« Anaon », une série fantastique française entre folklore breton et influence pop

« Anaon », une série fantastique française entre folklore breton et influence pop

07 avril 2025
Séries et TV
« Anaon »
« Anaon » réalisée par David Hourrègue Rebecca Vaughan Cosquéric/FTV/Tetra Media

Présentée en compétition française à Séries Mania 2025, la minisérie Anaon revisite les légendes bretonnes à travers une relecture contemporaine, ancrée dans le genre fantastique. Entretien croisé avec Bastien Dartois, scénariste et créateur de la série, et David Hourrègue, réalisateur, autour des choix artistiques, des inspirations et des défis d’une production de genre.


D’où vous est venue l’idée d’explorer les légendes bretonnes ?

Bastien Dartois : C’est un projet que j’ai d’abord développé dans le cadre de mes études à la Fémis. Je n’avais jamais écrit de drame, mais je suis passionné par le fantastique, un genre avec lequel j’ai grandi. J’avais envie de créer une série fantastique « à la française », avec nos propres légendes, nos spécificités, nos monstres. Ma famille étant originaire de Bretagne, c’était un choix naturel d’explorer les mythes de cette région.

Comment avez-vous équilibré fidélité au folklore et modernité dans la narration ?

B.D : C’était effectivement un enjeu. Dans la tradition bretonne, le Bugul-Noz, la principale légende que la série explore, est une sorte de croque-mitaine. Les habitants de la région racontaient aux enfants qu’ils devaient rentrer avant le coucher du soleil, sous peine d’entendre son sifflement et d’être enlevés sous son grand chapeau. Avec David, nous avons choisi de moderniser cette figure : nous avons abandonné le chapeau, et puisé dans nos références visuelles : les films Amblin [société de production de Steven Spielberg, ndlr] des années 1980, Guillermo del Toro… Nous voulions créer une créature bien à nous.

J’avais envie de créer une série fantastique « à la française », avec nos propres légendes, nos spécificités, nos monstres. Ma famille étant originaire de Bretagne, c’était un choix naturel d’explorer les mythes de cette région.
Bastien Dartois
scénariste et créateur de la série

Avez-vous tourné en Bretagne ?

David Hourrègue : Oui, nous avons tourné en Ille-et-Vilaine, autour de Bécherel – la célèbre Cité du livre – mais aussi, dans les monts d’Arrée et le chaos granitique de Huelgoat, qui a notamment servi pour les scènes de battue. L’accueil de la Région Bretagne a été formidable, d’autant plus que le projet sortait de l’ordinaire. Le genre fantastique permet de mettre les territoires en valeur. C’était déjà le cas avec Rivages (sur France 2) que nous avions tournée en Normandie. Aujourd’hui, à Fécamp, un parcours touristique revient d’ailleurs sur les lieux de tournage de la série. Cette augmentation du réel est un terrain propice à tous les fantasmes et les régions s’en nourrissent pour leur communication.

 

Comment avez-vous conçu l’identité visuelle de la série ?

D.H : Bastien avait déjà une idée précise de ce à quoi la série devait ressembler, que nous avons enrichie après les repérages. Par exemple, la scène de battue devait initialement se dérouler dans les hautes herbes des monts d’Arrée. Mais quand nous avons découvert le chaos de Huelgoat, avec ses rochers titanesques, nous avons compris qu’on tenait quelque chose d’unique. C’est rare de filmer un décor aussi puissant et inédit.

Quelles ont été vos inspirations ?

B.D : Nous avons grandi avec les mêmes références que les frères Duffer [les créateurs de Stranger Things, ndlr]. Quand nous représentons des adolescents face à un monstre, nous savons que le public va faire un parallèle avec cette série. Mais nous avons préféré jouer avec nos références Amblin, les livres de Stephen King qui m’ont marqué… Maintenant, nous ne pouvons pas nier l’existence de Stranger Things, sans rivaliser avec elle car nous n’avons pas les mêmes moyens. Nous pouvons, en revanche, mettre en avant une spécificité française, comme Bécherel, un village graniteux, très représentatif de la Bretagne, que nous ne verrons jamais dans une série américaine. Et surtout, notre intrigue porte en elle un drame intime, autour du deuil. C’est ce qui nous distingue.

De quels moyens disposiez-vous pour la mise en scène ?

D.H : Nous avons pu compter sur l’alliance entre France Télévisions et Prime Video, mais le budget de la série reste comparable à celui d’un polar classique pour la télévision. Nous avons réduit le nombre de jours de tournage pour augmenter le budget journalier. Je viens d’une génération de réalisateurs habitués à tourner sept séquences par jour, donc ce rythme, je le connais. Il fallait surtout que l’équipe et les comédiens nous suivent. Nous n’avions pas beaucoup de temps, mais nous avons eu les moyens d’effectuer notre travail correctement pour avoir un rendu le plus cinématique possible.

Le genre fantastique permet de mettre les territoires en valeur [...] C’est un terrain propice à tous les fantasmes et les régions s’en nourrissent pour leur communication.
David Hourrègue
réalisateur de la série

La créature a été conçue en effets pratiques. Pourquoi avoir opté pour ce choix esthétique ?

D.H : C’était davantage un choix de goût que de budget. C’est un vrai plaisir de participer à la création d’un costume, d’un monstre, avec des artistes exceptionnels et de voir la réaction des comédiens sur le plateau quand la créature arrive. Nous avons un pacte : mes comédiens doivent jouer, moi je m’occupe de créer le cadre qui va autour avec des éléments tangibles.

Comment vendre une série fantastique comme Anaon ?

D.H : Sur Rivages, il a fallu faire des compromis pour emmener progressivement le public de France Télévisions, sous couvert de mélodrame, vers un genre fantastique. L’objectif : éviter un rejet de la série dès le pilote. Et le public de France TV a suivi. Sur Anaon, j’avais envie de quelque chose de plus direct, de plus punk, sans pour autant renier la clé émotionnelle de l’histoire. Les diffuseurs nous ont suivis. Nous dévoilons dès le dernier tiers du premier épisode les enjeux fantastiques. Anaon est présentée comme une série à la Stranger Things et il faut assumer.

B.D : Certains diffuseurs peuvent être frileux face à des projets de genre. Ils préfèrent souvent pousser vers le mystère plutôt que le fantastique pur et dur… Avec David, nous étions d’accord sur le fait qu’il fallait valider le contrat du fantastique avec le public dès le pilote. La bande-annonce ne laisse d’ailleurs aucune place au doute : les personnages font face à un monstre, pas à un homme qui se déguise. Le public visé par Anaon, c’est celui qui regarde Star Wars, Marvel ou Stranger Things.
 

Anaon – saison 1 en 6 épisodes de 52 min

Affiche de « Anaon »
Anaon Prime Video

Créée et écrite par Bastien Dartois, Sylvain Caron et Elsa Vasseur
Réalisée par David Hourrègue
Produite par Alexandre Boyer et Antoine Szymalka pour Tetra Media Fiction
Avec Guillaume Labbé, Capucine Malarre, Eugénie Derouand, …
A voir sur Prime Video à partir du 4 avril 2025 et prochainement en clair sur France Télévisions.

Soutien sélectif du CNC : Aide sélective aux effets visuels numériques