Parti beaucoup trop tôt, à seulement 40 ans, il n'aura même pas eu le temps d'apprécier la réussite de sa création. Alors qu'il venait de coucher sur le papier l'idée d'Oggy et les Cafards, Jean-Yves Raimbaud est décédé, le 20 juin 1998. Trois mois plus tard, son cartoon déjanté racontant les malheurs d'un chat bleu anthropomorphe, martyrisé par trois cafards psychopathes, débarquait à la télé américaine. Le programme fut diffusé pour la première fois le 6 septembre 1998, sur Fox Family Channel. Vingt ans plus tard, l'œuvre de Jean-Yves Raimbaud est toujours présente, à l'antenne, aux États-Unis, en France, et dans 190 pays à travers le monde.
Ce leg au patrimoine du dessin animé, Jean-Yves Raimbaud y a travaillé toute sa vie. Dès l'âge de 14 ans, il quittait le cadre scolaire pour se lancer dans la profession de peintre en lettres, débutant alors sa carrière de dessinateur sur des panneaux publicitaires. Une carrière qui commencera véritablement lors de son entrée au studio d'animation DIC (Diffusion Information Communication), celui de Jean Chalopin, à l'origine des séries d'animation phares de l'époque : Inspecteur Gadget, Les Mystérieuses Cités d'or, Ulysse 31... Il y apprendra son futur de métier, celui de créateur de cartoon.
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« Un créateur et un concepteur d'univers »
« Au départ, Jean-Yves, c'était un dessinateur. Mais c'était aussi un créateur et un concepteur d'univers », nous confie son ami et collaborateur, le producteur d'Oggy et les Cafards, Marc du Pontavice. « Un créateur au sens complet du terme. Il était moins réalisateur que créateur. Parce qu'il avait un sens de la conception, de la dynamique et des histoires. Les Zinzins de l'Espace, ainsi qu'Oggy et les Cafards, sont vraiment sa création. »
Deux séries mondialement célèbres aujourd'hui, qui sont d'abord nées d'une grande déception : celle de l'échec de son premier studio, Jingle, qui assurait la sous-traitance de dessins animés comme Les Mondes Engloutis, au cœur des années 1980. Jingle et Jean-Yves Raimbaud développèrent aussi Manu pour La Cinq. Mais en 1993, après la fermeture de la chaîne privée, sa société fit faillite.
Le dessinateur rejoignit alors Marc du Pontavice, au sein de Gaumont Multimédia : « Quand j'ai créé la division Gaumont Multimédia, je cherchais des artistes avec une vision un peu originale. J'en ai rencontré plusieurs et il y en a un qui m'a marqué tout de suite, c'était Jean-Yves Raimbaud », se rappelle Marc du Pontavice. « Sa société, Jingle, n'allait pas très bien, mais il rêvait de faire des dessins animés plus modernes. On avait une référence en commun, qui était un truc révolutionnaire, diffusé alors aux États-Unis : ça s'appelait Ren & Stimpy, de John Kricfalusi. C'était quelque chose d'incroyablement irrévérencieux. Admirablement animé. Quelque chose qui allait vraiment redonner le pouvoir aux animateurs. Sur le plan artistique et technique, c'était vraiment stupéfiant. On adorait ça et les Zinzins de l'Espace sont nés de cette idée, de cette référence. »
« Il sont tous un peu les enfants spirituels de Jean-Yves »
Nous sommes en 1997 et la première collaboration entre les deux hommes commence déjà à être un immense succès. Fans de rock, Jean-Yves Raimbaud et Marc du Pontavice réussissent même à faire chanter Iggy Pop, pour le générique des Zinzins de l'Espace : « Il a créé cette chanson qu'il est venu enregistrer en studio à Paris... C'est vraiment un grand souvenir », sourit le producteur.
Forts de cette réussite, ils développeront ensemble, dans la foulée, Oggy et les cafards, que Jean-Yves Raimbaud ne verra jamais à la télévision, mais qui, 20 ans plus tard, fait toujours rire 800 millions de foyers aux quatre coins du monde : « Il y avait tout un collectif qui s'était créé autour de Jean-Yves, d'abord pour les Zinzins de l'Espace, et ensuite pour Oggy et les cafards », reprend Marc du Pontavice. « Et tous ces gens-là n’ont pas pensé une seule minute ne pas continuer après sa mort. Ils ont évidemment perdu un mentor. Parce que Jean-Yves, au-delà de son talent, était humainement une personne exceptionnelle. Mais on ne s'est jamais dit qu'on allait arrêter. Je me suis plutôt demandé comment j'allais faire pour retrouver un créateur de cette puissance-là... Heureusement, l'animation est une grande chaîne de transmission des talents. Et derrière Jean-Yves, ont grandi des personnalités comme Olivier Jean-Marie. Il y a plusieurs générations d'animateurs, de dessinateurs et de créateurs qui ont commencé à travailler sur Oggy. Ils sont tous un peu les enfants spirituels de Jean-Yves. »