Oscar Barda : « Avec Blacknut, nous voulons démocratiser le jeu »

Oscar Barda : « Avec Blacknut, nous voulons démocratiser le jeu »

19 novembre 2018
Jeu vidéo
Blacknut

Lancé en janvier 2018, Blacknut permet, grâce à un abonnement mensuel de 14,99 euros, d’accéder en illimité et en streaming à des centaines de jeux. Un catalogue qui rassemble aussi bien des blockbusters que des jeux indépendants français ou des créations inattendues. Rencontre avec Oscar Barda, le directeur éditorial de cette société en pleine expansion.


Blacknut est accessible depuis un peu moins d’un an. Quel bilan faites-vous de cette première année ?
Ça marche très bien et c’est agréable car nous voyons directement les effets de nos actions. La plateforme a été mise en ligne début 2018, mais la société existe depuis 2016. Il a fallu créer une solution technique pour que ça fonctionne. En tant que start-up, notre but ne s’arrête pas aux cinq premiers mois. Nous sommes partis sur dix ans pour conquérir le monde. Il y a de gros concurrents en face, mais nous n’avons pas le même positionnement qu’eux. Blacknut, c’est un tour de magie, comme les sites de vidéo à la demande avec abonnement où il y a des milliers d’ingénieurs qui travaillent pour que ça fonctionne. C’est la même chose pour nous : notre CEO, Olivier Avaro, a fondé et géré la standardisation du MP4, qui est le format vidéo le plus utilisé au monde. Trente personnes travaillent d’arrache-pied à Rennes, mais ça, ça ne se voit pas. Et c’est très bien comme ça, nous ne demandons pas la reconnaissance éternelle. Nous voulons juste que les gens qui s’abonnent soient heureux.

En misant sur le Cloud Gaming (le jeu à la demande en streaming), votre objectif était-il de vous ouvrir à un autre public que les joueurs passionnés ?
Exactement. Les gamers nous intéressent, mais ce n’est pas notre cible, qui est la famille. Le jeu est un plaisir très profond, humain. Il existe depuis toujours. Mais commencer à jouer au jeu vidéo est plus compliqué qu’on ne le pense. Il existe de nombreuses barrières : s’acheter une console, se perdre dans les menus, installer le jeu... Ce n’est pas donné à tout le monde. Avec Blacknut, nous voulons démocratiser le jeu et montrer aux gens pourquoi il est intéressant, curieux, précieux. Notre ambition première était de rendre les jeux vidéo accessibles technologiquement : les abonnés n’ont pas besoin d’une machine pour jouer. Vous pouvez également accéder à des jeux que vous n’auriez jamais trouvés ailleurs…

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Qu’est-ce qui plaît aujourd’hui aux abonnés ?
Les gens sont moins fans de jeux d’action et plus adeptes des jeux de gestion, de sport, de course ou de vitesse. Ils aiment bien les jeux très narratifs avec beaucoup d’histoires, des personnages marquants. Nous avons par exemple un jeu génial soutenu par le CNC : A Normal Lost Phone. Vous trouvez un portable dans la rue, il est un peu débloqué mais pas totalement et vous devez fouiller dedans pour retrouver son propriétaire. Ce puzzle narratif se finit en deux ou trois heures, un peu comme un film où on paie et on a quelques heures de plaisir. Respecter le temps des utilisateurs fait partie de la logique de Blacknut. Une famille n’a pas le même temps de jeu que le gamer. Nous avons donc des titres très longs, qui se finissent en 60 heures, et d’autres denses, en 15 minutes. Avec ces derniers, vous allez avoir une vraie aventure en une session de jeu qui, même si elle est courte, suffit à procurer du plaisir.

Jeux indépendants, blockbusters ou encore jeux étudiants sont rassemblés dans votre catalogue. Pourquoi une telle diversité ?
Nous voulions vraiment proposer une offre large car les gens ne savent pas à quel point le jeu vidéo est magnifique. Nous allons le leur montrer. Blacknut est comme une salle de cinéma : il a son public, sa logique éditoriale... Il faut trouver un équilibre entre ce qu’on veut dire et ce que les gens veulent. Mon métier est de jouer à une centaine de jeux par semaine pour les sélectionner en jonglant avec ce que les utilisateurs veulent, ce qui peut attirer de nouvelles personnes et ce que moi je vois, que personne d’autre n’a vu : des choses tellement belles et incroyables que personne ne peut savoir qu’il les veut. Je pense notamment à Papers, Please dans lequel on joue un garde-frontières qui doit vérifier les papiers des gens. C’est un jeu drôle, politique, engagé… Il a des choses à dire sur le monde. C’est important d’avoir ce genre de titre.

Vous avez également laissé une belle place aux jeux vidéo français…
Cette partie « productions françaises » nous tenait à cœur. La France a quand même une sensibilité particulière dans le jeu. Nous nous sommes un peu concentrés dessus, même s’il n’y a pas que ça dans notre offre. D’un pays à l’autre, les créateurs ne font pas les mêmes choses. Le jeu vidéo est un outil expressif : des cultures différentes racontent des choses différentes. Notre offre est également accessible à l’international, notamment en Allemagne et au Royaume-Uni. Nous voulions donc montrer un peu la sensibilité du jeu français, même si nous ne mettons pas en avant le drapeau Made in France. Mais à partir du mois de juin, nous mettrons les drapeaux des pays pour chaque jeu. C’est précieux de montrer que les jeux sont fabriqués par des humains qui ont une vraie culture, une sensibilité.

Blacknut souhaite, dans le futur, produire ses propres jeux. C’est pour maîtriser toute la chaîne, de la création à la diffusion ?
Nous voyons beaucoup de personnes qui essaient de créer des jeux et qui n’y arrivent pas parce qu’elles n’ont pas les moyens. Nous pensons avant tout que ces jeux-là doivent exister. Il y a également une logique corporate. Quand il y aura plusieurs acteurs sur ce marché, la différence se fera par les jeux. Nous n’aurons pas d’exclusivité car fermer l’écosystème ne nous intéresse pas. Nous pensons plutôt à une logique d’exclusivité temporaire : les jeux sortiront d’abord chez nous avant d’être diffusés partout. Nous proposerons des jeux qu’on ne voit pas ailleurs. Les gamers ont déjà leur offre de jeux, donc ce sont les familles qui nous intéressent. Elles n’ont pas les moyens, ou l’envie, de mettre beaucoup dans une machine. Ceux qui veulent du plaisir de jeu, sans prise de tête pour savoir par exemple comment brancher une machine, viennent chez nous.

La prochaine étape, c’est un développement à l’international, notamment aux Etats-Unis…
Une offre avec AT & T, qui est notamment le premier fournisseur d’accès internet aux Etats-Unis, est en construction. Le site sera disponible sur les boîtiers box. Nous avons un partenariat avec eux et faisons des tests avec une partie de la population. Les premiers retours sont bons : quand on met du jeu vidéo pas cher et qu’ils ne s’y attendent pas, ça marche.