Pouvez-vous nous dresser un rapide e?tat des lieux du secteur des effets spe?ciaux en France aujourd’hui ?
Matthias Weber : En France, nous avons un formidable écosystème riche d’entreprises de plus ou moins grande taille. Elles s’appuient sur un marché domestique fort et une formation reconnue parmi les meilleures au monde et qui nous permet d’avoir un vivier incessant d’infographistes de qualité. Malheureusement, depuis plusieurs années ce marché s’effrite avec une concurrence notamment fiscale qui engendre une forte délocalisation. à titre d’exemple, 60% des effets spéciaux dans les films français ont été réalisés à l’étranger en 2015.
Le CNC a lancé son plan en faveur des effets spéciaux, quels points forts retenez-vous ?
MW : Dans un premier temps, je tiens à saluer le rapport de Jean Gaillard ainsi que la rapidité avec laquelle ces nouvelles mesures ont été prises par le CNC. Je perçois un premier volet de ce plan avant tout comme un rattrapage : cela vient tenter de remettre les effets spéciaux à leur juste valeur dans le processus de production, ce qui est important pour tous les partenaires impliqués. Je retiens également que la mise en place d’une enveloppe NTP* spécialement dédiée aux films qui ont recours à beaucoup d’effets spéciaux, va inciter les producteurs, parfois frileux, à s’intéresser davantage aux projets à forte teneur en effets spéciaux. Et va permettre une relocalisation des projets sur le territoire national en redonnant de la compétitivité aux sources de financement des VFX en France face aux Tax Shelters et autres Taxe Rebates. Ainsi, j’ai bon espoir que cela vienne nourrir l’activité du secteur ainsi que son savoir-faire.
Qu’est-ce que cela va concrètement changer pour le secteur ?
MW : Comme je le disais précédemment, un des premiers effets concrets, sera une augmentation du nombre de projets entrepris. Nous espérons aussi qu’avec ce plan en faveur des effets visuels, les entreprises du secteur puissent de nouveau consolider de petites marges qui seront elles- mêmes réinvesties dans la recherche et le développement et donc à terme dans la création de nouveaux outils plus performants pour des prestations de qualité toujours plus grande. Il s’agit d’un véritable cercle vertueux.
Vous insistez sur la notion de «production value» (valeur ajoutée) des effets spéciaux, celle-ci va-t-elle être également impactée et comment ?
MW : Tout à fait, c’est exactement l’idée du cercle vertueux. Avec des effets visuels bien pensés, bien amenés et bien réalisés, je suis persuadé que c’est la qualité du projet dans son ensemble qui en ressort fortement valorisée. A titre d’exemple, nous avons réalisé certains des effets spéciaux de la série Les Témoins d’Hervé Hadmar qui ont permis de créer une véritable ambiance visuelle. Ce résultat plastique a beaucoup séduit à l’étranger et la série s’est très bien exportée (elle a été vendue dans 70 pays) avec notamment un achat de la chaine anglaise Channel 4. Cette nouvelle enveloppe NTP va donc permettre d’avoir des œuvres plus riches et davantage dans les standards internationaux. Ce qui est une bonne nouvelle pour la santé économique de ce secteur.
Quel avenir peut-on alors envisager pour les effets spéciaux en France ?
MW: Encore une fois, je tiens à souligner la prise de conscience du CNC sur la situation critique du secteur et la rapidité des mesures prises. Si l’on combine cela à l’aménagement du crédit d’impôt international dont l’assiette des dépenses éligibles à été ramenée à 250 K€ qui favorisera l’afflux des projets étrangers, nous disposons aujourd’hui d’un territoire attractif artistiquement et économiquement parlant. Et l’on peut donc espérer à terme l’augmentation d’expérience de collaboration internationale sur des projets d’envergure, ainsi que la pérennisation d’une excellence française en matière d’effets visuels.
Le CNC lance un grand plan en faveur des effets spéciaux
La création d’une nouvelle aide qui fera passer le soutien du CNC à cette filière de 6 à 9 M€. Ces nouveaux soutiens permettront de favoriser la qualité artistique des effets spéciaux et d’encourager les projets les plus ambitieux (avec un bonus de 15 % pour ceux d’une valeur supérieure à 1M€).
Cette aide vient renforcer les effets de la forte revalorisation des crédits d’impôt votée par le Parlement en 2016 et en 2017 qui vont avoir un effet de levier considérable.
Les entreprises du secteur, qui sont pour l’essentiel des PME, pourront aussi désormais bénéficier de garantie de prêts et de prêts participatifs de l’IFCIC (Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles) pour renforcer leurs fonds propres.