avec l’équipe entière sur plusieurs idées. Nous espérons donner rapidement des nouvelles !
Unruly Heroes est sorti le 23 janvier 2019 sur PC, PS4, Xbox One et sur la Switch.