« Être scénariste de SKAM, c’est comme être sélectionneur de l’équipe de France ! »

« Être scénariste de SKAM, c’est comme être sélectionneur de l’équipe de France ! »

25 mars 2022
Séries et TV
Le casting de la saison 7 de « SKAM France »
Le casting de la saison 7 de « SKAM France » Thibault GRABHERR-FTV
Invitées au Festival Séries Mania cette année, la directrice de collection Deborah Hassoun et la réalisatrice Shirley Monsarrat nous racontent leur expérience aux commandes de SKAM France durant deux ans et comment elles font face à la pression de fans très investis.

Vous avez repris la série ensemble au début de la saison 7. Quel bilan faites-vous aujourd’hui de votre expérience SKAM ?

Shirley Monsarrat : Un bilan très positif. On a réussi à évoluer, à se renouveler au maximum. Ce n’est pas évident sur ce type de format. Mais c’est aussi ça qui est formidable avec SKAM : chaque saison est comme un film.

Deborah Hassoun : En tant que directrice de collection, c’était très intéressant de mettre en place une équipe d’auteurs et de pouvoir travailler avec la même réalisatrice pendant quatre saisons, en développant des thèmes différents. Et puis on a une telle liberté sur France.tv Slash... Les moyens de production sont plus légers, certes, mais on a carte blanche sur les personnages, sur les enjeux de la série. On a moins d’argent, mais tellement de liberté.

Quels changements avez-vous apportés à la série en arrivant ?

Deborah Hassoun : On a pris plus de temps pour écrire. Je m’y suis mise vraiment en amont. Après, sur la forme, SKAM, c’est une autoroute. La durée des clips en ligne est précise. On sait que ça ne peut pas dépasser 4 minutes 30 ni faire moins de 50 secondes. Mais là, pour la saison 10 – qui arrivera prochainement – on s’est permis de déroger un peu aux règles. On a ainsi une séquence qui fera 8 minutes.

SKAM, ça existe depuis longtemps, c’est bien installé, donc on peut désormais proposer de nouvelles choses, faire bouger certains codes.

La saison 9 qui vient de se terminer a été très commentée sur les réseaux sociaux. SKAM, c’est une série avec des fans très impliqués…

Deborah Hassoun : Oui, c’était un peu une saison à part. Parce que les deux personnages au centre de cette saison, Lola et Maya, forment un couple très emblématique de SKAM. Leur rupture a bouleversé beaucoup de fans. Je suis fière de ce qu’on a fait cette année. Je crois que la question est de savoir : est-ce qu’on se contente de proposer ce que les gens ont envie de voir, du sucre et rien d’autre, ou est-ce qu’on essaye de les bousculer ? Quitte à ne pas être d’accord ? Ce n’est pas grave d’être en désaccord avec les fans. Parce qu’ils ont quand même eu envie de regarder cette saison, qui a été très suivie d’ailleurs.

Shirley Monsarrat :

Il faut bien comprendre aussi que SKAM, ce sont des réactions en temps réel, sur les réseaux sociaux, sur la séquence qui vient d’être postée. C’est instantané.

On récolte tout immédiatement, à chaud, le bon comme le mauvais. Les gens donnent leur avis sur absolument toute la trame narrative. Ils participent tellement qu’ils proposent même de réécrire, de remettre des choses en scène... 


Comment avez-vous vécu ces retours sans filtre ?

Deborah Hassoun : Être scénariste de SKAM, c’est comme être sélectionneur de l’équipe de France !

Tout le monde a son avis, tout le monde aurait fait différemment. Mais nous, notre métier, c’est de faire passer des choses. Des messages. 

Shirley Monsarrat : Après, ce n’est pas facile non plus d’être raillée, insultée par des fans déçus. Il faut se blinder.

La jeunesse évolue vite. Celle de la saison 9 n’est pas la même que celle de la saison 1. Est-ce compliqué de rester pertinent ?

Deborah Hassoun : C’est amusant parce qu’on me pose souvent cette question autour de SKAM, qui parle des ados... Mais si j’écris une série sur des ouvriers, moi qui ne viens pas d’un milieu ouvrier, je me renseigne, tout simplement. Je fais des recherches, pour voir comment les gens parlent, bougent, s’expriment. Ça demande de se mettre à jour, c’est sûr, mais cet âge, entre 15 et 25 ans, m’intéresse particulièrement. J’observe, je regarde, j’écoute. Quand je suis dans le métro, je m’assois à côté des jeunes pour capter la manière dont ils parlent !

Shirley Monsarrat : C’est vrai que ça évolue vite, parce qu’il y a des mots ou des expressions qu’on utilisait dans la saison 7 par exemple, et qui ne se disaient déjà plus quand on a démarré le tournage de la saison 10. Ce sont les acteurs qui nous reprenaient. Par exemple, dans la saison 10, Anaïs dit souvent : « T’as peur ? » Et j’avoue que c’est une expression qu’on ne connaissait pas...

Deborah Hassoun : Mais je ne tiens pas non plus à mettre trop d’argot dans les dialogues, parce que ça marque l’époque. Et une série, on doit pouvoir la revoir dans dix ans. Et puis il y a aussi une histoire de mélodie dans les dialogues, un flow auquel on fait très attention.

La saison 10 de SKAM est déjà tournée et on attend sa date de diffusion. Comment envisagez-vous la suite ?

Shirley Monsarrat : Nous avons fini. On a travaillé sur une génération de SKAM, étalée entre la saison 7 et la saison 10. Cette prochaine saison bouclera notre génération. C’était important pour nous d’avoir une vraie fin. On est vraiment heureuses d’avoir pu aller au bout de ce qu’on voulait raconter. De voir nos acteurs vieillir à l’écran. Et pour nous, SKAM est terminé.

Deborah Hassoun : Et c’est bien. On va pouvoir tourner la page, faire d’autres choses. C’est intense comme rythme à tenir, pendant deux ans. Pour la série aussi, il faut du sang neuf pour se renouveler, amener de nouvelles idées, de nouvelles choses dans l’écriture ou la mise en scène. Et c’est certainement pour cela que la série perdure.